
Plan culturel à Ottawa : les francophones veulent être vus, entendus… et financés

OTTAWA – La Ville d’Ottawa consulte actuellement la population pour définir son nouveau plan culturel. Un exercice qui ravive les espoirs – mais aussi les frustrations – de plusieurs figures du milieu artistique et communautaire francophone.
« Ce que les francophones veulent, c’est simple : se voir, s’entendre, vivre leur culture au quotidien », tranche Madeleine Meilleur, directrice générale du Muséoparc Vanier.
Rencontrée en marge d’une consultation publique organisée début avril par la Ville d’Ottawa dans le cadre de l’élaboration du plan culturel municipal 2025-2030, elle insiste : les Franco-Ottaviens souhaitent « encourager leurs artistes, les voir grandir ici, et non les perdre faute de soutien. »
Mais elle déplore une réalité persistante : « Les arts, on les finance toujours en dernier. Même si la francophonie est bien vivante à Ottawa, les artistes doivent constamment se battre pour exister. »
Une situation qui résonne avec le vécu d’Inouk Touzin, artiste professionnel du théâtre contraint de mettre sa pratique artistique sur pause faute de financement.
« Je ne peux m’imaginer vivoter comme dans le passé avec le coût de la vie et une famille à ma charge, donc il faut complètement changer la donne en termes de financement des arts. »
Selon lui, il est « critique que le plan fasse une place importante pour mon groupe, c’est-à-dire du financement et des programmes spécifiques à la culture franco-ontarienne. »
Ainsi, il appelle à ce que le plan aborde « de front la question de l’engagement citoyen envers les arts vivants, pour occuper nos espaces, propulser nos artistes vers la production artistique de qualité pour qu’il soit possible de mieux vivre des arts. »

Une francophonie en mutation
Pour François Lachapelle, acteur culturel bien connu de la capitale, il est temps de repenser les cadres traditionnels : « La croissance francophone est désormais portée par l’immigration en provenance d’anciennes colonies, ce qui transforme en profondeur les dynamiques culturelles. »
À ses yeux, un plan culturel municipal ne peut être un simple document symbolique : « C’est un engagement sur dix ans, parfois plus. Il doit donc refléter les réalités d’aujourd’hui, pas seulement une vision traditionnelle de la culture. »
Ce plan culturel constitue le premier exercice de planification culturelle à l’échelle de la ville depuis 2012. Pour mieux répondre aux besoins de ses populations culturelles diverses, Ottawa prévoit de consulter 10 000 résidents, par le biais d’une tournée culturelle, de groupes de discussion, de sondages, d’entrevues et de consultations communautaires.
Pour une culture inclusive et exportable
Jessy Lindsay, auteure-compositrice-interprète pop franco-ontarienne, estime que l’enjeu dépasse le financement. Il faut ouvrir les espaces artistiques.
« J’aimerais bien voir plus d’infrastructures pour les arts ainsi que plus de collaboration et de support des associations et collectifs artistiques qui existent déjà ici. »
Elle dénonce la programmation trop cloisonnée selon les langues et les communautés : « En tant qu’artiste francophone, je suis souvent programmée avec d’autres artistes francophones. Ça serait beau de voir plus de programmation qui nous mélange avec les autres, surtout dans une ville bilingue. »

Une ouverture à la mixité artistique qu’évoque aussi Mélanie Brulée, directrice générale de la Coalition de l’industrie musicale d’Ottawa (CIMO).
Elle espère que le nouveau plan culturel « mette l’accent sur un soutien accru au développement des arts locaux, avec plus de financements dédiés ainsi que le développement d’accès aux espaces de diffusion publique adaptés. »
Mais surtout, elle insiste sur la reconnaissance de la pluralité des expressions culturelles francophones : « Il est crucial de reconnaître et de valoriser la diversité culturelle francophone, en intégrant les différentes expressions artistiques et communautaires, tout en facilitant l’accès à la culture pour tous les francophones, en particulier les jeunes et les personnes issues de milieux défavorisés. »
À cet effet, elle appelle à une meilleure coordination : « Une collaboration renforcée entre les acteurs culturels francophones et les institutions municipales est nécessaire. Ceci ne se fait pas seul! »
Et de conclure : « Finalement, il est essentiel de promouvoir la culture et la francophonie d’Ottawa à l’échelle régionale, nationale et internationale, afin de rayonner au-delà des frontières de la ville. »

À l’heure où la Ville consulte, les attentes sont claires. Plus de reconnaissance, plus de soutien et plus d’espaces ouverts à la diversité culturelle francophone.
Comme le résume Madeleine Meilleur : « S’ils ne peuvent pas vivre de leur art, ils partent. Damien Robitaille, Véronic DiCaire, entre autres artistes, ont commencé ici, mais ils ont dû s’exiler pour réussir. Et pourtant, ils sont des enfants de l’Ontario. »