Le projet de loi sur la protection des librairies franco-ontariennes est rejeté
Le projet de loi 58 pour la protection des librairies franco-ontariennes a été rejeté ce matin à Queen’s Park avec 70 votes contre et 37 en faveur. Lors du dernier débat pour le passage en seconde lecture, le gouvernement avait indiqué qu’il ne le soutiendrait pas « dans sa forme actuelle », notamment à cause du cadre réglementaire : les institutions financées par des fonds publics auraient, entre autres, eu l’obligation de se procurer leurs livres auprès de ces librairies francophones.
Avec la disparition de neuf librairies franco-ontariennes en l’espace de quelques années, passant de 12 à trois, la députée d’Ottawa-Vanier Lucille Collard souhaitait proposer « des solutions concrètes pour renverser la tendance », avait-elle affirmé.
Il s’agissait d’ouvrir la voie à une législation unique en Ontario (inspirée d’une loi québécoise) visant à protéger et assurer la survie des librairies franco-ontariennes incluant : la création d’une accréditation, l’obligation pour les institutions financées par les fonds publics de s’approvisionner auprès de celles-ci, la nomination d’un registrateur des librairies franco-ontariennes, ou encore la création d’un fonds de soutien provincial afin d’aider ces librairies à moderniser et à maintenir leurs activités.
En débat, le 6 novembre dernier, le député d’Essex Anthony Leardi avait annoncé en français que le gouvernement ne soutiendrait pas le projet de loi lors du prochain vote :
« Notre gouvernement reconnaît l’apport des librairies à la communauté et demeure fermement engagé à soutenir les francophones et leurs institutions (…) Mais notre responsabilité est aussi de mesurer, avec rigueur, les effets d’une loi sur l’ensemble de l’écosystème. »
« Après examen attentif, nous ne pouvons pas appuyer le projet de loi 58 dans sa forme actuelle (…) Parce qu’il substitue une logique de réglementation et de contrainte à une approche de partenariat et d’autonomisation des institutions. »
Le Franco-Ontarien Stéphane Sarrazin (Glengarry-Prescott-Russell) avait lui aussi pris la parole au nom du gouvernement, saluant tout d’abord l’engagement de la députée Collard envers la culture franco-ontarienne.
« Nous partageons cet attachement. Nous savons que les librairies franco-ontariennes sont des espaces de vie, d’identité et de mémoire. Elles font partie de ce tissu culturel qui unit notre société franco-ontarienne. »
Il avait néanmoins pointé du doigt un manque de « modernité, souplesse et concertation », comme raisons pour lesquelles le gouvernement ne pouvait pas appuyer le projet de loi dans sa forme actuelle.
De justifier : « Refuser le projet de loi 58 ne signifie pas refuser la culture, c’est refuser de la figer. Nous choisissons une francophonie vivante, ouverte et collaborative. »
Une conversation qui restera ouverte?
En sortie de chambre après le vote, Mme Collard a dit espérer une proposition de la part du gouvernement.
« Le gouvernement a voté contre le projet de loi. S’ils n’aiment pas ma proposition, j’espère qu’ils s’en inspireront pour la leur. Si on ne fait rien, les librairies franco-ontariennes vont se faire manger par les entreprises multinationales, même les entreprises québécoises qui elles sont protégées au Québec et qui sont en mesure de proposer des rabais, ce que nos librairies ne peuvent pas faire », déplore-t-elle.
Celle-ci confirme qu’elle continuera à dialoguer avec le gouvernement à ce sujet et notamment avec la ministre Caroline Mulroney : « Proposer une solution législative pour venir protéger nos librairies, c’est tout à fait dans le mandat de la ministre des Affaires francophones à travers le Loi sur les services en français (LSF), qui prévoit qu’elle soit responsable de faire la promotion des entreprises franco-ontariennes. »
Côté gouvernement, « nous souhaitons garder ce dialogue ouvert, avec la députée et avec l’ensemble du milieu, afin d’explorer des avenues concrètes et durables », s’était engagé le député progressiste-conservateur Anthony Leardi.
Plusieurs députés de l’opposition, présents lors du dernier débat avaient, eux, appuyé le projet de loi de la députée libérale, dont la néodémocrate France Gélinas : « Le projet de loi est pour moi bien pensé. On veut acheter en Ontario et c’est exactement ce dont il est question ici. Avec la perte des trois quarts des librairies francophones, est-ce si dur de voter pour la survie des Franco-Ontariens? », avait-elle questionné.
« Les librairies francophones sont importantes en Ontario, car elles soutiennent et font rayonner la culture franco-ontarienne en offrant un accès à des livres en français (…) Elles contribuent ainsi à la préservation et à la vitalité de la langue et de l’identité culturelle dans la province », avait commenté la députée de Nickel Belt auprès d’ONFR.
En chambre, le député libéral Ted Hsu (Kingston et les Îles) avait argumenté en français, en faveur de l’initiative : « Le projet de loi est d’intérêt public. Notre loi sur les services en français nous oblige à promouvoir l’épanouissement de la communauté dont la culture en est un des socles. Les budgets des écoles continueraient à quitter la province. Ce projet de loi ancre ces investissements dans nos communautés. »