Quatre ans de purgatoire pour les libéraux

Les députées élues Marie-France Lalonde et Kathleen Wynne. Archives #ONfr

[ANALYSE]

Depuis jeudi soir, l’Ontario est officiellement entré dans l’ère de la Ford Nation. Une victoire plus large qu’attendu, qui place les libéraux en mauvaise posture pour les quatre prochaines années.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Car les troupes de Kathleen Wynne ont traversé les quatre semaines de campagne comme une ombre. Avec sept sièges obtenus à Queen’s Park, le parti égale même son score catastrophique de 1951. Plus grave : faute d’avoir obtenu huit députés, le statut officiel de parti est perdu.

Ce coup dur donnera moins de visibilité aux libéraux. Cela se traduira par moins de financement pour du personnel de soutien. C’est aussi un temps de parole réduit pour eux à l’Assemblée législative et moins de présence aux différents comités. Jusqu’aux prochaines élections en 2022, le Nouveau Parti démocratique (NPD) sera pratiquement l’unique voix de l’opposition audible.

Les libéraux sont-ils dès lors voués à disparaître? Bien sûr que non. Cette mésaventure est déjà arrivée à bien des partis. Du côté de Queen’s Park, les néo-démocrates avaient eux aussi perdu leur statut de parti officiel en 2003. La progression a été lente, mais réelle avant de voir le NPD redevenir le premier parti d’opposition, jeudi dernier. 

Au niveau fédéral, les deux élus obtenus par le Parti progressiste-conservateur, en 1993, sonnaient alors comme une fin. Treize ans plus tard et sous une autre forme, le parti est pourtant revenu au pouvoir. Dans ces deux cas, on voit que le chemin du retour est une affaire de plus d’une législature. 

Dans leur malheur, les libéraux peuvent aussi se consoler avec l’expérience de ces sept élus. Six d’entre eux ont déjà été ministres. Kathleen Wynne, bien qu’elle ait démissionné de son poste de chef, siégera encore au moins quelque temps. La transition politique pourrait être moins ardue.

Des francophones parmi les rescapés

Dans les quatre prochaines années, le point d’attache du parti restera Ottawa. Contre toute attente, les libéraux ont bien résisté dans cette région. Nathalie Des Rosiers a largement conservé son siège d’Ottawa-Vanier, tandis que Marie-France Lalonde dans Orléans et John Fraser dans Ottawa-Sud ont déjoué les pronostics défavorables.

Les sondages avaient peut-être sous-estimé le capital sympathie de Mme Lalonde dans sa circonscription. La députée reste redoutable dans l’exercice du porte-à-porte et pour créer un lien de confiance avec ses électeurs. 

John Fraser est du même acabit. Effacé sur les bancs de Queen’s Park, l’élu a construit une relation privilégiée avec les votants d’Ottawa-Sud, bien avant son élection en 2013. Dans le fief de Dalton McGuinty, c’est lui qui, à titre d’adjoint de l’ancien chef du Parti libéral, répondait souvent à leurs demandes.

La présence du francophile Fraser à Queen’s Park, tout comme de Marie-France Lalonde et Nathalie Des Rosiers, seront autant de garde-fous possibles face à un nouveau pouvoir dont les aspirations pour les francophones sont encore nébuleuses. À ce sujet, Doug Ford peut décevoir autant qu’il peut surprendre.

Le défi de la représentation

Le premier ministre désigné pourrait tout aussi décider d’offrir le statut officiel de parti aux libéraux. Il en a le droit. 

L’élection du chef du Parti vert, Mike Schreiner, dans Guelph, permet en tout cas la présence de quatre partis à l’Assemblée législative. Mais libéraux et verts auront donc une voix très limitée. Considérant les 25 % des votes populaires de ces deux partis, la représentation politique serait peut-être à repenser. Sur ce sujet aussi, M. Ford a du pain sur la planche. 

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 11 juin.