Rentrée parlementaire sur fond de controverse
TORONTO – Les « scandales » et les mesures d’austérité du gouvernement libéral de Kathleen Wynne ont jeté de l’ombre sur la rentrée parlementaire d’hiver à l’Assemblée législative de l’Ontario, le mardi 17 février.
FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault
Dès l’aube, plusieurs centaines de syndiqués de la fonction publique provinciale attendaient le retour des parlementaires à Queen’s Park avec une brique et un fanal.
Les manifestants, pour la plupart des membres du Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario (SEFPO), ont voulu dénoncer des compressions dans les services publics et le « gaspillage », selon eux, de plus de 8,2 milliards $ dans des privatisations coûteuses et des « scandales » au cours des dernières années.
« Imaginez seulement ce que 8,2 milliards $ auraient pu faire pour améliorer les services publics de l’Ontario. Cet argent enrichit plutôt des compagnies privées triées sur le volet par le gouvernement libéral », a fustigé Warren ‘Smokey’ Thomas, président du SEFPO.
Les manifestants ont marché sur Queen’s Park pendant un peu plus de deux heures, traînant, derrière une porte de geôle, une marionnette géante à l’effigie de Mme Wynne. Une allégorie sur les quelques enquêtes de la police dans les affaires du clan libéral.
Loin d’avoir la langue au cachot, la première ministre a demandé, à son tour, aux fonctionnaires de se serrer un peu plus la ceinture pour ramener la province vers l’équilibre budgétaire.
« Je ne crois pas que ça aide de négocier sur le parterre de Queen’s Park », a commenté Mme Wynne lors d’un point de presse, le 17 février. « Nous avons pris l’engagement d’éliminer le déficit d’ici 2017-2018. Une partie de cet engagement repose sur notre capacité à garder le cap sur (un gel de) la rémunération dans le secteur public », a-t-elle réitéré.
L’Ontario combat un déficit de plus de 10 milliards $, le plus élevé de toutes les provinces canadiennes.
Le malaise sudburois
Aussitôt les manifestations terminées, c’est l’affaire Olivier qui a monopolisé toute l’attention à l’Assemblée législative alors que le nouveau député libéral de Sudbury et transfuge néo-démocrate du fédéral Glenn Thibeault y faisait son entrée.
L’arrivée au parlement provincial de M. Thibeault a provoqué un certain malaise. Le nouvel élu a serré du bout des doigts la main de la chef néo-démocrate Andrea Horwath, puis il a tourné le dos à son ancien allié du nord Gilles Bisson lorsque celui-ci s’est levé pour le saluer.
Un peu plus tard, un autre député néo-démocrate, Paul Miller, y est allé d’un « traître » bien senti dans la direction de M. Thibeault, assis tout au fond dans les gradins libéraux.
Dès les premières minutes de la période de questions, l’opposition est tombée à bras raccourcis sur la chef de cabinet adjointe de la première ministre, Patricia Sorbara, soupçonnée de corruption par la Police provinciale de l’Ontario (PPO) dans l’affaire Olivier à Sudbury.
Mme Sorbara s’est retrouvée sous la loupe de la police après qu’elle soit intervenue auprès d’Andrew Olivier, un ex-candidat libéral, afin de le convaincre de céder sa place à M. Thibeault lors d’une récente élection partielle.
Un autre organisateur libéral, Gerry Lougheed, a quant à lui fait miroiter « un emploi ou une nomination » au candidat écarté.
« Ça ressemble certainement à de la corruption à mes yeux », a pesté le chef progressiste-conservateur par intérim, Jim Wilson, dès l’ouverture de la période de questions.
Le leader de l’opposition officielle a sommé le gouvernement libéral de limoger sa chef de cabinet adjointe. En vain.
Glenn Thibeault l’a emporté dans Sudbury avec 41% des suffrages, contre 35% pour la néo-démocrate Suzanne Shawbonquit et 12% pour Andrew Olivier à titre de candidat indépendant, lors du scrutin du 5 février.
Aucune accusation n’avait été déposée dans l’affaire Olivier au moment de la rentrée parlementaire.
« Il y a quelques mois, la première ministre s’est excusée pour les sandales (passés) de son parti », a rappelé Mme Horwath. « Et maintenant, elle se trouve elle-même au cœur d’un scandale de corruption », a-t-elle dénoncé sous les applaudissements nourris des deux partis d’opposition.
Or, il ne se serait rien passé d’illégal à Sudbury, de l’avis de la première ministre.
« En tant que chef, c’était mon droit de désigner un candidat et je l’ai fait », a déclaré Mme Wynne à plus d’une occasion, le 17 février. Elle a ajouté au sujet de M. Olivier qu’elle souhaitait seulement « garder ce jeune homme impliqué dans le parti ».