« Un désastre pour les francophones » : le redécoupage électoral critiqué dans le Nord
SUDBURY – Proposé la semaine dernière par la Commission de délimitation des circonscriptions électorales fédérales pour l’Ontario, le redécoupage de la carte suscite de vives réactions chez des députés du Nord de l’Ontario. Ceux-ci dénoncent des risques de pertes importantes pour la communauté francophone du Nord qui verrait sa carte lourdement remaniée. L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) tempère de son côté, y voyant l’émergence d’une possible circonscription francophone.
Sur la base de la proposition, la région de l’Ontario risquerait de perdre un siège et le nombre de circonscriptions du Nord passerait de 10 actuellement à neuf.
Parmi les changements suggérés, on peut noter la création d’une très grande circonscription intitulée Kiiwetinoong-Mushkegowuk dans le Grand Nord allant de l’Ouest, au-dessus de Kenora, vers l’Est, après Moosonee.
Celle-ci incorporait ainsi le nord de l’actuelle circonscription de Timmins-Baie James et Kenora. Timmins rejoindrait alors Kapuskasing et Hearst dans la nouvelle circonscription de Cochrane-Timmins-Timiskaming.
Parmi les autres changements, Nipissing Ouest et Sturgeon Falls quitteraient la circonscription de Nickel Belt pour rejoindre celle nouvellement créée de Nipissing. Celle-ci reprend une grande partie de l’actuelle Nipissing-Timiskaming incluant North Bay et Mattawa.
Wanhapitae, Consiton et Falconbridge Lively, Copper Cliff et New Sudbury font partie des communautés formant la circonscription de Sudbury dont la taille a considérablement augmenté en absorbant une partie de l’actuelle Nickel Belt.
Une autre circonscription irait de l’ouest de l’actuelle Sudbury, à partir de Naughton, vers le Sud de l’actuelle Algoma-Manitoulin-Kapuskasing incorporant ainsi l’île Manitoulin, Espanola et Elliot Lake.
Là encore Nickel Belt perdrait l’extrême sud de son actuelle frontière en abandonnant notamment Rivière-des-Français à cette nouvelle circonscription nommée Manitoulin-Nickel Belt.
Une division des francophones
Selon Marc Serré, député fédéral de l’actuelle Nickel Belt, cette refonte de la carte électorale sera néfaste pour la population francophone de l’Ontario.
« Ils divisent nos communautés francophones », déclare-t-il en entrevue avec ONFR+. Celui-ci ajoute ne pas comprendre la manière dont ce redécoupage a été opéré ni « comment ils ont fait pour diviser les municipalités et les communautés francophones en trois députés ».
« Nickel Belt va avoir les communautés d’Azilda, Chelmsford et Vallée-Est de Sudbury qui est majoritairement francophone, mais là on va rattacher ça avec l’Île Manitoulin, Elliot Lake et Espanola qui est majoritairement anglophone. »
La députée Carol Hughes est peut-être la plus grande perdante de cette proposition de la Commission. Elle serait celle qui écoperait en perdant sa circonscription d’Algoma-Manitoulin-Kapuskasing qui serait redistribuée dans quatre comtés différents.
« Ce n’est pas à propos de moi de perdre ma circonscription. C’est plutôt le fait que le Nord perde une circonscription », lance celle qui en est l’élue fédérale depuis 2008.
« Ce qui me préoccupe le plus en éliminant le comté d’Algoma, c’est qu’il divise la communauté francophone et la communauté rurale encore plus. Ce n’est pas correct et la communauté du Grand Sudbury va être divisée encore plus », craint quant à lui Marc Serré.
Des services en français réduits
Selon celui qui est aussi le secrétaire parlementaire de la ministre des Langues officielles, ce sont les centres de santé et les centres communautaires proches du Grand Sudbury qui en subiront les conséquences : « Il n’y a pas d’affiliation du tout du tout avec North Bay. Il n’y a aucun lien économique, aucun lien francophone. C’est vraiment un désastre pour les francophones. »
Carol Hugues, de son côté, craint une perte de service au niveau de la gestion des dossiers de l’immigration. « Il y a des gens qui ne sont pas contents, car ça fait de grands comtés qui ne seront par serviables. On est toujours ouvert à des changements, mais des changements pour améliorer, ne pas réduire les services. »
« Les grandes communautés commencent à avaler les régions rurales et dans le Nord. C’est inacceptable », se désole-t-elle.
Selon la néo-démocrate, les députés du Nord de toute appartenance politique sont du même avis. Ceux-ci comptent demander soit que les frontières actuelles soient maintenues ou d’être inclus dans de futures discussions autour du remaniement de la carte.
L’AFO plus optimiste
Le président de l’AFO est loin d’être alarmiste, au contraire.
Pour Carol Jolin, la nouvelle circonscription de Cochrane-Timmins-Timiskaming, qui inclurait trois des villes à la plus grande population francophone (Timmins, Cochrane et Temiskaming Shores) pourrait être majoritairement francophone.
Il compare ce redécoupage à celui de 2018, qui avait vu naître la circonscription provinciale de Mushkegowuk-Baie James alors majoritairement francophone.
« Si les francophones sont majoritaires, il y a de grandes chances que les gens qui se présentent soient des francophones », lance-t-il avant de rajouter qu’il faut tout de même attendre d’avoir les chiffres de ce que ce redécoupage fédéral pourrait représenter.
La Commission tiendra une audience publique dans les prochains mois pour recevoir les commentaires.
Une assemblée publique virtuelle aura également lieu le 26 octobre à 18h30 pour les personnes du Nord de l’Ontario. Ceux qui le souhaitent peuvent envoyer leurs commentaires à l’adresse : www.redecoupage-redistribution-2022.ca.
Si ce redécoupage est accepté, il pourrait entrer en vigueur aussi tôt qu’en 2024 lors des prochaines élections fédérales.