Culture

Un nouvel outil pour mesurer les retombées économiques du secteur culturel ontarien, région par région

Damien Robitaille au Festival franco-ontarien à Ottawa, en 2024. Photo: Rachel Crustin/ONFR

TORONTO – Le conseil des arts de l’Ontario (CAO) lance un nouvel outil pour mesurer les retombées économiques du milieu culturel d’une façon plus précise, générant des données par communautés. L’organisme gouvernemental a commandé une étude de Nordicity, qui vient de publier son rapport intitulé Les arts allument l’Ontario.

« Les arts allument l’Ontario est la toute première évaluation économique complète des arts en Ontario », peut-on lire dans un communiqué envoyé mercredi.

Il contient des données détaillées sur les contributions du secteur culturel au produit intérieur brut (PIB) de la province, en retombées directes, indirectes et induites. Il mentionne aussi le nombre d’emplois créés, le travail bénévole, les taxes provinciales payées par les organismes ou des facteurs plus sociaux comme l’impact sur les communautés au niveau de la santé mentale ou de l’éducation. Il souhaite mettre en relation les arts et la culture avec les autres secteurs économiques.

En outre, on apprend que l’économie culturelle de l’Ontario contribue à la hauteur de 45 % au PIB du secteur culturel canadien, ce qui en fait l’économie culturelle la plus importante du pays. En Ontario, le secteur culturel « a fourni plus d’emplois que les secteurs de l’immobilier, de la construction automobile, de la foresterie et de l’industrie minière réunis ».

Le rapport distingue également les statistiques globales de chaque région de celles qui touchent spécifiquement les 563 organismes bénéficiaires de subventions de fonctionnement du CAO. Ces dernières ont généré un PIB de plus de 1,1 milliard de dollars et créé 16 164 emplois en 2022-2023, toujours selon le rapport.

La cheffe secteur de l’audiovisuel chez Nordicity, Nicole Matiation, commente le rapport en entrevue avec ONFR. « On a pu démontrer que les investissements du CAO ont un impact réel et mesurable. »

Nicole Matiation est cheffe secteur de l’audiovisuel chez Nordicity. Elle a participé à l’élaboration du rapport pour le CAO. Photo : Gracieuseté de Nicole Matiation

Pour le CAO, un dollar investi équivaut à 25 $ générés par d’autres sources de revenus, puisque les organismes culturels peuvent utiliser les fonds comme un levier. Par exemple, une association culturelle pourrait utiliser ces fonds pour embaucher du personnel et donc s’offrir une meilleure équipe organisationnelle ou de promotion, conduisant à la vente de plus de billets.  

Le rapport détaille aussi les chiffres par domaines d’activités, ce qui contribue à dresser un portrait plus personnalisé de chaque région, en mentionnant les domaines les plus actifs selon le territoire : Patrimoine et bibliothèques, Spectacles vivants, Arts visuels et appliqués, Œuvres écrites et publiées, Audiovisuel et médias interactifs, Enregistrement sonore ou Domaines transversaux.

Une réalité différente d’une région à l’autre

Des données préliminaires, concernant la province de façon plus générale, avaient été partagées en octobre. Statistique Canada fournit également des données à l’échelle nationale et provinciale. Mais le but du CAO est de partager des résultats plus précis, par régions.

La carte de l’Ontario est donc divisée en huit : le Centre-Sud, le Sud-Ouest, Toronto, l’Est, le Centre, le Nord-Est, le Nord-Ouest et le Grand Nord.

Même si, en nombres absolus, moins de gens participent aux événements en région que dans les grands centres, l’impact sur la communauté est tout aussi grand, selon Nordicity. Photo : Franco-Festival de Thunder Bay en 2023. Rachel Crustin/ONFR

« Ce qui est clair, c’est à quel point les arts sont importants pour la communauté en question, raconte Nicole Matiation. Ce n’est peut-être pas autant d’emplois dans certaines régions où ce sont de plus petites agglomérations municipales, mais l’investissement de la communauté est aussi fort, que ça passe par les bénévoles ou par le public qui participe. Ce qui est très clair, c’est qu’il y a un gros impact au niveau du bien-être de la communauté, de la qualité de vie quotidienne et du sentiment d’appartenance. »

Dans le rapport, on peut lire par exemple que dans le Sud-Ouest de l’Ontario, « la région du Niagara est reconnue comme un haut lieu du tourisme culinaire, artistique et culturel ». De son côté, la région du Nord-Ouest de l’Ontario « est définie par son patrimoine autochtone qui se reflète dans les contes et les arts visuels ».

Le CAO prévoit mettre en lumière les résultats spécifiques de chaque région sur ses réseaux sociaux au cours des prochaines semaines. Les plus studieux peuvent déjà aller consulter les conclusions dans le rapport de près de 100 pages, disponible en ligne.

Pour les francophones

Le rapport de Nordicity mentionne que « les investissements du CAO dans les organismes et les projets artistiques autochtones et francophones ont eu des répercussions économiques et culturelles importantes dans tout l’Ontario. »

Pour un investissement de 2,3 millions de dollars du CAO dans les organismes artistiques francophones, Nordicity estime une production économique de 19,2 millions de dollars en PIB.

Selon Nicole Matiation, il est tout de même difficile de mesurer l’impact direct de la communauté francophone. Le rapport ne détaille pas de données selon la démographie et des francophones se trouvent dans toutes les régions et dans tous les domaines. Le rapport reconnaît tout de même qu’on trouve des communauté franco-ontariennes plus concentrées dans l’Est et dans le Nord-Est. Il souligne entre autres que « les institutions culturelles francophones sont prospères à des endroits comme Sudbury. »

Makhena Rankin-Guérin et DJ MKWA, frères et soeurs, donnent un atelier sur les danses autochtones à la Franco-Fête de Toronto, en juin 2025. Photo : Rachel Crustin/ONFR

La représentante de Nordicity ajoute que « la présence des francophones et des organismes francophones contribue à la diversité d’activités et (que) les choix d’expressions culturelles sont assez variés à travers toutes les régions. »

Sans donner de chiffres exacts par organismes, le CAO met en lumière certains de ses bénéficiaires de subventions de fonctionnement. Parmi les associations nommées dans le rapport, on retrouve Théâtre Action (Est) et le Théâtre du Nouvel-Ontario (Nord-Est).

Recommandations

Nordicity donne quelques pistes au CAO pour augmenter l’apport de la culture à la société ontarienne et à son économie.

L’organisme propose d’abord d’élargir la collecte de données en créant un indice provincial permanent des retombées culturelles et de fournir ces données aux municipalités.

Ensuite, le rapport parle d’intégrer davantage d’arts et de culture dans les campagnes publicitaires destinées aux touristes, argumentant que les touristes qui se déplacent pour des événements culturels sont plus susceptibles de dépenser davantage, de rester plus longtemps et d’arriver de l’international.

Troisièmement, Nordicity suggère de « développer de nouveaux outils de mesure pour quantifier le rôle des arts dans la santé mentale, l’inclusion et la résilience des collectivités ».

La dernière recommandation incite à la collaboration intersectorielle grâce au développement de partenariats entre les différents organismes, qu’ils soient publics ou privés.

Le rapport est associé à un modèle économique développé par Nordicity pour le compte du CAO. C’est l’organisme gouvernemental qui se servira de cet outil pour faire une mise à jour annuelle des données présentées.