Une coupe suspectée de 10 millions de dollars du Conseil des arts de l’Ontario alerte le milieu

Les rumeurs de réduction du financement du Conseil des arts de l'Ontario (CAO), entendues par plusieurs organismes francophones, soulèvent de nombreuses craintes. Crédit image: Canva

TORONTO – À l’aube du dépôt du budget de l’Ontario, le 23 mars prochain à Queen’s Park, les craintes montent au sein des organismes culturels francophones et anglophones suite à la révélation d’une possible coupe de 10 millions de dollars du financement du Conseil des arts de l’Ontario par le gouvernement. L’information de source institutionnelle interne s’est propagée et a eu l’effet d’une bombe dans le milieu artistique. Les organismes lancent des appels à l’action et certains députés se mobilisent.  

Le Conseil des arts de l’Ontario (CAO), qui relève du ministère du Tourisme, de la Culture et du Sport, fonctionne de manière indépendante et joue un rôle de premier plan en subventionnant la communauté artistique à but non lucratif, les individus, les organismes et les programmes artistiques.

Pour 2021-2022, son budget de subventions s’élevait à 56,4 millions de dollars investis dans 237 collectivités de la province par le biais de 2 665 subventions à des artistes et de 1050 subventions à des organismes.

La semaine dernière, une source anonyme du milieu institutionnel aurait révélé que le gouvernement pourrait réduire le budget du CAO de 10 millions de dollars, et ce, à la firme de consultance connue dans le milieu des arts, PAA Conseils. Celle-ci a alors tiré la sonnette d’alarme auprès du Toronto Alliance for the Performing Arts (TAPA), communiquant à leur tour cette information dans le milieu culturel.

Les associations francophones réagissent

Ces rumeurs entendues par plusieurs organismes francophones soulèvent de nombreuses craintes, notamment que les arts francophones en soient directement affectés.

« De telles coupures auraient clairement un impact sur la capacité du Conseil des arts de l’Ontario à financer des artistes, des organismes, comme le TfT », explique Ghislain Caron, directeur administratif et codirecteur général du Théâtre français de Toronto (Tft).

« Actuellement, la section francophone du CAO est représentée par deux employées francophones. Notre crainte est aussi que ce service soit décapité et qu’un poste soit perdu, ne laissant plus qu’une seule agente en charge des dossiers francophones », poursuit-il.

« On parle de préserver des emplois, mais on attaque les budgets qui assurent la pérennité des acteurs culturels » – Lisa Breton

Yves Turbide, directeur général de l’Association des auteures et auteurs de l’Ontario français (AAOF), redoute que leur budget ne soit coupé et descende en dessous de ce que l’association recevait en 2009-2010, soit il y a plus de dix ans.

L’Alliance culturelle de l’Ontario (ACO) se dit perplexe face à cette possible décision du gouvernement. Lisa Breton, coordonnatrice générale à l’ACO, rappelle que le secteur a déjà été très touché par la pandémie : « Les heures de travail ont été diminuées de 15 % par rapport à l’avant-pandémie. Pourquoi cette coupure? Cela touche les budgets opérationnels. On parle de préserver des emplois, mais on attaque les budgets qui assurent la pérennité des acteurs culturels. »

« La culture est un bon investissement pour l’économie. On demande à nos membres et aux organismes culturels de communiquer avec leurs députés régionaux », conclut-elle.

Un appel à l’action des organismes : des députés se mobilisent

Différents organismes ont lancé des appels à l’action, dont le TAPA ou encore Théâtre Action, demandant à ses membres d’entreprendre un travail de lobbying auprès de leurs députés pour évoquer l’intention du gouvernement de réduire le financement du Conseil des arts de l’Ontario dans le prochain budget qui sera déposé à l’Assemblée législative le 23 mars. 

Suite à ces efforts, notamment à ceux du Théâtre français de Toronto, la députée du Nouveau Parti démocratique (NPD) Jill Andrew (Toronto-St. Paul’s) ⁠a déjà évoqué ces coupures « possibles » à Queen’s Park et une autre députée néo-démocrate, Kristyn Wong-Tam (Toronto-Centre), y a prévu de lire la lettre de requête du TfT avant que le budget ne soit adopté, dans le but de faire pression et d’annuler les coupures du CAO.

C’est dans la même optique qu’a été lancée une pétition par Jill Andrew, rassemblant plus de 2 000 signatures. Celle-ci demande à l’Assemblée législative de l’Ontario le maintien du budget du Conseil des arts de l’Ontario de 65 millions de dollars dans le budget provincial de 2023 et d’investir adéquatement dans le secteur des arts et de la culture.

« Le budget du CAO n’a pas suivi le taux d’inflation d’où une précarité des revenus des artistes » – Jill Andrew

Parmi les arguments avancés : « Le secteur des arts et de la culture contribue au produit intérieur brut de l’Ontario de 28,7 milliards de dollars et crée plus de 300 000 emplois. »

« L’impact des arts et de la culture est interministériel et touche l’éducation, la santé mentale et publique, les infrastructures, le tourisme et la création d’emploi. »

« Le budget du CAO n’a pas suivi le taux d’inflation d’où une précarité des revenus des artistes et des travailleurs culturels, dont certains gagnent moins de 25 000 $ par an », ajoute l’élue du NPD dans la pétition.

« La pandémie a affecté de façon disproportionnée le secteur des arts et de la scène et les groupes prioritaires définis par le CAO tels que les BIPOC (les Noirs, les Autochtones et personnes de couleur), les femmes, les personnes handicapées et les artistes LGBTQIA2S+. »

Au moment d’écrire ces lignes, ni le ministère du Tourisme, de la Culture et du Sport, ni le ministère des Finances n’ont donné suite à nos sollicitations médiatiques.