
« Respectez les droits des Franco-Ontariens » : le NPD demande l’abandon du projet de supervision des conseils scolaires

TORONTO – Les députées néo-démocrates Chandra Pasma et France Gélinas ont alerté, mercredi à Queen’s Park, sur le projet de loi 33, qu’elles jugent menaçant pour l’autonomie des conseils scolaires et les droits constitutionnels des Franco-Ontariens.
« De plus en plus de gens viennent nous voir avec des questions. Dans la communauté francophone, les inquiétudes sont grandes », a précisé Mme Gélinas, à l’approche de la rentrée scolaire.
À ses côtés, sa collègue néo-démocrate et élue d’Ottawa-Ouest—Nepean, Chandra Pasma, la présidente de l’Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO) Gabrielle Lemieux et la présidente de la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO) Marie-Claude Bisson ont aussi exprimé leurs inquiétudes dans la communauté francophone face au projet de loi 33 au cours d’une conférence de presse en français à Queen’s Park.
L’article 23 de la Charte canadienne garantit aux francophones le droit à une éducation en français et à gérer leurs écoles, mais la centralisation des pouvoirs entre les mains du ministre de l’Éducation inquiète.

« Comme Franco-Ontarien, on s’est débattu pendant des décennies pour avoir le droit constitutionnel de gérer notre propre système scolaire. Ça ne nous a pas été donné. On a dû travailler longtemps pour l’avoir », a rappelé Mme Gélinas. « Et là, avec le projet de loi 33, le gouvernement a comme trouvé une porte d’arrière pour nous enlever ce droit-là. »
De son côté, Gabrielle Lemieux a regretté l’absence totale de consultation et a ajouté : « Nous restons disponibles à être consultés. On représente quand même 10 000 enseignants et du personnel de soutien dans nos écoles. Il est important qu’on soit consulté pour s’assurer que les projets de loi respectent la réalité des Franco-Ontariens. »
Mainmise du gouvernement
Adopté en première lecture en mai dernier, le projet de loi 33 (Loi de 2025 sur le soutien aux enfants, aux élèves et aux étudiants de l’Ontario) modifie en profondeur la Loi sur l’éducation et d’autres textes législatifs.
Il permet notamment au ministre d’imposer des directives aux conseils scolaires « dans l’intérêt public » et, en cas de désaccord, de prendre le contrôle via un superviseur nommé par le gouvernement.
C’est là que le bât blesse, selon l’opposition et les organismes francophones : le concept d’« intérêt public » n’est pas défini, ce qui ouvre la porte à une large interprétation politique. « Un superviseur non élu pourrait prendre toutes les décisions concernant l’éducation francophone (budgets, programmes, embauches) sans consulter un seul Franco-Ontarien », a dénoncé la députée Chandra Pasma.
L’élue de Nickel Belt conteste, quant à elle, le fait qu’un tel changement donnerait au gouvernement le pouvoir de nommer des superviseurs non imputables à la communauté francophone, mais uniquement au ministère.
« Qu’est-ce que ça veut dire, l’intérêt public? Ça peut être ce que tu veux. Quand c’est un gouvernement conservateur, l’intérêt public ça peut vouloir dire que l’école francophone utilise la même cafétéria ou le même gymnase que l’école anglophone. Ça ouvre la porte à toutes sortes de choses », dit-elle.
Par, pour et avec
Assistant à la conférence en ligne, une conseillère scolaire du Conseil scolaire public du Grand Nord, Andréane Chénier, a souligné la nécessité de précisions autour du cadre du projet de loi : « Le problème est que les pouvoirs ministériels proposés doivent être clairement définis, soumis à un contrôle judiciaire et respecter nos droits linguistiques. »
« Bien que la transparence et une bonne gouvernance soient importantes, il faut s’assurer que le projet de loi ne porte pas atteinte à notre droit à une éducation publique de qualité, par et pour nous », a-t-elle aussi fait savoir.
Marie-Claude Bisson, de la FESFO, partage le même avis : « Nous sommes préoccupés par le projet de loi, notamment pour ce que cela implique pour nos activités curriculaires et pour le développement de notre identité. »
Le texte oblige aussi les conseils scolaires à soumettre au gouvernement les noms des écoles avant toute désignation ou modification, une mesure que plusieurs perçoivent comme une atteinte à la mémoire locale et à l’identité francophone.
« Une attaque contre les droits démocratiques »
Le NPD et ses alliés francophones appellent le gouvernement à respecter les droits constitutionnels garantis par la Charte canadienne et à renoncer à cette réforme.
« Le projet de loi 33 retire la voix des parents et des communautés en remplaçant des conseillers scolaires élus par des superviseurs nommés par le gouvernement à des fins partisanes », a clamé France Gélinas.
« On veut un retrait du projet de loi, il n’y a aucune façon de respecter nos droits de la Charte. Tu ne peux pas respecter l’article 23 avec le projet de loi 33 », a-t-elle ajouté.
Celles-ci avertissent que si le gouvernement choisit de ne pas retirer le projet de loi, ils pourraient entreprendre des actions et manifester leur mécontentement.
Le projet de loi 33 a entrouvert la phase de débats en deuxième lecture, mais ceux-ci sont pour l’instant en pause. Les travaux reprendront à Queen’s Park après la mi-septembre.
Police à l’école et admissions postsecondaires
Au-delà des enjeux linguistiques, le projet de loi relance également le débat sur la présence policière dans les écoles. Il obligerait les conseils scolaires à collaborer avec les corps policiers pour implanter des programmes d’agents ressources.
« Nous sommes inquiets du retour de la police dans les écoles et de ce que cela peut signifier pour ceux qui n’ont pas une expérience positive avec la police. Nous tenons à ce que des consultations aient lieu et nous, les jeunes, voulons être consultés », a lancé de son côté Marie-Claude Bisson.
Un peu plus tôt lundi, la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) a fait paraître un mémoire sévère soulignant qu’aucune donnée probante ne démontre l’efficacité de ces programmes, et que leur réintroduction pourrait accentuer les inégalités vécues par les élèves autochtones, noirs, en situation de handicap ou 2SLGBTQ+.
ONFR a demandé une réaction au gouvernement de l’Ontario mais n’a pas encore reçu de réponse au moment de publier ces lignes.