Hausse des plaintes aux langues officielles de 40 %

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OTTAWA – Le nombre de plaintes adressées au commissariat aux langues officielles (CLO) du Canada a bondi de 40 % en 2016-2017, selon les données révélées dans le dernier rapport annuel du commissariat, publié le jeudi 8 juin.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Le CLO a enregistré 1018 plaintes en 2016-2017. Ce nombre n’avait pas dépassé 1000 depuis 2009-2010, exercice durant lequel les compressions budgétaires de CBC/Radio-Canada entraînant la perte de la programmation locale en français pour la région de Windsor et du Sud-Ouest de l’Ontario avaient entraîné une déferlante de 876 plaintes, seulement sur cet enjeu.

« La croissance des plaintes est constante ces dernières années, notamment concernant la désignation bilingue des postes dans la fonction publique ou les plaintes des voyageurs qui représentent 19 % des plaintes totales cette année. Cette hausse peut s’expliquer par une plus grande visibilité du commissariat ces dernières années », rapporte Nelson Kalil, gestionnaire des communications pour le CLO.

Sans surprise, la majorité d’entre elles a été déposée dans la région de la capitale nationale, plus précisément du côté de l’Ontario, soit 429 plaintes. Si on y ajoute les 106 plaintes étudiées dans le reste de la province, cela place l’Ontario en tête des provinces et des territoires, avec 535 plaintes, soit plus de la moitié des plaintes totales de 2016-2017. À l’inverse, le CLO n’a reçu aucune plainte du Nunavut et seulement une du Yukon et deux des Territoires du Nord-Ouest.

« Je trouve ça inquiétant, 40 % d’augmentation, dans un pays où on se dit bilingue. J’ai beaucoup de misère à comprendre ça en 2017 », réagit la porte-parole aux langues officielles pour le Parti conservateur du Canada (PCC), Sylvie Boucher.

Sur les dix dernières années, l’Ontario a toujours été la province à adresser le plus de plaintes, à l’exception de 2010-2011, année où le Québec occupait la première place.

La majorité des plaintes adressées porte sur des manquements dans les services au public. D’autres concernent la problématique de la langue de travail (18 %) dans la fonction publique fédérale ou les exigences linguistiques des postes (19 %).

« Quand les citoyens se plaignent, ils font exactement la bonne chose parce que ça aide le commissariat et la fonction publique à voir où sont les problèmes et où il faut agir », lance la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, Sylviane Lanthier.

 

Une seule recommandation en 2016-2017

Fait inusité de cette édition 2016-2017, le CLO n’adresse qu’une seule recommandation au gouvernement fédéral. Cette situation pourrait s’expliquer par le contexte particulier du départ de Graham Fraser en décembre et de la succession de Ghislaine Saikaley, dont l’intérim se termine le 17 juin.

À l’approche du 50e anniversaire de la Loi sur les langues officielles (LLO), Mme Saikaley invite le gouvernement à étudier la possibilité de la moderniser, la dernière révision majeure remontant à 1988. Une recommandation qui satisfait la FCFA.

« C’est une préoccupation dans nos communautés d’obtenir une Loi sur les langues officielles qui prend en compte les langues officielles dans une approche plus moderne, notamment en tenant compte de l’impact des nouvelles technologies. »

La présidente de l’organisme porte-parole des organismes francophones en contexte minoritaire évoque plusieurs améliorations possibles, comme de donner plus de dents à la LLO ou de lui ajouter certaines clauses, comme de meilleures garanties linguistiques dans les transferts du fédéral vers les provinces et les territoires.

Dans la prochaine année, le CLO prévoit un exercice de réflexion, en consultation avec les communautés de langue officielle, afin de déterminer les modifications envisageables à la LLO. Cette recommandation intervient alors que le comité sénatorial sur les langues officielles a entamé, lui aussi, une étude sur le sujet, dont les conclusions devraient être connues en 2019.

Le secrétaire parlementaire de la ministre du Patrimoine canadien, Sean Casey, indique que le gouvernement reste attentif à ce travail.

« La Loi sur les langues officielles a 50 ans, ce n’est donc pas surprenant de voir une telle recommandation. On va étudier ce rapport et également l’étude des sénateurs qui pourra nous servir de guide. »

 

L’opposition demande au gouvernement d’agir

La commissaire aux langues officielles par intérim, Mme Saikaley, rappelle également dans son rapport les nombreuses causes plaidées ces dernières années et qui sont restées sans réponse, comme dans le dossier Air Canada.

Également membre du comité permanent des langues officielles, Mme Boucher aimerait que les choses changent enfin.

« On a fait énormément de rapports au comité, j’ai hâte que quelqu’un les lise, car ce sont souvent les mêmes recommandations qui reviennent et on ne trouve jamais vraiment preneur. »

Pour son homologue néo-démocrate, critique aux langues officielles, François Choquette, la récurrence de certains problèmes, évoquée dans le rapport du CLO, justifie une révision de la loi.

« Cela prouve la pertinence de donner plus de pouvoirs au commissaire aux langues officielles. Cela nous rappelle aussi que quand la loi n’est pas respectée dans certains ministères, on ne sait pas vers qui se tourner, tout le monde se renvoie la balle, ce qui est un problème. »