10 000 manifestants debout contre le racisme à London
LONDON – La manifestation antiracisme a rassemblé, ce samedi, près de 10 000 contestataires révoltés par les violences policières américaines. À London comme partout au Canada, c’est bien le sort de George Floyd qui était dans les discours comme sur les pancartes. Une infime partie de la communauté avait néanmoins une pensée pour Caleb Tubila Njoko, ce Franco-Londonien mort en chutant du balcon d’un immeuble, début mai, durant une intervention policière.
Silence=violence, Pas de justice, pas de paix, les vies noires comptent… Une véritable marée humaine a défilé, sous un déluge de slogans, durant toute l’après-midi dans le centre-ville de London.
Galvanisée par une succession de témoignages déchirants et de discours d’espoir prononcés dans le parc Victoria, épicentre de la contestation, la foule a applaudi, scandé le nom de George Floyd et observé une minute de silence, genou à terre, le poing levé, à plusieurs reprises.
Encadrée par un lourd dispositif policier, cette marche pacifique s’est déroulée dans le calme, hormis un incident à ses débuts. Un homme a fendu la foule, les bras croisés, marquant son désaccord avec le mouvement. Pris à partie et bousculé par plusieurs personnes, il a finalement été repoussé à l’extérieur du parc par le service de sécurité, avant que les policiers ne prennent le relais.
Les participants se sont ensuite répandus dans les artères principales de la ville, gravitant dans un flot continu autour du parc et dans les rues adjacentes condamnées au trafic automobile par d’énormes camions municipaux.
« Je suis noire. Je suis en minorité ici à London et en Ontario », lance Wanjiru. « Il faut que les gens comprennent que la vie des Noirs est compromise. Il faut que les choses changent. On ne peut pas continuer comme ça. Si on ne dit pas stop, qui le fera? »
Son amie, Audrey Mfuru, acquiesce. Selon elle, la comparaison entre les États-Unis et le Canada est peut-être trop rapide, mais la discrimination est une réalité quotidienne en Ontario.
« Même si ce n’est pas un racisme extrêmement prononcé, il est toujours là, autour de nous, partout, dans nos écoles, dans la vie de tous les jours. Donc c’est pour ça qu’on se lève aujourd’hui. »
Caleb, « il faisait partie de notre communauté »
Audrey est d’origine congolaise. Elle a appris avec horreur la mort de Caleb Tubila Njoko. Ses parents connaissent la famille. Dans la communauté, cette perte a causé beaucoup de chagrin.
« Il faisait partie de notre communauté. Alors ça nous a vraiment touchés. »
Sa voix s’évanouit dans un vacarme assourdissant. Des automobilistes bloqués klaxonnent, baissent leurs vitres et brandissent des pancartes de soutien. Les résidents se pressent à leurs fenêtres et crient leur solidarité. La ville entière semble s’être arrêtée de vivre pour embrasser la cause qui soulève des sympathies au-delà de la couleur de peau, des convictions, des espérances.
Nous croisons le chemin de Charyda Tshikangu. Elle aussi résidente de London et de parents d’origine congolaise, elle décrit un racisme bien ancré, banal, insidieux, exemple à l’appui : « Je faisais partie d’un groupe tchat à l’école », relate-t-elle. « Les élèves partageaient, discutaient et il y avait beaucoup d’attaques et de blagues racistes. Quelqu’un a même comparé une de mes copines à un singe. Les enseignants ont mal géré la situation. La direction de l’école n’a rien fait par rapport à ça. C’était horrible. »
« Tout ce qui arrive maintenant n’est qu’un début », prévient, à ses côtés, Carmelle. « On a encore un long chemin à faire. Chacun peut faire quelque chose au niveau de son propre milieu, en parlant à ses proches, ses amis, sa famille, en les sensibilisant aux biais racistes. »
Car l’ennemi du jour est bien le racisme systémique. Ce racisme habituel, larvé, quasi institutionnalisé, qui imprègne les sphères politiques, économiques et culturelles, faisant d’une partie de la population, une sous-catégorie de citoyens.
Absent de la manifestation, le maire Ed Holder a justifié sa décision au regard des risques de contagion liés à la pandémie de COVID-19 et des recommandations de santé publique.
Dans un communiqué, il a évité tout rapprochement entre le défilé anti-raciste et les drames ontariens de London et Toronto. Caleb Tubila Njoko et Regis Korchinski-Paquet ont chuté mortellement de leur balcon durant une intervention policière, en mai dernier. Les deux décès font l’objet d’une enquête de l’Unité des enquêtes spéciales de l’Ontario.
« Que ce soit meilleur ou pire dans notre ville comparé aux autres est hors de propos. Ce qui est à propos, c’est que ça se produit. Et ça se produit régulièrement de façon ouverte et subtile. Ce qui compte, c’est ce que nous faisons collectivement, en tant que Londoniens, pour éradiquer le racisme anti-noir. »
La police ne commente pas une affaire qui n’est « pas close »
La police de London n’a pas non plus souhaité commenter le cas de Caleb Tubila Njoko, arguant qu’une procédure judiciaire est en cours.
« Jusqu’à ce que la Couronne retire l’affaire, elle est toujours devant les tribunaux », a expliqué une de ses porte-parole.
« Si elle a été retirée, nous n’en avons pas été informés, et avec les affaires de la Cour temporairement suspendues pendant la pandémie, il est probable que cette affaire ne soit pas close. »