Le Salon du livre afro-canadien (SLAC) en est à sa septième édition. Photo du SLAC 2023: Gracieuseté de Mosaïque interculturelle

OTTAWA – Le septième Salon du livre afro-canadien (SLAC) se tient à Ottawa du 24 au 27 octobre. L’initiative de l’organisme Mosaïque interculturelle (MI) a su se tailler une place enviable parmi les événements littéraires en Ontario, étant le seul salon du livre francophone de la capitale. Le thème Voyage en francophonie évoque la diversité des territoires et des accents, qui se rejoignent tous dans un simple but : célébrer les mots et les livres.

Pour le président d’honneur, l’auteur Edem Awumey, il s’agit d’une occasion parfaite de montrer la francophonie dans toute sa diversité, avec une représentation des communautés afrodescendantes, qui sont souvent sous-représentées dans d’autres événements.

« On n’est plus une périphérie. Un événement comme ça ramène la culture afro-canadienne au centre du débat culturel », exprime-t-il en entrevue avec ONFR. Il insiste tout de même sur le fait que tout le monde est le bienvenu au SLAC.

Edem Awumey est le président d’honneur du Salon du livre afro-canadien 2024. Photo : Gracieuseté de Mosaïque interculturelle

La présidente-directrice générale de MI, Nicole Baptiste, raconte que les visiteurs en profitent souvent pour recevoir des suggestions de lecture personnalisées. Ils cherchent parfois un livre spécifique pour reconnecter avec une culture qui fait partie de leur identité, se remémorer un voyage ou se rapprocher de quelqu’un, par exemple dans le cas de grands-parents ayant des petits-enfants métissés.

La base reste tout de même pareille à n’importe quel autre événement du genre. « Les visiteurs sont surtout intéressés par l’auteur et par le livre, et engagent souvent une conversation autour du livre », explique Nicole Baptiste.

Une programmation qui ratisse large

L’événement débutera en accueillant une délégation malgache. L’autrice et les deux musiciens qui animeront la soirée d’ouverture avaient dû annuler leur présence au SLAC l’an passé, dû à des délais importants dans le processus d’obtention des visas qui leur permettrait de mettre les pieds en sol canadien.

Ce n’était que partie remise pour Nicole Baptiste, qui affirment qu’ils « sont tellement heureux de venir et de partager ce moment-là avec nous » cette année.

Parmi les autres moments forts de la programmation, elle note la soirée de poésie, qui en est à sa troisième édition. Également, l’exposition 500 ans de résistance autochtone, en collaboration avec les éditions Prise de parole, que Nicole Baptiste a découverte lorsque MI tenait un kiosque au Salon du livre de Sudbury.

« On cherche toujours ce qu’il y a de mieux à offrir au public et cette exposition m’avait vraiment frappée, à Sudbury. Alors on la présente cette année. »

Le SLAC est un moment pour les auteurs de sortir de leur solitude et de partager leur passion, souligne Edem Awumey. Photo de l’édition 2023, gracieuseté de Mosaïque interculturelle

Plusieurs sujets seront également abordés lors des nombreuses tables rondes, conférences et rencontres d’auteurs.

Entre autres, la table ronde Le français classique et le français populaire, jeudi après-midi, célébrera les dialectes et les accents de par le monde. « Ça fait un lien avec notre quotidienneté et avec la créativité de la francophonie. »

Samedi, En conversation avec Dre Lory Zephyr discutera de la santé mentale des mères. « C’est un sujet très pointu, mais en même temps très accessible pour le public », affirme la dirigeante de MI.

« On n’est pas que des rêveurs, ajoute Edem Awumey. Il y a aussi un sujet autour de la gestion des finances. On a aussi les deux pieds plantés dans la réalité. »

Parmi les autres thèmes abordés, on retrouve L’écriture afro en science-fiction et littérature fantastique, Mémoires d’ici et d’ailleurs, et la table ronde qui porte le thème de l’événement : Voyage en francophonie.

Pour Nicole Baptiste, la rencontre d’auteur à ne pas manquer est celle avec le président d’honneur. « Tous les auteurs sont à découvrir, mais particulièrement Edem, qui est de la région. Je pense que c’est important que le public vienne connaître ses auteurs. Car même nos communautés d’ascendance africaine ne connaissent pas leurs auteurs. »

Le principal intéressé tourne pour sa part les projecteurs vers l’hommage qui sera rendu à Maryse Condé, grande écrivaine décédée en avril dernier, à 90 ans.

« Il n’y a pas plus cosmopolite au monde que Maryse Condé. S’il y a un écrivain qui se lit à la fois comme un ancrage dans une culture afro et comme une ouverture au monde, c’est Maryse Condé », affirme celui qui ne croit pas qu’un tel hommage lui aurait été rendu au Canada si ce n’était du SLAC.

Un portrait de la journaliste et autrice Maryse Condé à la bibliothèque nationale de France, lui rendant hommage peu après son décès. Photo : Ludovic Marin / POOL via AP

L’hommage prendra la forme d’une table ronde et de lectures publiques d’extraits des textes de celle qui a « écrit le monde noir, ouvert au monde, tout simplement. »

Des activités jeunesse sont aussi proposées tout au long du salon.

« C’est important de rappeler l’existence de la littérature francophone, qu’il y a des personnes qui écrivent en français et qui produisent des œuvres extraordinaires. Et c’est important que les jeunes y aient accès, parce que c’est comme ça qu’ils vont avoir l’habitude de s’accrocher à leur langue, » plaide Nicole Baptiste.

« L’anglais envahit un peu tous les pays et la culture des jeunes, avec les réseaux sociaux. Je pense qu’un salon comme le nôtre et tous les salons francophones sont importants pour garder ce dialogue avec les jeunes au niveau de la littérature, leur donner cette opportunité de rencontrer des auteurs, de lire en français, d’écouter des histoires. Un lecteur se construit dès l’enfance. »

Toucher un plus grand public

« Le fait que nous sommes en Ontario, c’est-à-dire en situation de minorité linguistique, ça veut dire que notre public est un peu plus restreint. On doit faire beaucoup d’efforts de promotion pour aller chercher le public », avoue Nicole Baptiste.

C’est donc une agréable surprise de constater que les visiteurs viennent maintenant de Toronto, Montréal et d’autres villes canadiennes pour assister au SLAC.

Environ 2500 personnes ont participé au salon l’an dernier, incluant le public scolaire. Si les organisateurs espèrent bien sûr une foule nombreuse, Edem Awumey mise pour sa part sur la qualité des visiteurs et sur leur niveau de curiosité, pour que les auteurs puissent communiquer leur passion.

« Le visiteur peut être frappé par deux choses essentielles. D’abord, le nombre, la variété d’écrivains afro-canadiens qui existent, ne fût-ce que dans notre petite région. Ce ne sont pas des gens que l’on voit tout le temps. (…) Deuxièmement, ils sont frappés par la qualité du travail. »

Le président d’honneur lance ainsi un clin d’œil aux médias, qui doivent diversifier leurs sources plutôt que de toujours parler aux mêmes personnes, selon lui.

Le kiosque de l’Association des auteurs et auteures de l’Ontario français au Salon du livre afrocanadien 2023. Photo : Gracieuseté de Mosaïque interculturelle

En plus du rappel que des auteurs francophones se trouvent aux quatre coins du monde, Edem Awumey et Nicole Baptiste croient que le thème Voyage en francophonie est bien à propos. La PDG de MI raconte que les livres l’ont fait voyager bien avant de quitter son Haïti natale.

Le président d’honneur, né au Togo et ayant vécu en Europe avant de s’installer à Gatineau, entretient aussi un lien personnel avec le thème. « Ça m’a ramené au lieu de la naissance. Ça fait bientôt 20 ans que je vis au Canada. (…) C’est comme un rappel de là d’où l’on vient. Je parle de l’univers langagier. Si j’ai écrit, moi, c’est que j’ai pu lire très tôt des écrivains francophones. »

Le SLAC se déroule dans l’édifice du 435 rue Donald, à Ottawa, jusqu’au 27 octobre.