Politique

Plus de pouvoir au ministre de l’Éducation : des craintes pour la gouvernance francophone

Paul Calandra, le ministre de l'Éducation, a présenté la Loi de 2025 sur le soutien aux enfants, aux élèves et aux étudiants. Photo : ONFR/Jackson Ho

TORONTO – Le ministère de l’Éducation sera doté de plus de pouvoirs, de supervision notamment côté finances sur les conseils scolaires publics, le postsecondaire et des sociétés d’aide à l’enfance. Un contrôle accru « autoritaire », selon l’opposition officielle, qui fait craindre une perte de gouvernance du « par et pour » aux conseils scolaires francophones, aux enseignants et aux parents francophones.

Cette Loi de 2025 sur le soutien aux enfants, aux élèves et aux étudiants, si adoptée, renforcerait la supervision du gouvernement et la responsabilité et la transparence « en vue de répondre aux multiples cas de mauvaise gestion financière de la part de conseils scolaires », explique le ministère de l’Éducation.

« Les parents méritent d’être assurés que les conseils scolaires prennent des décisions en fonction des intérêts supérieurs de l’éducation de leurs enfants, a déclaré Paul Calandra, le ministre de l’Éducation. Nous voulons nous assurer que chaque dollar investi permet aux élèves et étudiants d’acquérir des compétences pratiques qui mèneront à des carrières stables et bien rémunérées (…) nous agirons en conséquence lorsqu’ils manqueront à leurs responsabilités. »

De gauche à droite : Nolan Quinn, ministre des Collèges et Universités, Paul Calandra, ministre de l’Éducation et Michael Parsa, ministre des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires, lors de la conférence de presse organisée la veille à Queen’s Park. Photo : Rudy Chabannes/ONFR

Parmi les nouvelles mesures notables pour les conseils scolaires :

  • Élargissement des pouvoirs de supervision du ministre de l’Éducation, y compris en matière de finances, gouvernance et rendement des programmes, qui aura autorité à lancer des enquêtes et « émettre des directives contraignantes » sur un conseil s’il a des préoccupations quant à un dysfonctionnement
  • Autorité du ministre d’encadrer les conseils scolaires concernant les dépenses et obligations de publication publier les dépenses des personnes détenant des postes clés sur leur site Web public
  • Autorité du personnel du ministère à procéder à des vérifications auprès des conseils scolaires
  • Pour améliorer la sécurité, l’Ontario exigera que les conseils scolaires mettent en œuvre des programmes d’agents scolaires offerts par les services de police locaux pour favoriser la liaison communautaire, et l’apprentissage lié aux lois et règlements
  • Diverses mesures d’engagement civique, et d’encouragement au bénévolat.

Un projet de loi jugé « autoritaire » par Chandra Pasma, députée néo-démocrate d’Ottawa-Ouest–Nepean, porte-parole en Éducation, qui soulève la problématique francophone : « Les mesures proposées détruisent la capacité des conseils scolaires à écouter leur communauté et à privilégier une approche fondée sur le bien-être et ne respectent pas le droit des Franco-Ontariens de gérer leur propre système, pour et par des francophones. »

« Ce projet de loi n’améliore pas les conditions d’apprentissage. Il ne réduit pas la taille des classes, n’aide pas les enfants avec des besoins particuliers, et ne règle pas le manque de 6,35 milliards de dollars causé par le sous-financement chronique du gouvernement Ford. » 

Des inquiétudes quant au « par et pour »

Si les conseils scolaires francophones indiquent prendre le temps d’étudier le projet de loi plus en détails, « l’ACÉPO (Association des conseils scolaires des écoles publiques de l’Ontario) perçoit déjà des risques inquiétants liés aux droits de gouvernance et de gestion ‘par et pour’ les conseils scolaires de langue française en Ontario ».

« L’ACÉPO n’a pas été consulté dans le cadre de l’élaboration de ce projet de loi, mais espère toujours recevoir une invitation de collaboration de la part du Ministère afin de contribuer positivement à l’épanouissement du système d’éducation de l’Ontario », indique son président Denis Labelle, via communiqué.

Gabrielle Lemieux, la présidente de l’Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO), a émis des réserves quant à « toute mesure imposée de manière centralisée sans tenir compte du contexte communautaire francophone (qui) affaiblit le principe de gouvernance partagée ».

« L’approche du gouvernement risque de miner la confiance des familles, des élèves et du personnel enseignant envers les conseils et nos écoles francophones, en plus de l’impact significatif sur le bon fonctionnement de notre système scolaire francophone. »
— Gabrielle Lemieux, présidente de l’AEFO

D’ajouter que « l’approche du gouvernement risque de miner la confiance des familles, des élèves et du personnel enseignant envers les conseils et nos écoles francophones, en plus de l’impact significatif sur le bon fonctionnement de notre système scolaire francophone ».

Celle-ci exhorte le gouvernement à « investir adéquatement dans le système d’éducation pour assurer la pérennité du système de langue française, pour adresser la violence dans les écoles et remédier à la pénurie croissante de personnel qualifié ».

L’organisation Parents partenaires en éducation (PPE) reconnait quant à elle que certains conseils scolaires font face à des défis importants, notamment en matière de gestion financière et de transparence : « Renforcer la supervision peut s’avérer nécessaire dans certaines situations précises, mais cela ne devrait jamais se faire au détriment de l’autonomie locale ni sans la consultation active des parties prenantes, surtout les familles », a nuancé Paul Baril, le président.

Celui-ci explique que ce projet de loi pourrait avoir un impact indirect sur le travail de PPE avec les parents, notamment si certaines décisions sont imposées sans concertation : « PPE demeure préoccupé par l’élargissement des pouvoirs du ministère sur le choix des noms d’écoles ou la nomination de superviseurs, car ces décisions ont un impact direct sur l’identité des communautés scolaires. »

« PPE encourage le gouvernement à travailler avec les parents, pas seulement pour eux, afin d’assurer que chaque enfant en Ontario bénéficie d’un environnement scolaire bienveillant, équitable et soutenu par une gouvernance forte, mais aussi enracinée dans sa communauté », a conclu M. Baril.