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Pierre Lamarche : « Vicky Mboko n’a jamais peur »

Pierre Lamarche est le tout premier entraîneur de tennis de Vicky Mboko. Photo : gracieuseté de Pierre Lamarche

[ENTREVUE EXPRESS]

QUI :

Pierre Lamarche est une figure incontournable du tennis canadien et le tout premier entraîneur de Victoria Mboko. Fondateur de l’Académie ACE Tennis, il a encadré la jeune prodige dès l’âge de 4 ans à Burlington et a accompagné les débuts de son développement dans le tennis.

LE CONTEXTE :

À 18 ans, Victoria Mboko est la nouvelle sensation du sport canadien. Qualifiée pour la finale du tournoi de Montréal, l’Ontarienne aux racines francophones a renversé Elena Rybakina, ancienne championne de Wimbledon, après avoir perdu le premier set 6-1. Grâce à sa combativité et son sang-froid, elle s’est imposée 1-6, 7-5, 7-6(4) et  est devenue la première Canadienne à battre trois anciennes championnes de Grand Chelem dans un même tournoi WTA 1000.

L’ENJEU 

Elle en affronte une quatrième en finale ce jeudi, Naomi Osaka, actuellement classée 49e mondiale. Une victoire permettrait à Mboko d’entrer directement dans le tableau principal de l’US Open et pourrait même la propulser aux portes du top 25 mondial. À quelques heures d’aborder ce match, ONFR a recueilli la réaction de son tout premier mentor. Pierre Lamarche partage son émotion, son admiration et surtout son regard d’entraîneur avisé sur cette jeune étoile montante.

 « Quelle est votre réaction générale à ce parcours exceptionnel de Victoria Mboko à Montréal? 

C’est tout simplement une histoire incroyable. Pas juste une belle histoire à Montréal ou au Canada, mais une histoire internationale. Et pour moi, c’est très émouvant, car je connais Vicky depuis qu’elle a 4 ans. Ça fait maintenant 14 ans que je connais sa famille. Ils sont venus du Congo, sont passés par la Caroline du Nord, puis se sont installés dans la région de Toronto.

C’est là que j’ai rencontré sa mère, qui m’a demandé conseil pour ses enfants. Ce n’était pas encore Vicky à l’époque, mais ses trois aînés, qui ont tous joué au niveau national. Quand Vicky a commencé à jouer, on a tout de suite vu quelque chose de spécial chez elle. C’est une famille exceptionnelle, soudée, et qui a toujours cru en ses enfants.

Pourquoi selon vous explose-t-elle maintenant, à seulement 18 ans? 

En réalité, ce n’est pas une surprise. Il y a environ trois ans, elle avait déjà prouvé qu’elle avait le talent pour jouer à un très haut niveau. Elle avait remporté un tournoi en Saskatchewan, ce qui marquait vraiment le début de sa carrière.

Mais ensuite, elle a été freinée par une blessure qui a duré presque deux ans. Ce sont deux années qui ont ralenti son développement. Depuis le début de cette année, elle retrouve sa pleine forme et enchaîne les résultats. À partir de Miami en mars, elle a été très impressionnante sur le circuit mineur, et maintenant, elle confirme tout ce qu’on savait déjà.

Pierre Lamarche avec Vicky Mboko à ses débuts, ici en compagnie d’une autre jeune joueuse de l’Académie ACE Tennis. Photo : gracieuseté de Pierre Lamarche

Qu’est-ce qui, très tôt, vous a fait croire en son potentiel? 

Ce qui m’a marqué chez Vicky, c’est son mental. C’est, selon moi, la qualité numéro un chez un joueur ou une joueuse de haut niveau. Elle n’a jamais eu peur. Quelqu’un m’avait demandé un jour si elle allait être nerveuse face à Coco Gauff. J’ai répondu : « Vicky n’est pas une joueuse nerveuse. »

Elle montre très peu d’émotions, sauf quand elle perd. Et même enfant, elle détestait perdre. Même contre sa sœur, de dix ans son aînée, elle ne supportait pas la défaite. C’est cette détermination, cette combativité, qui la distingue.

Parfois, en pratique, elle ne jouait pas aussi bien qu’en match. Elle se transcende en compétition. Elle adore la pression. Elle l’utilise pour se surpasser.

Comment analysez-vous sa victoire en demi-finale?

Encore une fois, tout est dans le mental. Elle perd le premier set 6-1. À son âge, après un tel parcours, on pourrait imaginer qu’elle lâche un peu, qu’elle soit fatiguée. Mais non. Elle revient dans le deuxième set, très combative, et gagne.

Dans le troisième, elle est menée d’un bris, puis dans le tie-break final, elle est encore derrière à 4-3. À quatre reprises dans ce match, elle aurait pu flancher. Et à chaque fois, elle a répondu présente. C’est remarquable.

Quel regard portez vous sur sa collaboration actuelle avec Nathalie Tauziat?

C’est une pièce très importante du puzzle. Même quand on parle de moi comme de son premier entraîneur, je rappelle toujours que c’est un travail d’équipe. Il y a eu tellement de personnes qui l’ont aidée au fil des années.

Aujourd’hui, c’est Tennis Canada qui a jumelé Vicky avec Nathalie, et ça porte ses fruits. Nathalie lui apporte énormément. Son expérience, sa lecture du jeu, sa rigueur. Et je sais qu’il y a aussi d’autres entraîneurs qui gravitent autour d’elle actuellement. C’est une collaboration de haut niveau, et ça l’aide à passer un nouveau cap.

Pierre Lamarche demeure très proche de la famille de Vicky Mboko qui vit à Burlington depuis 14 ans. Photo : gracieuseté de Pierre Lamarche

Quelles seront, selon vous, les clés pour battre Naomi Osaka?

Vicky va devoir jouer à sa manière. Elle a une puissance remarquable, tant au service que dans son coup droit. Son revers est toujours très solide, et elle a beaucoup progressé dans ses déplacements.

Avec son équipe et Nathalie Tauziat, elle va sûrement avoir un plan de match bien précis. Mais ce qui me rend optimiste, c’est sa maturité. Quand je l’écoute parler avec les journalistes, je suis impressionné. Elle a 18 ans, mais elle dégage déjà une vraie assurance. Et ça, combiné à son niveau de jeu, ça peut faire la différence.