
L’avenir de la francophonie en péril en Ontario : l’AFO veut passer à l’action

RICHMOND HILL – Sans action, il y a un « risque d’extinction progressive de la francophonie en Ontario », tel est le constat sans équivoque présenté ce jeudi au congrès de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), qui avait lancé des états généraux. De ses vastes consultations dressant le portrait de la communauté, l’AFO considère qu’il est temps d’agir, avec l’objectif clair de parvenir à une cible de 6 % du poids démographique francophone d’ici à 2050. Un plan d’action communautaire et des plans d’action dans 30 régions seront réalisés, pour être présentés lors du congrès de 2026.
Au lendemain de la soirée de lancement de son congrès annuel, l’AFO dresse un constat alarmant : la francophonie en Ontario est en perte de vitesse, résultats croisés des études et des consultations menées. C’est ce qui ressort de l’étude de la firme PGF Consultants, réalisée pour l’AFO.
Sans action, l’organisme parle même de « risque d’extinction progressive de la francophonie en Ontario ».

L’AFO avait en effet entrepris, entre le 28 août et le 5 octobre 2025, un sondage intitulé : « États généraux de la francophonie en Ontario : votre avis compte », avec pour objectif d’« identifier, par région, la perception des francophones et francophiles sur les enjeux actuels et futurs de la communauté, ainsi que sur l’évolution de l’identité francophone en Ontario. »
2277 d’entre eux ont répondu aux 20 questions posées en français et en anglais, interrogeant leurs craintes quant au contexte actuel de la francophonie en Ontario, leurs opinions sur le type de services manquants en Ontario, ou encore sur leur perception de la francophonie dans leur région.
52 % des répondants ont jugé que les francophones sont de moins en moins nombreux et visibles et 53 % d’entre eux ont répondu que les services en français sont de plus en plus rares. Par ailleurs, 29 % des sondés ont répondu n’avoir pas confiance en l’avenir de la francophonie et 4 %, absolument pas confiance.
Selon une étude démographique réalisée par la firme d’experts-conseils Brynaert, Brennan et Associé.e.s (BBA) pour l’AFO, le poids des francophones est passé de 5,5 % en 1991 à 4,6 % en 2021. Si la population de langue française augmente, elle augmente moins vite que la population anglophone.

Parmi les causes de cette perte de vitesse, plus de décès sont attendus (224 000) que de naissances (153 000) entre 2025 et 2050. D’autre part, l’étude réalisée par la firme PGF Consultants met en lumière le fait que le tiers des répondants du sondage craignent de ne pas parvenir à transmettre le français et la culture francophone à leurs enfants.
Le taux de transmission de la langue ne serait d’ailleurs que de 67 %, notamment dû à un phénomène d’assimilation et d’insécurité linguistique.
Des solutions sur lesquelles miser et un plan d’action à définir
Parmi les solutions identifiées par l’étude contre l’assimilation, on compte la rétention dans les écoles francophones ou encore l’augmentation du nombre de locuteurs de langue française, y compris les francophiles, anglophones issus de couples exogames et anglophones bilingues.
« On doit faire (en sorte) que les francophiles puissent s’exprimer dans un contexte social et commercial en français. On doit aider les alliés à s’exprimer en français », soulève le responsable d’un conseil scolaire via l’enquête anonyme de l’AFO.
L’immigration est toutefois identifiée comme « clé dans la survie de la francophonie ontarienne ».
Les objectifs visent à ramener à 6 % le poids des francophones, comme en 1971, en accueillant 580 000 francophones issus de l’immigration internationale entre 2025 et 2050.
Cette cible de 6 % d’ici à 2050 représente la proportion de la population franco-ontarienne sur l’ensemble de la population de l’Ontario. Pour l’atteindre, la population franco-ontarienne devra renverser la tendance et croître plus rapidement que la population ontarienne en général.
Des écueils notables entourent ces solutions pourtant indispensables à la cible fixée. Si attirer l’immigration est déjà un défi, il y a également des enjeux d’intégration, de sentiment d’appartenance et de rétention de ces nouveaux arrivants.
« Il est temps de redéfinir la francophonie multiculturelle en Ontario, en reconnaissant qu’il y a plusieurs communautés francophones très différentes, avec des besoins variés », souligne un responsable du secteur de la culture et des médias, via le sondage.
Une nouvelle manne de francophones soulève par ailleurs la question des infrastructures et services en français « déjà en tension ».

L’AFO suggère également que la multiplication des organisations pose un « enjeu de dispersion des ressources et de lisibilité de l’offre », en plus de leur trop grande dépendance aux financements publics.
« Des organismes anglophones vivent de dons et de commandites privés, et n’ont aucune subvention du gouvernement. C’est un aspect qui nous manque à nous francophones », témoigne un responsable du secteur des aînés.
Enfin, le manque de collaboration, de coordination et de partage des données des organisations est également pointé du doigt.
Si 60 % des sondés affirment bien connaitre les organisations francophones de leur région, 39 % affirment le contraire.
Par conséquent, l’AFO organisera des groupes de travail à grande échelle avec une tournée dans 30 régions dans le but d’élaborer « un plan d’action communautaire » et des « plans d’action en région », qui seront présentés lors du prochain congrès de l’AFO en 2026.
« La francophonie ontarienne doit se mobiliser et se mettre d’accord, mais les solutions viendront du terrain, des communautés elles-mêmes », a indiqué à ONFR le président Fabien Hébert lors de la soirée de lancement du congrès.
Il a signifié son intention d’impliquer urgemment les paliers gouvernementaux dès que des plans d’action concrets seront élaborés.