Action positive : « Ne pas s’asseoir sur nos lauriers », selon Nathalie Nadon

L'artiste Nathalie Nadon animera le gala du dixième anniversaire d'Action positive. Crédit photo: Rudy Chabannes

[ENTREVUE EXPRESS]

QUI :

La chanteuse, actrice et directrice de théâtre Nathalie Nadon est une pionnière de l’organisme torontois Action positive.

LE CONTEXTE :

À l’occasion de son dixième anniversaire, Action positive organise ce samedi un gala célébrant son histoire, ses bénévoles, ses combats passés et à venir. 

L’ENJEU :

En l’absence de vaccin, la prévention et l’accompagnement en français sont vitaux dans la lutte contre l’infection au virus de l’immunodéficience humaine (VIH).

« Quels sont le rôle et les missions d’Action positive?

C’est un organisme qui soutient les personnes vivant avec le VIH. Le rôle des bénévoles est de leur offrir du soutien psychologique et administratif. Ça veut dire accompagner ceux qui en ont besoin lors des rendez-vous ou trouver la documentation pour certaines prestations. Il y a aussi tout un côté éducatif qui s’adresse à l’entourage des personnes affectées et, plus largement, aux jeunes et aux populations à risque.

Comment tout a commencé en 2009?

C’est parti d’un constat de l’organisme FrancoQueer : il n’y avait rien en français à Toronto sur le VIH. Ça a pris la forme d’un projet sous le parapluie du Aids Committee of Toronto (ACT). On était sous leur tutelle, dans leurs bureaux, et on avait accès à plein de services mais en anglais. On donnait un peu le penchant francophone. J’étais organisatrice de projet et m’occupais des spectacles, des collectes de fonds et d’ateliers.

Ce mouvement a-t-il bien été accueilli au départ?

Le plus dur a été de se faire connaître et d’obtenir du financement. On a commencé avec une subvention de 150 000 $. Le stigmate était très grand. Mais tranquillement, un individu à la fois, un organisme à la fois, on a réussi à faire comprendre aux gens que c’est un service comme les autres. Le fait d’avoir une femme hétérosexuelle au sein d’un tel organisme souvent associé à l’homosexualité a aussi facilité les partenariats. 

Comment Action positive s’est adapté aux différentes populations?

Initialement, on s’adressait beaucoup aux hommes, mais l’immigration a changé notre vision des choses. Beaucoup de femmes vivant avec le VIH arrivaient d’Afrique. Il fallait qu’on s’ouvre à elles. On a développé des activités mixtes et pour les femmes. Ce n’était pas simple. Nous devions créer un climat de sécurité, de communauté, de confidentialité. Il fallait aller les chercher une à une pour les inciter à participer. Petit à petit, le cercle s’est agrandi et l’information sur le VIH a mieux circulé.

Quelles difficultés rencontrez-vous dans l’éducation et la sensibilisation?

On doit tenir compte du fait que les populations à risque sont souvent des populations qui ont moins de moyens. Toutes nos activités doivent donc rester gratuites. Le financement du ministère sert à payer les employés et les projets mais pour les à-côtés, on doit se débrouiller. Tout ça reste encore un défi. On doit convaincre les gouvernements que ces populations précaires ont besoin d’outils, particulièrement les immigrants.

L’information est-elle suffisamment accessible en français?

On a déjà de la misère à avoir des services en français en Ontario. Alors, dans un petit organisme, il n’y en a jamais assez. Quand les gens cherchent, c’est dur. Il faut plus de diffusion, de rayonnement et de collaboration entre les organismes. J’aimerais qu’on ait un numéro de téléphone unique en Ontario où on serait mis en relation avec des services en français. 

Quel regard portez-vous sur l’évolution d’Action positive?

On est devenu un organisme indépendant. On n’est plus sous la tutelle de ACT. On a un financement récurrent et constant du ministère de la Santé. On est passé d’une quarantaine d’accompagnements par mois à plus du double, dans les dernières années. Le bouche-à-oreille a fonctionné. Les organismes qui n’avaient pas ces ressources-là se sont rapprochés d’Action positive et sont restés fidèles.

Avec les progrès scientifiques, la société a-t-elle tendance à baisser la garde sur le VIH?

Je ne pense pas que les organismes baissent la garde. Ils continuent de travailler d’arrache-pied. Mais c’est plutôt l’individu. Les jeunes LGBTQ n’ont pas forcément eu les mêmes batailles que les deux-trois générations avant nous. C’est un petit peu de l’acquis. Il faut qu’ils comprennent qu’il y a toujours un danger si on ne se protège pas. On ne meurt plus comme dans les années 80 avec les médicaments, la trithérapie, etc… mais il y a encore beaucoup à faire. Oui, il y a des percées médicales, mais il ne faut pas s’asseoir sur nos lauriers, car c’est là que ça pourrait dégénérer.

Comment allez-vous fêter cet anniversaire, ce samedi?

On veut un esprit plus festif que protocolaire. On veut que les gens s’amusent. Il y aura une rétrospective, des vidéos surprises et on reconnaîtra la part des bénévoles et des organismes qui travaillent avec nous. Sans bénévole, on n’existerait pas. Et on va danser avec DJ Unpier. certains ne viendront que pour danser!

Pourquoi vous êtes-vous engagée dans cette cause?

C’est l’humain qui m’intéresse. Je veux que les gens se sentent bien, qu’ils fassent partie de la communauté. Je suis une fille de grosse famille. Ça fait déjà partie de ma personnalité. Les gens ont quelque chose à dire. S’ils sont respectés, écoutés, compris, ils vont être capables de surmonter n’importe quoi. Si je peux aider en mettant de l’humour, de l’énergie, tant mieux.

Comment imaginez-vous les dix prochaines années?

Il nous faut du financement pour ouvrir d’autres bureaux dans la province. La seule source d’information pour les francophones est à Toronto. Rien à Ottawa. Rien à Sudbury. Un financement supplémentaire permettrait d’ouvrir des bureaux satellites dans les régions où il y a des besoins. »