Aéroports : panique à bord
Retards fréquents et conséquents, vols annulés à la dernière minute, bagages perdus, files d’attente sans fin… Depuis plus d’un mois et demi, la liste des plaintes enregistrées par cet exutoire que peuvent être les réseaux sociaux est longue. Derrière ce « chaos », selon les témoignages recueillis des Franco-Ontariens, il y a les compagnies aériennes canadiennes et surtout la gestion dans les aéroports, notamment ontariennes dont les responsables jettent la pierre sur le manque du personnel au sol.
À peine l’appel à témoin publié par nos soins sur les réseaux sociaux, et ce dans le but de dénicher des personnes qui ont récemment vécu une mésaventure dans un aéroport de la province, que les réponses ont atterri en masse.
« Jeudi dernier, je me rendais à un événement célébrant la francophonie dans la région de Toronto en provenance d’Ottawa, notre vol initial avec Air Canada était prévu à 9h40, mais la veille de notre départ ce dernier a été annulé », raconte Éric Barrette, gestionnaire de l’animation culturelle pour le Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario (CÉPEO).
S’en est suivi trois autres annulations en deux jours selon M Barrette qui a finalement pu se rendre à son événement, mais qui a raté l’anniversaire de sa fille à cause d’un énième retard au retour.
« Ce qui est ironique dans tout ça, c’est qu’Air Canada était commanditaire de l’événement auquel j’assistais », ajoute-t-il avec philosophie.
Des aéroports complètement débordés
Autre compagnie aérienne et même exacerbation chez cette Torontoise, Margaux Spadoni à qui on a annoncé l’annulation de son vol juste avant l’embarquement!
« C’était avec Porter Airlines, j’avais un vol pour Montréal à partir de l’aéroport Billy Bishop à Toronto. Le vol était initialement prévu à 9h30 et, au moment où j’ai passé le contrôle de sécurité et scanné ma carte d’embarquement, j’ai reçu un e-mail à 9h, soit 30 minutes avant le décollage, annonçant l’annulation du vol », rapporte-t-elle.
Non loin de là, à l’aéroport de Pearson de Toronto, les responsables de ce dernier ne savent plus où donner de la tête. En effet, depuis plusieurs semaines maintenant, on y assiste à des annulations et des retards fréquents de vols nationaux comme internationaux, au grand dam des voyageurs.
« J’ai eu des problèmes à Pearson en mai dernier sur un vol direct Paris-Toronto avec Air Canada. J’étais avec mes deux enfants, l’avion est arrivé à l’heure, mais on nous a obligés d’attendre une heure et quinze minutes dans l’avion sous prétexte qu’il faut attendre le désengorgement au service des douanes. Peine perdue, parce qu’une fois à la douane, on a attendu une heure et demi de plus. Après huit heures de vol, c’est éreintant, sans parler du douanier qui était débordé et qui était désagréable avec nous », déplore Nathalie Aumoitte, professeure de français en ligne dans la région de Toronto.
L’enfer des correspondances
L’expérience est encore plus amère pour les voyageurs qui ont des vols de correspondance. C’est le cas d’Aure Jadeslolou qui avait un vol Marseille-Toronto via Montréal avec la compagnie Air Transat.
« À Montréal, le commandant de bord annonce que ceux qui ont une correspondance sont prioritaires pour sortir. L’avion atterrit et nous restons 45 minutes à attendre que les portes s’ouvrent. Puis on nous annonce qu’une personne va nous guider jusqu’à la correspondance et que ne nous passerons aucun contrôle. Là encore, Personne pour nous guider, je suis seule avec mes trois enfants à courir. Nous arrivons au contrôle de bagages et on nous fait tout sortir alors qu’à Marseille aucun problème! », regrette-t-elle.
Et de poursuivre : « J’explique à la jeune fille des bagages que nous allons rater le vol. Elle s’énerve et me jette les sacs. Je l’implore de me laisser partir, elle ne veut rien savoir même si les haut-parleurs crient mon nom et celui de mes enfants. Elle garde les sacs de mes enfants à cause de la console de jeux. Finalement, nous réussissons à monter dans l’avion, mais là aussi le vol est en retard de une heure et trente minutes. On arrive enfin à Toronto. Nous récupérons six bagages sur huit. Je n’ai jamais vécu une situation pareille, je suis furieuse. »
Les conséquences sont matériellement encore plus lourdes lorsqu’il s’agit de voyages d’affaires comme nous explique ce gestionnaire d’une équipe de directeurs de la construction opérant au Canada et aux États-Unis, Andre Fab.
« Le travail que mon équipe accomplit nécessite des voyages en avion et des engagements de temps considérables. Au cours du dernier mois, nous avons collectivement perdu 416 heures en raison de retards de voyage. La qualité du travail de l’équipe s’en trouve grandement diminuée, car la fatigue s’installe et les trajets rapides d’une seule journée finissent par durer deux nuits et trois jours. »
Défaut du personnel au sol
Les responsables des aéroports n’ont eu de cesse de multiplier les sorties médiatiques ces derniers temps afin d’expliquer que les dysfonctionnements auxquels font face les aéroports proviennent essentiellement d’un manque de personnel au sol causé principalement par les mesures sanitaires toujours en cours.
Il n’est donc pas rare qu’un avion arrive à l’heure et même en avance pour rester cloué au tarmac enfermant les passagers à bord, car le personnel traitant est débordé.
« Je revenais d’Alger à Montréal avec Air Algérie parce qu’il n’y a pas de vol direct pour Toronto. On est arrivé à Montréal avec 50 minutes d’avance, mais on nous a obligés de rester dans l’avion à l’arrêt pendant plus d’une heure et demi avec très peu de rafraîchissement offert. La raison qu’on nous a fournie est que plusieurs vols sont arrivés en même temps et que l’aéroport n’a pas assez de personnel pour s’occuper de nous », relate Nancy Poulette.
Et de s’étonner : « Après neuf heures de vol avec un bébé de neuf mois, c’est usant pour lui et pour moi. Je ne comprends pas pourquoi ils ont programmé quatre avions arrivant en même temps alors qu’ils ont un problème de manque du personnel au sol. C’est clairement un problème d’organisation. »
Toutes ces perturbations de haut vol n’ont pas manqué d’avoir des répercussions directes sur les marchés financiers. À titre d’exemple, à l’heure de la mise sous presse, l’action d’Air Canada se négocie à 17,33 $, soit une chute de 30% en comparaison avec sa valeur deux mois auparavant.