Angela Cassie, une femme au service de sa communauté

Angela Cassie, présidente de la société de la francophonie manitobaine. Gracieuseté

[LA RENCONTRE D’ONFR]

WINNIPEG – Récemment élue présidente de la Société de la francophonie manitobaine (SFM), Angela Cassie est une fière Franco-Manitobaine qui a toujours voulu être au service de sa communauté. Membre du Black History Manitoba Committee, du Congress of Black Women (Manitoba), de la Cancer Care Manitoba Foundation et du Conseil consultatif des affaires francophones de la province du Manitoba, elle a consacré plus d’une dizaine d’années de sa carrière à mettre au-devant de la scène les difficultés auxquelles sont confrontés les francophones et les minorités visibles.

« Pouvez-vous nous parler de vous pour ceux qui ne vous connaissent pas?

Je viens d’une famille multiculturelle où l’on parlait plusieurs langues autour de moi. Aînée de cinq filles, mes parents ont décidé au début de ma scolarisation de privilégier une éducation en français. Selon eux, une telle éducation allait m’outiller dans mon parcours social.

De la maternelle à la 9e année j’ai fait mes études à Saint-Boniface à l’école Provencher, mais, j’ai été contrainte à poursuivre le reste de mes études secondaires dans une école anglophone non loin de chez moi. Dans la vingtaine, j’ai renoué avec le français en m’installant dans une commune francophone. Cela m’a permis de reconnecter avec la culture et de développer mes compétences.

Sur le plan professionnel, j’ai passé dix ans de ma vie au ministère du Patrimoine canadien, avant de me lancer dans le secteur culturel en travaillant respectivement au Musée canadien pour les droits de la personne et au Musée des beaux-arts du Canada. Dans tout ce parcours, le bénévolat et l’implication communautaire ont toujours été importants pour moi. Au cours de mes quatre ans d’implication au sein de la Société de la francophonie manitobaine, j’ai pu m’engager dans des projets qui s’alignent avec mes principes et mes valeurs.

Angela Cassie et son prédécesseur Christian Monnin (au premier plan) lors du ralliement de solidarité francophone, en 2018. Source : Facebook SFM

En tant que femme noire francophone, est-ce que vous avez été confrontée à de quelconques difficultés en raison de votre identité?  

On ne peut pas vivre dans cette société et dire que cela ne pose pas de défis. Je crois que j’ai toujours été ancrée dans mon identité. Cette diversité est un avantage et une force qui me permettent d’enrichir les discussions avec mes perspectives. Je suis très bien appuyée par ma famille et mon cercle social, donc j’arrive à passer à travers des moments difficiles. Si je suis là, c’est grâce au travail de personnes qui étaient là avant moi et je compte bien définir les fondations des prochaines générations.

Qu’est-ce qui vous a poussée à vous impliquer au sein de la francophonie manitobaine?

Quand mon père est venu au Canada dans les années 60, il était le seul enseignant noir à Saint-Boniface. J’ai pu observer les difficultés auxquelles il a fait face dans sa carrière. Durant cette période, ce qui m’a marqué, c’était son implication au sein de la communauté. Il a fondé le comité Black History Manitoba il y a 40 ans et il travaillait bénévolement avec les familles de nouveaux arrivants pour les outiller à mieux gérer le système scolaire canadien. Avoir observé le travail et l’engagement de mes parents m’a incitée à vouloir aussi me lancer dans le bénévolat. Ils m’ont inculqué que si l’on veut que les choses avancent, il faut utiliser nos forces. On peut tous s’impliquer auprès de nos communautés pour les améliorer et pour faire entendre nos voix.

Quand l’occasion d’être vice-présidente s’est présentée, l’organisme changeait de statut légal et les objectifs étaient à revoir. Je me suis dit qu’à travers mon parcours et mes compétences, je pouvais aider l’organisme dans ce processus d’agrandissement de l’espace francophone pour assurer la vitalité de la communauté.

Angela Cassie (au centre) lors des tables rondes FCFA-SFM sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles, en 2019. Source : Facebook SFM

La décision de passer de la vice-présidence à la présidence de la SFM était-elle spontanée ou réfléchie?

J’ai beaucoup réfléchi avant de faire la transition. Cela faisait quatre ans que j’étais à la vice-présidence et j’y ai beaucoup appris au sujet de la communauté. Je me sens bien placée pour prendre la relève. J’ai travaillé de très près avec le président sortant, Christian Monin, et je pense que j’ai la capacité de poursuivre son travail, notamment sur des dossiers de grandes importances.

Au travers de ce nouveau rôle, comptez-vous mettre en avant les préoccupations de certains groupes minoritaires dans la communauté?

Dans la dernière année, l’organisme a décidé de se pencher davantage sur la diversité et l’inclusion. À travers des projets liés à la réconciliation, à l’inclusion des communautés LGBTQ2+ ou encore le racisme, nous avons voulu toucher toutes les personnes de notre communauté. Vu que j’ai un directement vécu certaines problématiques évoquées, je suis très outillée pour accompagner l’organisme et la communauté dans ce nouveau chapitre.

Pour moi, cette élection est un moyen de formaliser l’engagement de l’organisme à concevoir des stratégies politiques et communautaires pour appuyer les communautés marginalisées. Nous avons mis en place un comité qui traite des questions de la diversité, de l’inclusion et de la réconciliation. On veut s’assurer que les intérêts de tous les francophones au Manitoba sont pris en considération et aussi montrer que la manière dont on interagit avec les systèmes autour de nous varie en fonction de notre identité.

Angela Cassie. Source : compte Twitter Musée canadien pour les droits de la personne

Outre des initiatives citées plus haut, sur quels projets la SFM a décidé de porter son attention en ce moment?

Nous travaillons de près avec la Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada (FCFA) sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Nous travaillons aussi à la sensibilisation et aux revendications auprès de la ville de Winnipeg et de la province du Manitoba pour avoir de meilleurs services en français.

Par ailleurs, compte tenu des différences entre le secteur rural et le secteur urbain, nous avons tendance à mettre de côté des préoccupations des communautés rurales. Ces dernières manquent de services en français, de soins à la petite enfance, de centres de santé et bien d’autres choses. Cet enjeu fait partie des préoccupations majeures que nous voulons explorer au courant de l’année. Même s’il y a d’autres préoccupations sur la table en ce moment, nous allons porter une attention particulière à ces enjeux dans les mois qui suivent. 

Quelles sont les particularités de la francophonie au Manitoba?

Lorsqu’on vit en situation minoritaire, on se retrouve à lutter pour faire respecter notre voix. La SFM est là comme organisme porte-parole même si ce n’est pas qui nous offrons les services. Notre objectif est d’amplifier les voix et les besoins des autres organismes communautaires francophones qui font face à des difficultés. »

Angela Cassie (à droite) au 40e lever du drapeau franco-manitobain, en 2020. Source : Facebook SFM

LES DATES-CLÉS D’ANGELA CASSIE :

1998 : Débute une carrière de dix ans au ministère du Patrimoine canadien en tant qu’agente en communications

2008 : Contribue aux travaux qui ont mené à l’ouverture du Musée canadien pour les droits de la personne (MCDP) en 2014

2017 : Élue vice-présidente de la SFM et se voit honorée au sommet pancanadien des communautés noires pour son travail de promotion des droits de la personne

2021 : Devient membre de la Conférence canadienne du gouverneur général sur le leadership de 2022 et vice-présidente au Musée des beaux-arts du Canada

2021 : Élue présidente de Société francophone manitobaine

Chaque fin de semaine, ONFR rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.