Bilinguisme des juges à la Cour suprême : Lalonde neutre
TORONTO – Marie-France Lalonde reste très prudente dans le dossier des juges bilingues à la Cour suprême du Canada. Si pour sa prédécesseur Madeleine Meilleur, il allait de soi que les neuf juges du plus haut tribunal du pays soient bilingues, la ministre des Affaires francophones adopte un ton différent.
SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz
Quelques jours après l’échec du projet de loi de François Choquette à la Chambre des communes, Marie-France Lalonde n’a pas voulu s’engager directement sur le sujet.
Interrogée par #ONfr, la députée d’Ottawa-Orléans a plutôt vanté ses réalisations au niveau provincial.
« On veut avoir le plus de juges possibles bilingues, on veut des gens compétents. Je suis fière de ce que l’Ontario fait. (…) On a fait un projet pilote à Ottawa qui a été enchâssé de manière permanente à la Cour d’Ottawa. »
Et d’enchaîner : « Je suis fière de faire partie d’un gouvernement avec un procureur général qui travaille fort. On a aussi créé un comité permanent aviseur en français de la justice, l’une des recommandations du commissaire Boileau, et qui, on espère, va avoir des retombées très positives en Ontario. »
Sur le même thème du bilinguisme des juges, le son de cloche du procureur général, Yasir Naqvi, est quelque peu identique. « L’accès au système de justice en français est très important », s’est-il contenté de répondre.
Interrogée sur le même sujet par #ONfr en avril 2016, Madeleine Meilleur s’était faite plus directe.
« J’appuie le bilinguisme des juges, parce que ce sont des juges (à la Cour suprême du Canada) qui siègent aussi pour entendre des causes en français. Alors, on aimerait bien les voir tous bilingues (…) On ne peut pas être contre la vertu », confiait celle qui officiait alors comme procureure générale et ministre déléguée aux Affaires francophones.
Différentes positions des provinces
Bien que d’envergure fédérale, le sujet des juges bilingues à la Cour suprême du Canada n’échappe pas aux débats provinciaux. D’autant que l’échec du projet de loi de M. Choquette est le quatrième au Parlement en moins de dix ans.
En 2008, les ministres de la justice du Québec et du Nouveau-Brunswick auraient écrit à leur homologue fédéral pour parler du bilinguisme des juges à la Cour suprême du Canada comme d’une condition « sine qua non » de nomination. Un fait rapporté par l’Association des juristes d’expression française du Nouveau-Brunswick.
Deux ans plus tard, la ministre de la Justice de l’Alberta, Alison Redford, se prononçait à l’encontre du projet dans un média local.
#ONfr a tout de même tenté de joindre le procureur général du Nouveau-Brunswick, Serge Rousselle, qui a décliné notre demande d’entrevue.
« Une honte » pour France Gélinas
Sur les bancs de Queen’s Park, la critique néo-démocrate aux Affaires francophones, France Gélinas, ne décolère pas.
« C’est une honte, le gouvernement avait promis aux Canadiens de le faire. Est-ce que ce sera à l’Ontario de prendre la relève? J’imagine que c’est quelque chose à considérer. (…) Il n’y a rien qui me laisse sous-entendre que le gouvernement provincial actuel va pousser sur ce dossier-là. Je n’ai aucun doute que le gouvernement de Mme Wynne ne le fera pas. »
Huit juges sur neuf sont actuellement bilingues à la Cour suprême du Canada. Seul Michael Moldaver utilise les services de traduction simultanée.
Article écrit avec la collaboration de Jean-François Morissette et Benjamin Vachet.