Budget fédéral : du financement, mais rien de concret pour les francophones
OTTAWA – Un document volumineux de 864 pages, un contexte hors-norme avec la pandémie de COVID-19, mais finalement peu d’avancées pour les francophones en milieu minoritaire. On ne peut pas dire que le budget 2021 restera pour eux dans les annales.
Deux mois après la publication du livre blanc sur les langues officielles, on s’attendait à une éventuelle échéance de la modernisation de la Loi sur les langues officielles, un possible financement pour l’Université Laurentienne ou pourquoi pas le Campus Saint-Jean, mais rien de cela n’est présent dans le document budgétaire dévoilé ce lundi.
Le budget de 2021 propose par exemple de fournir un financement de 6,4 millions de dollars à Patrimoine canadien et de 2,3 millions au Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada sur deux ans, à compter de 2021-2022, en vue de la modernisation de la Loi sur les langues officielles.
Concernant Radio-Canada, le document du gouvernement libéral s’engage à un financement opérationnel immédiat de 21 millions de dollars pour CBC/Radio-Canada. « Ce financement assurera sa stabilité pendant la pandémie et lui permettra de continuer à offrir des émissions de nouvelles et de divertissement dans les deux langues officielles qui tiennent les Canadiens informés. »
Si l’équipe libérale de Justin Trudeau investira 428,9 millions de dollars sur cinq ans dans une « plateforme numérique pangouvernementale », laquelle remplacerait progressivement l’ancien système de gestion des cas, en revanche la lentille francophone n’est ici pas citée. Le gouvernement insiste que l’investissement « permettra d’améliorer le traitement des demandes et d’offrir un soutien aux demandeurs, à compter de 2023 ».
Au chapitre des arts, le budget fournit un financement de 49,6 millions de dollars sur trois ans, à compter de 2021‑2022, à Patrimoine canadien pour le programme de Développement des communautés par le biais des arts et du patrimoine. Quelque 17,2 millions de dollars seront consacrés 2021‑2022 au Centre national des Arts pour « pour faire face aux pressions financières causées par la COVID‑19 et pour s’assurer que le CNA national des Arts continuera d’appuyer les artistes et de célébrer la culture canadienne ».
LES AUTRES PRINCIPAUX FAITS DU BUDGET 2021 POUR LES FRANCOPHONES :
121,3 millions $ sur trois ans pour le postsecondaire
81,8 millions $ sur deux ans pour la construction et la rénovation des établissements éducatifs et communautaires en milieu minoritaire
180,4 millions sur trois ans pour l’apprentissage du français langue seconde.
Un bon point pour l’éducation
Le budget 2021 comporte tout de même des atouts pour les francophones, estime l’avocat de Juristes Power Law, Darius Bossé. À commencer par la somme de 121,3 millions pour le postsecondaire.
« Est-ce que c’est suffisant pour sauver un secteur qui saigne partout au Canada? Ça ne va pas régler les problèmes, mais c’est un pas dans la bonne direction », a-t-il laissé entendre lors du Facebook live organisé par ONFR+, peu après le dépôt du budget. « Ça va permettre d’exiger que les provinces prennent aussi leurs responsabilités. »
Et de poursuivre : « On voit qu’il y des fonds pour appuyer certains des engagements du livre blanc. Par exemple, Mme Joly met un 180,4 millions de dollars pour l’apprentissage de langue officielle seconde. Une autre chose, le gouvernement se donne les moyens de pousser la modernisation du dossier de la Loi sur les langues officielles pour mener à terme la réforme. Quant à la somme de plus de 80 millions de dollars pour la construction et la rénovation des établissements éducatifs et communautaires en milieu minoritaire, elle est significative, car elle représente ce qui est investi en la matière sur le Plan d’action pour les langues officielles en dix ans. »
La FCFA satisfaite
Élogieuse lors du dépôt du livre blanc en février, la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada s’est de nouveau félicité de ce nouveau document.
« En annonçant des investissements dans des enjeux aussi prioritaires que le postsecondaire en français et les infrastructures communautaires en milieu minoritaire, le gouvernement fédéral montre qu’il est sérieux dans sa volonté de promouvoir et de protéger le français partout au pays », a indiqué le président de la FCFA, Jean Johnson, dans un communiqué de presse.
En revanche, le critique conservateur en matière de langues officielles, Alain Rayes, a toutefois déploré ce budget.
« En lien avec les deux langues officielles, ce que ça sent c’est un budget à saveur hautement électoraliste à nos yeux. On ne sent pas dans ce budget-là que les langues officielles et particulièrement la défense des francophones partout au pays est une priorité. On parle d’une page, sur une brique de 864 pages. On en parle mais (il n’y a) aucun message clair pour aider à nos yeux l’urgence des universités francophones un peu partout au pays, on pense à l’Université Laurentienne », a-t-il décoché au micro de ONFR+.
« Donc, j’ai hâte de voir si la ministre (Mélanie Joly) va enfin déposer un projet de loi pour moderniser les deux langues officielles maintenant qu’elle a mis une petite somme dans le budget, si elle va se mettre en action pour aider les francophones partout au pays. »
Son homologue néo-démocrate Alexandre Boulerice n’était pas disponible ce lundi soir pour répondre à nos demandes d’entrevue.
Article écrit en collaboration avec Philippe Murat