« Ça a été brutal » : la COVID longue force la fermeture d’un restaurant très populaire d’Haileybury
HAILEYBURY – Si pour beaucoup la pandémie est terminée, les conséquences se font encore bien ressentir du côté de Haileybury qui va perdre un de ses plus populaires restaurants. L’annonce de la fermeture de l’Autochtone taverne américaine a eu l’effet d’une bombe auprès de la communauté francophone des deux Témiscamingue.
« Ça a été brutal », a confié le chef et propriétaire du restaurant qui a fait l’annonce de la fermeture à ses quelque 4 000 abonnés sur Facebook le 14 avril dernier. Il en a profité pour remercier sa clientèle dans un long message rempli d’émotions dans la langue de Molière.
Gerry Brandon déclare également que de devoir fermer « est comme perdre un être cher. »
Celui-ci a avancé que c’est sa COVID longue, contractée au printemps 2022, qui l’aurait forcé à devoir prendre cette douloureuse décision.
« Maintenant que je suis confronté à un nombre croissant de problèmes de santé, mon médecin me dit que mon temps dans la cuisine doit prendre fin. 2023 doit être et sera notre dernière année à L’Autochtone », confie-t-il.
Il estime qu’un chef qui a perdu le sens du goût et de l’odorat n’a plus vraiment sa place dans une cuisine.
Celui-ci était chef depuis plus d’une trentaine d’années avant d’accomplir son rêve d’ouvrir son premier restaurant en avril 2019, peu avant le début de la pandémie.
« La COVID-19 a frappé avant que nous ayons été ouverts une année complète et a été dévastatrice pour nous », a-t-il également déclaré. Le chef ajoute que les pertes engendrées par la pandémie se sont chiffrées à 1,5 million de dollars.
Le chef entrepreneur a aussi dû renoncer à son projet de distillerie qu’il comptait mettre sur pied suite à l’achat d’un second bâtiment dans la ville.
Une cuisine triculturelle
L’Autochtone Taverne américaine est un restaurant de fusion urbaine proposant des spécialités de la culture française autochtones et anglaises.
Gerry Brandon est lui-même un membre des Premières Nations et se dit fier d’avoir pu présenter une cuisine et un décor célébrant son identité.
« C’est un établissement complètement à part dans tout le Nord de l’Ontario » – Gerry Brandon
Ce dernier s’est rendu un temps dans l’Ouest canadien pour travailler dans de grands restaurants, mais a choisi de revenir dans le nord de l’Ontario, proche de New Liskaerd où il a grandi, pour son projet de restaurant.
C’est à Haileybury qu’il a décidé de tenter l’expérience en achetant et rénovant un immeuble vieux d’une centaine d’années avec son épouse Nancy.
« Nous espérions pouvoir susciter un regain d’intérêt à la fois pour la région et pour la magnifique ville de Haileybury. J’aimerais penser que nous y sommes parvenus et plus encore », se félicite-t-il.
Gerry Brandon dit avoir reçu beaucoup de personnes venant de Toronto spécialement pour sa cuisine raffinée et se faire dire que son restaurant aurait totalement sa place dans une grande ville. « C’est un établissement complètement à part dans tout le Nord de l’Ontario », juge-t-il.
De vives réactions dans la communauté
Plusieurs centaines de personnes ont réagi aux publications annonçant la fermeture du restaurant dont la clientèle est majoritairement francophone. Avec un emplacement à la frontière avec la belle province, une partie non négligeable de cette clientèle est originaire du Témiscamingue québécois, soit plus de 60 % selon M. Brandon.
« J’ai fait de nombreuses fois deux heures de route (aller-retour) juste pour aller faire découvrir ce restaurant à des amis.es », a tenu à dire Pierre Bédard de Rouyn-Noranda. Et de poursuivre : « Non seulement les plats étaient succulents, mais l’ambiance et la gentillesse étaient un atout pour ce restaurant. »
« C’était de loin mon restaurant préféré, j’ai apporté beaucoup de mon entourage à cet endroit » – Rosalie Chaumont
Rosalie Chaumont, de Saint-Placide-De-Béarn, compte parmi les nombreux habitués de l’enseigne à laquelle elle déclare se rendre au minimum deux fois par mois.
La jeune femme affirme traverser la frontière et faire plus d’une heure de route spécifiquement pour profiter des bons plats de l’enseigne. « C’était de loin mon restaurant préféré, j’ai apporté beaucoup de mon entourage à cet endroit », confie-t-elle.
Passer le flambeau
Le propriétaire n’a pas souhaité communiquer de date de fin d’activité, car lui-même dit ne pas être sûr de l’échéancier exact de fermeture à l’heure actuelle.
Il indique avoir mis en vente le restaurant et ses quelque 223 mètres carrés pour la somme de 600 000 $ et espère trouver une personne jeune et dynamique pour en reprendre les rênes.
« Dès le début, notre intention était de bâtir une entreprise qui offrait aux jeunes la possibilité d’avoir un emploi solide et, éventuellement, de devenir propriétaire de l’entreprise dans laquelle ils investissent leurs efforts », conclut-il.
« Tout est déjà là, le restaurant, la carte, la clientèle, c’est une opportunité unique de continuer à offrir cette même expérience et de la faire grandir. »
Les futurs propriétaires pourront certainement compter sur des habitués tels que Pierre Bédard : « J’espère que ça continuera d’être la perle cachée du nord de l’Ontario! »