Changements au Droit : la communauté francophone entre satisfaction et regret
OTTAWA – Les annonces se succèdent pour Le Droit au cours de cette semaine. Après l’officialisation de l’embauche d’une journaliste à Queen’s Park – une première depuis 1988 -, le quotidien centenaire franco-ontarien a dévoilé un partenariat avec le collège La Cité par la création d’un « Lab Le Droit », hier. Des nouvelles qui n’éteignent pas certains doutes.
Mercredi en début d’après-midi, une motion a été votée à l’unanimité par les conseillers de la Ville d’Ottawa pour « encourager le quotidien Le Droit à collaborer avec la communauté et le milieu des affaires pour trouver des stratégies et des solutions afin que Le Droit maintienne sa présence à Ottawa et sa couverture de la communauté francophone ».
En cause : l’inquiétude suscitée par le déménagement du quotidien dans quelques semaines à Gatineau. Une condition nécessaire si le journal voulait bénéficier des crédits d’impôts promis par Québec et essentiels à sa survie.
« On sait que Le Droit va déménager au Québec, c’est un peu triste de perdre cette institution, mais je comprends les raisons », a indiqué le maire d’Ottawa, Jim Watson, au moment de l’adoption de la motion, lors du conseil municipal.
L’élu de Rideau-Vanier, Mathieu Fleury, bien que qualifiant de « positives » les annonces de cette semaine de la part du journal, a fait part de ses regrets.
« Il est difficile de couvrir l’enjeu des minorités quand on se retrouve dans la majorité. »
En août dernier, la faillite de Groupe Capitales Médias (GCM), conjuguée au plan de sauvetage de cinq millions de dollars in-extremis du gouvernement québécois, avait tout à coup fragilisé l’unique quotidien francophone établi en Ontario.
Dans l’urgence, c’est finalement un plan d’affaires basé sur un modèle coopératif qui s’était imposé, d’où la naissance de nouvelle coopérative des travailleurs et travailleuses du Droit.
« La communauté franco-ontarienne ne perd rien ou plutôt, elle a failli le perdre », résume le chroniqueur au Droit Patrick Duquette, depuis peu président de la coopérative des travailleurs et travailleuses du Droit. « Le Droit demeure vivant et nous continuerons notre couverture dans l’Est ontarien, des Sénateurs, du Rouge et Noir, de l’Université d’Ottawa et de La Cité. »
Un partenariat avec La Cité
Les francophones espéraient-ils mieux du partenariat avec La Cité? Le projet « Lab Le Droit » est destiné à mettre en commun les travaux des étudiants avec le contenu du journal. Des ressources au niveau des articles, mais aussi de la photographie ou encore de la publicité.
« Ce partenariat avec La Cité répond à notre besoin de connaissances numériques, pour savoir comment joindre les publics plus jeunes, les communautés culturelles… Cela passe par les nouvelles technologies », illustre M. Duquette.
« Aussi, on va permettre à des étudiants de se faire mentorer par des journalistes. Quand la qualité va être au rendez-vous, on va pouvoir les publier. »
Aucun employé du Droit ne sera cependant affecté en permanence au bureau de La Cité.
Le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Carol Jolin, ne préfère pas trop s’en formaliser.
« La bonne nouvelle, c’est que Le Droit a un pied à terre en Ontario. Maintenant, on ne sait pas comment ce partenariat avec La Cité va se concrétiser. Il faut aussi dire que la salle de presse du Droit était à moitié vide, la plupart des journalistes n’ayant aujourd’hui plus ce besoin d’une place physique. »
L’organisme porte-parole des Franco-Ontariens promet de garder un œil sur la couverture des enjeux francophones à l’intérieur du journal.
« Bien que le bureau-mère soit à Québec, il faut que l’Ontario français ait toujours sa place. Aussi, on se dit que d’avoir une journaliste à Queen’s Park peut augmenter l’intérêt des Ontariens et des ventes. »
Pour la directrice générale de l’Association des communautés francophones d’Ottawa (ACFO Ottawa), Ajà Besler, les annonces de cette semaine vont dans le bon sens.
« Les Ottaviens francophones ne veulent pas voir juste des annonces au sujet de la francophonie, mais aussi les nouvelles qui touchent des facettes de leur vie. Avoir une journaliste à Queen’s Park qui parlera aussi de la politique ontarienne est donc positif. »
Rappelant que l’ACFO Ottawa avait déposé une motion lors du dernier congrès de l’AFO à Sudbury afin que Le Droit reste en Ontario. Mme Besler aurait aussi voulu, « dans un monde idéal », que le journal conserve ses locaux dans Marché by, à l’adresse historique du 47, rue Clarence.
Disparition de la version papier
Toujours est-il que dans le moyen terme, Le Droit s’oriente vers une disparition de sa version papier.
« Tranquillement pas vite, on va vers des plateformes numériques, mais bien que cette transition ne sera pas demain matin, ça sera un virage inévitable », laisse entendre M. Duquette.