Entente sur la francophonie
[CHRONIQUE]
Je faisais allusion, la semaine dernière, à une entente imminente en matière de francophonie à l’issue de la réunion conjointe entre les conseils des ministres de l’Ontario et du Québec. Maintenant que les stylos ont été déposés et l’encre a séché, on peut enfin avoir une idée de ce qui se dessine dans l’avenir pour les francophones des deux provinces les plus populeuses du pays.
SERGE MIVILLE
Chroniqueur invité
@Miville
Si le texte de l’entente est somme toute absent d’élégance et de grands détails, il dissimule néanmoins d’intéressantes déclarations et laisse entrevoir un front que ne pourra ignorer Ottawa dans les mois qui suivent.
Il n’y a aucune surprise et aucune déclaration de choc qui sont ressorties du côté de la francophonie, sinon que les deux gouvernements estiment essentiel l’avenir du fait français dans le pays. L’Ontario et le Québec ont donc renouvelé leurs promesses de veiller à la promotion du français, des échanges entre de jeunes francophones et francophiles des deux provinces ainsi qu’à maintenir et encourager une offre des services en français. Jusqu’à maintenant, c’est le statu quo qui prime.
Un retour de balancier?
Si la déclaration n’a rien de choquant, on peut néanmoins trouver de juteuses affirmations. D’une part, les deux provinces s’entendent qu’Ottawa doit encourager un flux migratoire qui va maintenir la proportion de francophones dans toutes les régions du pays. C’est d’affirmer qu’une proportion de plus de 20% de francophones est nécessaire selon ces deux provinces afin de maintenir un certain équilibre. De plus, elle encourage donc l’immigration non seulement au Québec et en Ontario, mais partout au pays afin de solidifier les bases francophones dans les régions plus éloignées.
À l’extérieur du Québec, c’est Ottawa qui mène d’une main de fer l’immigration au pays. De telles déclarations visent principalement à pousser le Parlement et le gouvernement Harper à tamiser ses intérêts en matière d’immigration et promouvoir celles des provinces et des francophones. La déclaration peut devenir mainmorte, mais elle cherche néanmoins un retour de balancier vers les provinces.
Les 150 ans du Canada
Les célébrations du 150e anniversaire de la fondation du Canada arrivent à grands pas. En 2017, une multitude d’événements commémoratifs pulluleront dans chaque coin du pays. Si les conservateurs sont maintenus au pouvoir, nous aurons certainement droit à une reprise de la récupération de la guerre de 1812-1815 qui, rappelons-nous, a largement vanté les mérites de la milice canadienne. De plus, les commémorations ont été orienté pour souligner à quel point ce conflit militaire était fondamental pour la préservation de la langue française. Le gouvernement fédéral a d’ailleurs tenté d’en faire un des événements fondateurs de la nation canadienne.
Les historiens de partout n’ont pas raté l’occasion de faire connaître leur dégoût face à ce bricolage.
L’Ontario et le Québec ont donc affirmé vouloir souligner l’importance des francophones pour la construction du pays et de l’identité des Canadiens lors des commémorations du 150e du pays. Il reste à voir, toutefois, si les provinces vont gronder une instrumentalisation des francophones pour redorer le blason d’un gouvernement qui n’a que très peu d’appui chez eux.
Des flèches contre Ottawa
Hubert Lacroix, actuel président de la Société Radio-Canada (SRC) rappelait lors d’une rencontre houleuse avec les employés et des auditeurs que les crédits votés par le Parlement n’avaient augmenté depuis les années 1970. Celui qui préside la énième vague de compressions du diffuseur public dit ne pouvoir faire des miracles avec les moyens qu’il a.
De leurs côtés, l’Ontario et le Québec cherchent à rappeler à l’ordre le gouvernement fédéral en notant dans leur entente le besoin qu’Ottawa s’assure que la SRC soit en mesure de réaliser son mandat auprès des populations francophones du pays. Bien que, d’apparence timide, cette déclaration de provinces qui représentent plus de 60% de la population canadienne affirme de façon éloquente que la situation actuelle ne peut se maintenir, et que c’est le mandat même de la société d’État qui est en jeu.
On a droit de reprocher quelque peu le manque d’ambition de l’Ontario et du Québec dans la signature de l’accord entre les deux provinces en matière de francophonie. Elle est timide et manque énormément de détail. Cela dit, elle montre à voir que les deux provinces ne sont pas satisfaites de la gouvernance d’Ottawa sur les points mentionnés plus haut.
Il faut donc applaudir que les deux provinces soient sorties de leurs cocons pour envoyer un message à Stephen Harper qu’il doit être prudent dans sa gouverne pour les prochains mois s’il ne veut s’attirer les foudres des provinces.
Serge Miville est candidat au doctorat en histoire à l’Université York.
Note : Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leurs auteur(e)s et ne sauraient refléter la position de #ONfr et du Groupe Média TFO.