Congrès conservateur : une première bataille en perspective

L'ancien premier ministre du Canada, Stephen Harper.

VANCOUVER – Le Parti conservateur (PC) du Canada tient son premier congrès annuel postélectoral du 26 au 28 mai, à Vancouver. Pour le politologue, Duff Conacher, ce rendez-vous devrait être marqué par une bataille d’idées dans les rangs conservateurs.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Pour le PC comme pour ses adversaires politiques, l’heure n’est pas encore à la révolution. Mais le congrès de Vancouver, qui a débuté jeudi 26 mai, risque tout de même de marquer une première étape dans la réflexion de l’opposition officielle qui garde en ligne de mire les élections de 2019.

« Ça va être un congrès très intéressant à suivre car on risque de voir les premiers affrontements au sein du Parti conservateur, entre ceux qui pensent qu’il faut maintenir l’approche et la vision de Stephen Harper et ceux qui pensent qu’il faut renouveler le parti pour gagner les prochaines élections », explique le professeur invité à l’Université d’Ottawa et co-fondateur de l’organisme Democracy Watch, Duff Conacher.

L’allocution de l’ancien premier ministre, en ouverture, était très attendue, à Vancouver. Ovationné, M. Harper y a vanté les accomplissements de son parti pendant une décennie, dont  les baisses d’impôts, les accords de libre-échange et « un fédéralisme respectueux des champs de compétence des provinces ». Mais, alors que plusieurs médias avaient annoncé qu’il profiterait du congrès pour annoncer son retrait de la vie politique, ce dernier a encore pris le contre-pied en ne l’annonçant pas officiellement. Selon les rumeurs de ces derniers jours, l’élu de Calgary-Heritage rendrait son tablier avant l’automne prochain.

Avant d’en arriver là, il lui sera difficile, selon M. Conacher, d’être complètement silencieux lors des débats qui s’annoncent. Dans son discours, M. Harper n’a d’ailleurs pas manqué de lancer un appel à l’unité, conscient des risques qui menacent son parti. La grande force de M. Harper, quand il a pris la tête des bleus en 2002, a été d’unifier l’Alliance canadienne et le Parti progressiste-conservateur autour d’un objectif commun. Aujourd’hui, les vieux différends risquent pourtant de ressurgir, selon le politologue.

« On le voit, depuis qu’elle occupe le poste de chef intérimaire, Rona Ambrose est revenue sur plusieurs décisions de l’ancien gouvernement conservateur et a tenté de s’en différencier. Elle remet en cause une partie du travail de M. Harper et celui-ci voudra peut-être jouer un rôle dans la prochaine course à la chefferie. De plus, certains militants ne sont pas à l’aise avec l’approche de Mme Ambrose. Il risque donc d’y avoir une forte opposition. C’est une grande bataille qui va commencer cette fin de semaine! »

Des questions à se poser

La reconnaissance du mariage gay et la question du droit à l’avortement pourraient faire partie des débats propres à diviser le parti. Mais selon le politologue, le PC doit surtout profiter de ces échanges pour préparer l’avenir.

« Le débat public peut avoir du bon pour le parti conservateur et certains candidats vont peut-être vouloir lancer des premières idées pour se démarquer. Toutefois, il y a aussi des questions à se poser car même s’il a perdu les dernières élections, le Parti conservateur a fait un score très honorable après presque 10 ans au pouvoir, pas si loin du Parti libéral. Doit-il tout changer pour gagner de nouveau? C’est une question qui se pose… »

Selon M. Conacher, il faudra toutefois attendre un peu pour connaître véritablement la direction prise par les conservateurs et cela pour deux raisons : l’absence d’un chef élu et la réforme du mode de scrutin souhaitée et annoncée par le gouvernement libéral.

« Le Parti conservateur comme le Nouveau Parti démocratique (NPD) se sont données du temps pour choisir leur nouveau chef. Cela n’est pas étranger à la réforme du mode de scrutin qui pourrait influencer le choix des militants. Selon que l’on opte pour un scrutin proportionnel ou préférentiel, ce ne sont pas les mêmes qualités qu’il faudra pour un chef. De même, ce ne sont peut-être pas les mêmes idées qu’il faudra pousser pour gagner. On devrait en savoir plus en 2018 sur la direction qu’a choisie le parti », explique-t-il.

À l’heure actuelle, trois candidats sont en lice. Les députés ontariens Kellie Leitch et Michael Chong et le Québécois Maxime Bernier tenteront de se faire élire à la chefferie du parti le 27 mai 2017.

« La course à la chefferie risque aussi de faire parler lors du congrès car certaines règles, dont le fait de pouvoir dépenser jusqu’à 5 millions $ pour la campagne, risquent de gêner certains militants », croit M. Conacher.