Coupes autochtones : Doug Ford accusé de malmener les minorités
TORONTO – Il y a eu la crise linguistique de l’automne à la suite des coupes francophones, voilà que les groupes autochtones accusent à leur tour Doug Ford de menacer leurs langues et leur culture. L’élimination d’un programme visant à promouvoir les langues autochtones illustre l’insensibilité du gouvernement Ford à l’endroit des minorités, selon plusieurs intervenants.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
efgauthier@tfo.org | @etiennefg
Le gouvernement Ford a décidé d’éliminer le Fonds culturel autochtone du Conseil des arts de l’Ontario, économisant 2,25 millions de dollars. Le programme visait à promouvoir les langues et la culture autochtones. Depuis cette annonce, de nombreux groupes autochtones se mobilisent pour tenter de forcer un recul du gouvernement.
« C’est un programme qui était vital. Une langue porte une vision du monde, qui nous sommes et quelle est notre place dans le monde. Ça nous enracine. La langue est profondément liée à la culture », affirme Ashley Bomberry, qui a rassemblé plusieurs dizaines de manifestants devant Queen’s Park, le mardi 26 février.
La décision du gouvernement Ford tombe à un bien mauvais moment, s’entendent plusieurs intervenants. 2019 est l’année mondiale des langues autochtones. À travers le monde, des 2 300 langues qui sont en danger de disparition, la plupart sont autochtones. Quelque 87 se trouvent au Canada, selon l’UNESCO.
Le gouvernement fédéral a dévoilé, en février, un projet de loi pour protéger les langues autochtones, mais l’Ontario a aussi un rôle à jouer, affirme Ashley Bomberry. « La responsabilité est partagée. Tant par le fédéral, la province et les villes. Depuis toujours, les différents paliers de gouvernement se renvoient la balle. Il est temps de se responsabiliser », affirme-t-elle, invitant Doug Ford à respecter les minorités de sa province.
Jesse Wente, animateur de radio et militant autochtone, est estomaqué par les décisions prises par le gouvernement à l’endroit des autochtones. « Dans le contexte de réconciliation, le fonds était pertinent. Les langues et cultures autochtones ont longtemps été interdites. L’Ontario doit faire sa part. L’Ontario n’existerait pas sans les traités signés avec les autochtones. C’est un gouvernement qui doit respecter cette terre », dit-il.
Il croit que les minorités du pays auraient tout avantage à discuter pour organiser la mobilisation face aux coupes linguistiques. « Les francophones de partout au pays savent ce que ça veut dire de voir sa langue et sa culture menacées, attaquées. Nous partageons beaucoup », soutient M. Wente. « Nous partageons plusieurs préoccupations », a-t-il ajouté.
Les minorités attaquées, dit Nathalie Des Rosiers
La députée libérale Nathalie Des Rosiers n’hésite pas à faire un lien entre le sort réservé l’automne dernier aux Franco-Ontariens et ces coupes autochtones. « On voit bien que c’est un gouvernement qui se préoccupe peu de ses minorités. Il comprend mal ses obligations constitutionnelles, à la fois à l’endroit des francophones et des autochtones. Il ne connait pas son histoire », tranche-t-elle.
Elle affirme que les gouvernements doivent, en 2019, chérir la diversité et favoriser leur émancipation. Tout le monde est gagnant, lance-t-elle. « L’Ontario doit remplir ses obligations constitutionnelles. Et le droit international exige une progression des minorités. Mais là, on recule », souligne Mme Des Rosiers.
La semaine dernière, elle a interpellé en chambre le ministre responsable de ce dossier. Greg Rickford a fourni peu de réponses. « Nous nous assurons qu’ils ont tous les outils dont ils ont besoin pour prospérer au niveau économique. Nous voulons qu’ils solidifient leur culture, leur économie », a-t-il répliqué.
« Je peux m’engager à développer l’économie. Rien n’a été fait par l’ancien gouvernement au niveau socio-économique. Nous travaillons sur un plan pour les municipalités et les communautés autochtones », a-t-il renchéri.
Nathalie Des Rosiers affirme que ça ne répond en rien à ses interrogations. « C’est un petit programme qui permettait la survie des langues autochtones et la promotion de la culture. On est dans une période où on doit prendre la réconciliation au sérieux. De commencer un mandat comme ça, ça montre qu’il s’en préoccupe peu », affirme la députée d’Ottawa-Vanier.
Invité à donner plus d’informations sur le sujet, le ministère de l’Éducation n’a pas répondu clairement aux questions. Il affirme que des fonds sont remis à différentes organisations pour la protection des langues autochtones. Des camps linguistiques, des ateliers et du travail d’archivage sont menés, selon le gouvernement. Le ministère n’a pas non plus indiqué les efforts communs menés avec le fédéral pour la protection des langues autochtones, et si de telles actions sont menées.