Crédit image: Dan Harper

Après près de 30 années à la tête de la Société franco-manitobaine (SFM), son directeur général Daniel Boucher a annoncé il y a quelques semaines sa retraite. Celui-ci quitte un paysage qui était fort différent à son arrivée en 1994, alors qu’on annonçait la création à ce moment-là de la Division scolaire franco-manitobaine qui gère aujourd’hui 24 écoles francophones dans la province. D’un plan stratégique sur cinquante années à la transformation de la francophonie manitobaine par l’immigration, nous avons discuté avec celui qui laissera son poste de directeur général de la SFM au mois d’août.

«  Qu’est-ce qui vous a poussé à prendre votre retraite?

Je pense que c’était tout simplement le temps. J’avais déjà anticipé un peu un plan il y a quelques années. J’ai eu 65 ans au mois d’octobre dernier alors j’ai considéré que c’était dans cette période de temps là que j’allais le faire. Deuxièmement, je pense que je laisse les dossiers entre bonnes mains et en bon état. Je suis optimiste pour l’avenir de la SFM.

Qu’est-ce qui vous a amené à rejoindre l’équipe de SFM au début des années 1990?

J’avais travaillé au gouvernement provincial auparavant pendant quatre ans, donc j’avais un certain goût pour la politique, mais je ne voulais pas en faire. Alors, c’est dans ce contexte-là que je suis allé à la SFM, dans les dossiers politiques. De savoir que j’allais être directeur général, je n’en avais aucune espèce d’idée et ce n’était pas dans mes plans au début. J’avais aussi un intérêt qui venait de ma famille, mes parents et d’autres mentors qui ont développé mon intérêt pour mon identité, ma langue, ma culture alors pour moi ça tombait bien.

On peut présumer alors que vous ne pensiez pas que vous pourriez occuper cet emploi pendant près de trois décennies?

Non jamais de la vie! C’était un essai dans un sens, car je ne savais pas ce que j’allais faire. Est-ce que j’allais retourner à l’université? C’est quelque chose que j’ai pensé, mais finalement j’ai pu finir mon premier degré à l’université. Mais non, je n’avais pas tracé ma destination encore, mais avec le temps, c’est devenu quelque chose que j’aimais beaucoup et qui m’intéressait. J’ai continué parce que j’aimais ça, ce n’est pas compliqué.

Crédit image : Dan Harper

Y’a-t-il des dossiers en particulier sur lesquels vous avez travaillé au cours de votre carrière qui vous tiennent à coeur?

Peut-être pas un dossier, mais une orientation qui m’a vraiment influencé. C’était en 2001 et j’étais directeur général à cette époque. C’était un plan d’action qui s’étale sur 50 ans soit de 2001 à 2051 (…) Le cœur de tout ça était de s’ouvrir aux autres pour valoriser notre langue, notamment via l’immigration. En 2001, ce n’était pas évident. Ce n’était pas un concept qui était accepté par tout le monde. Mais en s’ouvrant, on pouvait ainsi renforcer notre communauté et se renforcer comme francophone.

C’est ça qui est à la base de toutes les actions de la SFM et c’est ça qui a continué à me motiver, car il y a eu des engagements communautaires impressionnants qui existent encore aujourd’hui. C’était plaisant de travailler dans un contexte où la communauté était assez confiante pour s’agrandir.

Un des épisodes marquants de la francophonie manitobaine est la crise linguistique des années 1980 où il y a une forte mouvance anti-bilinguisme. Vous dîtes l’avoir vécu d’assez près?

C’était une période extrêmement difficile. On ressentait beaucoup de haine, de incompréhension (envers les francophones) etc. Je travaillais pour la province à l’époque et j’ai vécu au Palais législatif beaucoup de manifestations et d’abus verbaux. En même temps, ça nous a permis de tisser des liens avec d’autres minorités. Par exemple, on a appuyé l’an passé avec une campagne de prélèvements de fonds pour les Ukrainiens, car à l’époque, ils nous avaient beaucoup appuyés.

Crédit image : Dan Harper

Décrivez-nous un peu le portrait de la francophonie manitobaine aujourd’hui?

On a des communautés partout au Manitoba. Le travail de la communauté est de s’assurer que les gens soient engagés à l’extérieur de Winnipeg. La communauté francophone du Manitoba est dans un radius de 90 kilomètres de Winnipeg alors c’est un peu plus simple de faire des choses avec les communautés rurales. C’est une affaire de toute une province. C’est une communauté qui va bien au-delà de Saint-Boniface et de la ville de Winnipeg.

Plusieurs personnes du milieu francophone disent souvent que ce sont parfois les mêmes combats qui reviennent. Est-ce que ç’a été épuisant pour vous?

S’il y a une chose qui est caractéristique des francophones partout au Canada, c’est la persévérance, il ne faut jamais lâcher. Il y a des moments qui sont difficiles, mais on n’a jamais baissé les bras, mais oui c’est frustrant et épuisant parfois. Mais en même temps, quand les gens travaillent ensemble, c’est moins épuisant. On a créé une communauté chez nous et ailleurs où l’on s’appuie assez pour être capable de persévérer.

Daniel Boucher s’est joint à la SFM au début des années 1990. Gracieuseté SFM.

Si vous aviez un message ou un conseil pour votre successeur, quel serait-il?

La collaboration et la concertation sont le meilleur moyen d’avancer. Parfois, on doit être plus dur, parfois, on doit passer des messages difficiles, mais garder l’œil sur la collaboration et la coopération, c’est la meilleure façon de nous faire avancer nos choses et ne jamais perdre de vue que les gens à l’autre bout de la table ne sont pas toujours de mauvaises personnes, mais ils ne comprennent pas nécessairement. J’ajouterais à ça la sensibilisation constante sur nos besoins et notre communauté. Il faut être ouvert, collaborer et être optimiste.

Avez-vous des plans en tête pour votre retraite?

Non pas pour l’instant. Je vais prendre ça tranquillement pour quelque temps. J’ai besoin de vider mon cerveau et de me trouver d’autres choses à faire, mais je ne suis pas inquiet que je vais en trouver. Mais je n’ai pas l’intention de replonger dans des choses communautaires pour quelque temps. J’ai besoin de prendre du recul, mais je suis très sûr que ma retraite va très bien aller. »


1958 : Naissance à Saint-Jean-Baptiste au Manitoba

1991 : Rejoint la Société de la francophonie manitobaine

1994 : Nomination à titre de directeur général de la Société de la francophonie manitobaine

2024 : Annonce son départ à la retraite

Chaque fin de semaine, ONFR rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.