Dans les coulisses de Contact ontarois : le défi des artistes de percer dans la musique
OTTAWA – Contact ontarois (CO) représente un tremplin pour les artistes des arts de la scène franco-ontarienne et de la francophonie canadienne. Pour sa 42e édition, qui se déroulait du 18 au 21 janvier, plus d’un nouveau visage est venu surprendre producteurs et diffuseurs. ONFR+ lève le rideau sur l’expérience de l’industrie musicale.
La formule de CO se résume à des vitrines présentées par des créateurs devant des producteurs et diffuseurs, dans l’espoir potentiel de décrocher des contrats. La programmation diversifiée de cette année a principalement mis de l’avant le travail d’artistes de la scène musicale. Résultat d’un taux beaucoup plus élevé de demandes chez ces derniers, explique Anne Gutknecht, présidente du CA et directrice artistique du Mouvement d’implication francophone d’Orléans (MIFO).
Elle se dit « agréablement surprise par rapport au niveau des artistes de cette année », en plus de remarquer « un gros avancement au niveau des Vitrines Grand public », un des volets de la programmation, qui avait lieu au Centre Shenkman.
Plus d’un nouveau visage figurait parmi la liste exhaustive d’artistes, même si ces derniers n’étaient pas majoritaires. « On est un petit milieu quand même, donc il y a parfois une impression de retrouver les mêmes visages », concède Mme Gutknecht. Parmi eux : Ferline Regis, Léona, Cayenne et Daniel Goghen.
Une première pour plusieurs artistes de scène
Ferline Regis a fait entendre sa voix puissante pour la première fois à CO. Celle qui vit à Ottawa depuis une vingtaine d’années affirme avoir trouvé l’expérience « formidable ».
Cela fait plusieurs années qu’elle rêvait de présenter une vitrine : « Je me rappelle qu’en 2008 j’étais ici en tant que bénévole. Il y avait alors l’artiste haïtien Mikaben, décédé sur scène l’année dernière. Quand je l’ai vu présenter ici, je me suis dit que s’il y a une place pour lui, il y a une place pour moi », se remémore celle qui chante en français et en créole du jazz tout comme du kompa haïtien.
« Mon spectacle parle de diversité, de persévérance et présente aussi des chansons qui ont des thèmes qui encouragent les jeunes à ne pas abandonner et à travailler en communauté. »
Celle qui a reçu une ovation en 2019 à La Voix l’affirme sur scène puis en entrevue : l’industrie musicale n’est pas un milieu facile. « Les portes ne s’ouvrent pas facilement. Il faut être patient, persévérer, ne pas laisser tomber. Quand les portes ne s’ouvrent pas, il faut soi-même se former et ouvrir ses propres portes ».
Léona : « On crée parce qu’on a besoin de le faire »
La chanteuse Léona, de son vrai nom Marie-Claire Cronier, a transporté le public dans un tout autre registre, le soir du 19 janvier. Sous des sons amalgamant yé-yé, garage et psychédélisme, la native de Sudbury, maquillée à la Jane Birkin, était accompagnée d’un full band.
Certains la connaissent peut-être sous son premier nom d’artiste, Marie-Claire et les Hula-Hoops, dont la réception avait été particulièrement bonne tant du côté anglophone que francophone. L’Ontario l’entendait pour la première fois à Ontario Pop, en 2012.
Léona se dit fière de sa première expérience à CO, tout en ayant trouvé le format précipité déstabilisant. « C’est la première fois que je faisais une vitrine. Je fais un spectacle qui s’écoute bien debout. Avec des gens assis, j’ai moins l’habitude. »
Son impression de l’industrie musicale? « Faire de la musique peut être très émotif, et l’industrie, c’est le contraire. C’est une question d’argent. Nous, les artistes, on ne pense pas nécessairement à ça. On crée parce qu’on a besoin de le faire », croit-elle.
Cette dernière souligne l’importance de faire de la musique pour le plaisir. « Même si c’est une question de vitrine, je ne veux pas me mettre trop de pression. Il n’y a jamais rien de perdu, même si je n’ai pas de spectacle », conclut-elle.
Cayenne ou l’art de convaincre les diffuseurs
Cayenne a fait son entrée dans le monde musical en 2019, à la suite de sa sortie de L’École nationale de la chanson. Celle qui est originaire de Baie-Comeau a sorti son premier album en 2022, amalgamant rock, poésie et féminisme sans compromis.
Sur scène, tout comme en entrevue, elle salue son collaborateur Guillaume Ruel grâce à qui son entrée dans l’industrie musicale se déroule au-dessus de ses attentes : « Je me compte tellement chanceuse parce que je sais que les bookers et les tourneurs, c’est une denrée extrêmement rare. Ça m’a vraiment facilité la tâche. »
Lorsqu’elle fait des vitrines, cette dernière tente d’« arriver rodée comme si c’était un show ». « Je me dis que les diffuseurs sont des spectateurs. Si je me mets à dire qu’il faut que je les convainque d’acheter mon spectacle, ça va me stresser puis ça risque de dénaturer le produit », souligne-t-elle.
Somme toute, elle considère avoir apprécié son expérience à CO. « Tout le monde était blood ». Elle enchaîne : « Ce n’est pas dans toutes les vitrines qu’on a la chance de jouer dans de belles grandes salles. »
« Je vais envoyer ma candidature à nouveau et revenir jouer pour vous autres, ça va me faire plaisir! », lance celle qui a réussi à décrocher un contrat futur.
Daniel Goghen a suivi les conseils de Martin Arseneau
L’artiste de country-western originaire de Cocagne Daniel Goghen s’est de son côté tout de suite senti chez lui. « Je vois beaucoup de similarités entre l’Ontario français et le Nouveau-Brunswick. Ce sont des gens sympathiques et accueillants. Je me sens bien parmi vous autres! »
« Moi, mon style c’est du vrai country-western. Je suis conscient que c’est un style de musique qu’il y a du monde qui aime ça, d’autre monde aime moins ça. Pour ceux qui aiment le country, c’est le meilleur show pour eux », concède-t-il.
Sa présence à CO est le résultat d’un prix remporté en 2021 aux Francos-Fêtes d’Acadie. « C’est Martin Arseneau qui me l’avait remis [le prix], il m’a dit : « Je veux que tu fasses la même chose à CO avec full band » ».
Anne Gutknecht met en exergue d’ailleurs le travail acharné de l’équipe organisationnelle de CO. Elle glisse avec émotion que Martin Arsenault, ancien directeur général dont le décès récent a ébranlé la scène culturelle franco-ontarienne, « aurait été vraiment fier » de cette édition.