Crédit Photo; Pascal Vachon

SUDBURY – Il y a une trentaine d’années, Gaston Charest se déplaçait à bord d’un véhicule militaire sur les routes d’Allemagne de l’Ouest ou encore en zone de guerre entre Israël et la Syrie. Aujourd’hui, ce sont les rues de Sudbury que cet ancien soldat sillonne, à bord de son autobus scolaire.

Le tout commence à l’âge de 20 ans alors qu’il décide de joindre l’armée où il commence son entraînement sur les bases de Saint-Jean-sur-Richelieu et Borden, à Barrie, avant de débuter son service à North Bay. En 1989, il est envoyé comme soldat pour l’OTAN en Allemagne, plongé dans un conflit entre l’Allemagne de l’Ouest (occupée par l’OTAN) et l’Allemagne de l’Est (occupée par l’URSS), qui a notamment mené à la chute du Mur de Berlin.

« J’étais chauffeur de métier. Je conduisais des camions de type militaire et des camions cargos. Ma journée en Allemagne consistait à se lever tôt, allez faire un entraînement en gang. Après ça, on se préparait pour notre journée en faisant des exercices ou je conduisais les véhicules. (…) Il fallait être sûr que les Russes ne traversent pas de notre bord », relate celui qui est resté pendant près de trois ans en Allemagne.

Il est ensuite déployé pendant un peu moins d’un an sur le plateau du Golan, un territoire syrien administré par Israël et annexé unilatéralement en 1981 pour les Casques bleus.

« ll y avait des alarmes de bombardements du côté du Liban et de la Syrie sur le territoire d’Israël. Il fallait aller dans des bunkers, car il lançait des missiles pendant un quart d’heure à une heure », se souvient-il.

De retour à North Bay pendant quelques années, il décide de se retirer tout juste avant la guerre en Afghanistan.

« Je me suis porté volontaire pour la Guerre du Golfe et pour la Guerre de Bosnie-Herzégovine à mon retour de Golan, mais il avait déjà tout leur monde. Tandis qu’en Afghanistan, c’était obligatoire, tout le monde devait y aller. Je me suis dit qu’à la place d’y aller et de revenir dans une boîte ou en morceaux, que j’allais prendre ma retraite. Je ne suis pas un des malheureux qui sont revenus mentalement ou physiquement ébranlés, mais je comprends comment les soldats qui reviennent avec des séquelles se sentent. »

Le soldat Gaston Charest à l’époque. Gracieuseté.

Des soldats aux enfants

En 2005, il déménage à Sudbury où il devient à sa propre surprise, chauffeur d’autobus. « Ce n’était pas dans mes plans », ricane M. Charest. « J’étais chauffeur professionnel. Conduire un autobus scolaire était plus bas que moi. Mais j’ai réalisé que j’ai appris beaucoup plus en conduisant un autobus scolaire que durant ma carrière de 25 ans dans l’armée comme chauffeur. Il y a beaucoup d’aspects pour conduire un autobus. »

Si ça peut être difficile à croire, il affirme que c’est beaucoup plus simple de conduire un véhicule militaire avec des soldats qu’avec des enfants.

« Bouger le véhicule, c’est pareil. Les miroirs sont à la même place. J’ai conduit des véhicules plus gros et aussi grands que l’autobus. Alors bouger ce n’était rien, mais conduire avec des petits enfants dans des autobus qui crient et qui n’écoutent pas, ça peut être stressant et tannant des fois et c’est une autre affaire que je n’avais pas dans l’armée. Dans mon camion militaire, c’était tranquille, les soldats dormaient, ça ne faisait pas de bruit. »

Gaston Charest et son autobus scolaire. Crédit image : Pascal Vachon

Pour lui conduire un autobus rempli d’élèves est un monde totalement différent que de se promener en Syrie dans une zone de combat ou de cessez-le-feu.

« Il faut faire attention. On est responsable de toutes ces vies-là », souligne -t-il en pointant vers l’arrière de son véhicule.

« On (les chauffeurs) fait une promesse à chaque parent qu’on va prendre soin de leurs enfants en amenant leurs enfants du point A au point B de manière sécuritaire. »

Que signifie le 11 novembre pour lui?

« Chaque année, si je suis sur la route, on se met sur le bord de la route à 11h11 et j’observe une minute de silence. On peut sortir le soldat du militaire, mais le militaire va toujours rester en dedans de soi. J’ai encore de vieilles habitudes. Quand tu deviens militaire de carrière, tu deviens conditionné à une certaine vie et ç’a été difficile de sortir de ça pour devenir un civil. »