Débat des chefs : tir groupé sur Wynne
TORONTO – Le scandale des centrales au gaz est revenu hanter Kathleen Wynne lors du débat électoral des chefs des principaux partis politiques de l’Ontario, le mardi 3 juin.
FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault
La chef libérale a fait face à feu roulant d’attaques de ses rivaux, le progressiste-conservateur Tim Hudak et la néo-démocrate Andrea Horwath, quant à l’intégrité de son gouvernement.
Les deux leaders de l’opposition sortante à Queen’s Park ont rappelé, dès les premières minutes de l’affrontement, que c’est Mme Wynne qui a elle-même paraphé l’annulation, au coût de 1,1 milliard $, des projets de centrales électriques au gaz à Mississauga et à Oakville dans le but de sauver une poignée de sièges libéraux, peu avant les élections provinciales de 2011.
« Lorsque (l’ancien premier ministre) Dalton McGuinty vous a demandé de signer les documents (annulant les deux projets de centrales), pourquoi n’avez-vous pas dit non », a matraqué M. Hudak, de la même manière que l’ex-premier ministre canadien Brian Mulroney avait désarmé son rival John Turner lors d’un débat électoral, en 1984.
« Vous aviez une chance de vous tenir debout pour les Ontariens. Vous aviez une chance de ne pas signer ces documents », a aussi décoché Mme Horwath dès l’ouverture du débat télédiffusé sur la plupart des grandes chaînes anglophones de la province, à neuf jours des élections du 12 juin.
Sur la défensive, Mme Wynne a dû présenter des excuses au nom de son parti pour avoir « gaspillé » des deniers publics à des fins purement électoralistes. « J’ai amené des changements pour m’assurer qu’une telle situation ne se reproduise pas », a-t-elle insisté.
Le prix de l’énergie
La chef libérale s’est ensuite faite très discrète sur la question de l’énergie, affirmant seulement que « le réseau électrique de l’Ontario est plus fiable aujourd’hui qu’il ne l’était, il y a dix ans ».
M. Hudak est revenu à la charge avec l’affaire des centrales au gaz, laissant entendre que « c’est la raison pour laquelle nos factures d’électricité coûtent plus cher ».
Le chef progressiste-conservateur a aussi rappelé son engagement à mettre fin aux tarifs préférentiels offerts aux petits producteurs d’énergie éolienne et solaire, pour ensuite refiler les économies aux consommateurs.
Mme Horwath est apparue à son meilleur lorsqu’elle a décliné son plan pour mettre de l’ordre dans la filière de l’énergie; c’est-à-dire fusionner quatre des cinq agences provinciales de production et de distribution d’électricité, et retrancher la portion provinciale, soit 8%, de la taxe de vente harmonisée (TVH) des factures d’électricité.
Trahison et sirop Buckley
L’apparente complicité entre M. Hudak et Mme Horwath, dans les premières minutes du débat, s’est quelque peu effritée lorsque le chef progressiste-conservateur a accusé sa rivale néo-démocrate d’être à moitié responsable du bilan libéral parce que son parti a appuyé deux budgets du gouvernement minoritaire sortant. « Vous avez trahi les Ontariens », a-t-il fustigé.
« Vous n’avez rien accompli depuis trois ans et maintenant, vous nous dites qu’avec votre plan mathématiquement erroné, vous allez accomplir quelque-chose », a réfuté Mme Horwath, plus tard dans l’affrontement. « Votre remède n’est certainement pas du (sirop) Buckley. Il goûte mauvais, mais il ne fonctionnera pas ».
Tim Hudak a marqué des points lorsqu’il s’est présenté comme le seul chef de parti « honnête » qui n’a pas peur de dire la vérité toute crue; c’est-à-dire, selon lui, que l’Ontario ne renouera pas avec l’équilibre budgétaire sans se serrer un peu plus la ceinture.
Le chef progressiste-conservateur s’est porté à la défense de son plan pour créer 1 million d’emplois sur huit ans qui, rappelons-le, s’est attiré les foudres de plusieurs économistes influents. Il a aussi réitéré sa promesse de réduire la taille de la fonction publique d’environ 8%, soit 100 000 postes sur quatre ans, « surtout par attrition », dans le but d’équilibrer plus vite le budget.
L’Ontario fait face à un déficit de 12,5 milliards $, soit le plus élevé de toutes les provinces canadiennes.
« Nous allons tout simplement ramener la fonction publique à la taille qu’elle avait en 2009. Franchement, en 2009, je n’ai entendu personne me dire que le gouvernement était trop petit », a fait valoir M. Hudak.
Le leader de l’opposition sortante à Queen’s Park s’est dit prêt à démissionner s’il est porté au pouvoir, le 12 juin, et qu’il n’atteint pas son objectif de création d’emplois d’ici 2022.
« Nous ne pouvons pas revenir en arrière »
Kathleen Wynne a semblé reprendre du poil de la bête, dans la deuxième moitié du débat. « Nous ne pouvons pas revenir en arrière », a-t-elle balancé à M. Hudak, évoquant le bilan mitigé du gouvernement de Mike Harris, dont l’actuel chef progressiste-conservateur a fait partie. « Nous n’avons pas besoin d’un électrochoc (économique) qui nous replongerait dans une récession ».
La chef libérale a aussi bien joué ses cartes sur la question du transport, accusant d’une part Mme Horwath de faire campagne sur un calque du plan libéral, et d’autre part M. Hudak de ne pas soutenir d’importants projets de train léger dans la région de Kitchener-Waterloo et à Ottawa.
M. Hudak n’a effectivement pas dit s’il appuyait, ou non, les deux projets ferroviaires.
Un débat très torontois
Par ailleurs, les enjeux régionaux de l’Ontario ont brillé par leur absence lors de ce débat télévisé de 90 minutes. Outre le futur train léger d’Ottawa, seul le développement minier dans le Cercle de feu, au nord de Thunder Bay, a obtenu une brève mention au cours de l’exercice.
Il faut dire que le format du débat, animé par Steve Paikin, de TVO, n’a pas permis aux trois chefs politiques de s’aventurer beaucoup à l’extérieur de la grande région de Toronto. Les questions, formulées par des électeurs, provenaient toutes d’un rayon d’environ 100 kilomètres de la métropole.