Début du sixième Salon du livre afro-canadien à Ottawa
OTTAWA – La sixième édition du Salon du livre afro-canadien (SLAC) se déroule au collège la Cité, à Ottawa, jusqu’à dimanche. L’organisme organisateur, Mosaïque interculturelle (MI), présente son événement comme un pont entre la communauté franco-ontarienne et ses auteurs d’origine afrodescendante. ONFR s’est entretenu avec la présidente-directrice générale de MI, Nicole Baptiste, et la présidente d’honneur du SLAC, Angèle Bassolé-Ouédraogo.
C’est en constatant le manque de représentation des auteurs afrodescendants dans le circuit régulier des salons du livre que l’équipe de MI a décidé de créer le SLAC, « un espace où les auteurs peuvent présenter leurs produits, où on peut inviter le public à faire connaissance avec eux, pour avoir une plus grande visibilité au niveau du grand public », explique Nicole Baptiste.
L’initiative a porté fruit, puisque les autres salons ont commencé à inviter MI à tenir un kiosque dans leurs événements. L’an dernier, près de 3000 visiteurs se sont rendus au SLAC. Cette année, des centaines de jeunes ont eu accès à des activités littéraires à même les écoles.
La poésie à l’honneur
La sixième édition se déroule sous le thème Nos mots pour le dire. Angèle Bassolé-Ouédraogo explique ce choix : « Ce sont les mots que nous apportons en terre ottavienne et canadienne pour les partager avec nos compatriotes d’ici. L’objectif est de tisser un lien, de bâtir un pont entre nos cultures d’origine afrodescendantes et la culture canadienne et francophone en milieu minoritaire. »
Le thème rappelle un peu le titre du recueil Avec tes mots, qui a valu à Angèle Bassolé-Ouédraogo le prix Trillium de poésie en 2004. C’est justement la poésie qui a été identifiée comme art littéraire à mettre à l’avant cette année. La présidente d’honneur s’en réjouit : « Ça a toujours été ma préoccupation de faire connaître la poésie. Certaines personnes en ont peur, alors que c’est un genre qui rassemble, populaire, expressif. La poésie fait partie de notre quotidien et nous permet d’exprimer votre vécu. »
L’autrice du livre Les porteuses d’Afrique (2007) profitera du SLAC 2023 pour en lancer, en quelque sorte, le petit frère. Les porteuses exilées est son neuvième recueil de poésie. « Maintenant, je parle des porteuses d’Afrique qui sont ici et qui ont un message à transmettre aux jeunes générations. » En poèmes, elle rend hommage à des pionnières méconnues de différents soulèvements populaires, au Ghana ou en Éthiopie, par exemple. « Je parle aussi de femmes d’ici qui, par leur dynamisme, portent cet espoir. L’exil n’est plus un lieu d’enfermement, c’est un lieu d’ouverture. »
L’autrice assure que ce nouveau recueil envoie un message universel. Elle explique que le poème devient porteur de mémoire : « J’ai le privilège de la parole et j’ai le privilège de la plume. Donc, c’est un devoir pour moi de leur rendre hommage pour qu’elles ne restent pas dans le silence. »
Des conversations importantes
Cette invisibilisation des femmes a fait l’objet d’une des premières activités du SLAC jeudi soir, lors de la table ronde Du silence à la parole. Lors de son parcours universitaire, Angèle Bassolé-Ouédraogo s’est rendu compte qu’aucune lecture incluse dans le cursus n’avait été écrite par une femme. C’est ce qui lui a donné l’idée d’écrire sa thèse de doctorat sur ces femmes poètes invisibilisées. L’Ivoirienne Tanella Boni, qui était mentionnée dans sa thèse, était aussi autour de la table pour cette discussion, tout comme les autrices Marie-Célie Agnant et Andrée Lacelle.
D’autres thèmes seront abordés lors des prochains jours, comme la confection d’un album jeunesse ou l’évolution de la poésie. Le SLAC propose aussi plusieurs lancements de livres et entretiens avec des auteurs, en plus d’activités familiales.
L’entrée au site, dans les locaux de la Cité, est fixée à 5 $ pour une journée ou 12 $ pour trois jours. Deux soirées gratuites, de slam et de poésie, sont aussi proposées à la Nouvelle Scène Gilles Desjardins, respectivement vendredi et samedi. « On veut enlever toutes les barrières possibles pour que le public vienne vers nous », explique Nicole Baptiste.
Des délais trouble-fêtes
Plusieurs auteurs invités au SLAC 2023 ont dû annuler leur présence à cause de délais de traitements trop longs dans leur demande de visa de visiteur. Même si leurs démarches ont été faites au mois de mars, ils ne peuvent toujours pas entrer au Canada. C’est le cas d’une délégation de six poètes malgaches qui devaient venir faire découvrir le Kabary, un art oratoire inscrit sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO depuis 2021.
Selon Nicole Baptiste et Angèle Bassolé-Ouédraogo, d’autres festivals canadiens misant sur des invités internationaux ont subi le même sort. En 2022, le Festival international Nuits d’Afrique de Montréal avait dû annuler la présence de sa tête d’affiche nigériane, Yemi Alade.
« Ça nuit aux échanges. Le Canada se positionne à l’international comme un pays ouvert. Il faut permettre aux artistes de circuler. Ça nourrit le pays », s’insurge Angèle Bassolé-Ouédraogo.
Les invités internationaux qui pourront tout de même participer au SLAC sont ceux qui détiennent un passeport français ou canadien, par exemple.
Nicole Baptiste promet de réinviter la délégation malgache pour le SLAC de l’an prochain. En attendant, MI se concentre sur l’édition en cours et sur ces ponts que les organisateurs souhaitent construire. « C’est un message de paix, de fraternité et d’humanisme que nous apportons, et je suis très heureuse de le porter comme présidente d’honneur cette année », conclut Angèle Bassolé-Ouédraogo.