Le français et le taux de bilinguisme au plus bas en 40 ans en Ontario
OTTAWA – D’autres chiffres de Statistique Canada sortis récemment montrent un autre portrait sombre pour la vitalité du français en Ontario et au Canada. En Ontario, le taux de bilinguisme n’a jamais été aussi bas qu’en 40 ans. Idem pour le nombre de personnes disant connaître seulement le français comme langue.
La semaine dernière, Statistique Canada a publié des chiffres issus de la connaissance des deux langues officielles qui permettent de comparer ces données avec tous les recensements effectués depuis 1951. On qualifie la connaissance comme la « capacité d’une personne de soutenir une conversation en français seulement, en anglais seulement, dans les deux langues, ou dans ni l’une ni l’autre ».
Dans la province, 10,8% des Ontariens disent parler le français et l’anglais, ce qui est similaire à la proportion enregistrée en 1981. Les Ontariens disant ne connaître que l’anglais comme langue officielle sont au plus haut depuis 40 ans. Le nombre de Franco-Ontariens disant ne connaître que le français continue sa chute en descendant pour la première fois en deçà de 40 000, pour une proportion de 0,3%.
« Ma crainte principale est qu’on voit qu’y a de moins en moins une masse critique de francophones unilingues en Ontario, ce qui permettrait la transmission et la pérennisation du fait français en Ontario », affirme le doctorant en sociologie à l’Université de Waterloo, Jacob-Legault-Leclair, qui étudie la question statistique de l’immigration francophone.
L’indicateur de la connaissance d’une langue, comme c’est le cas dans ces chiffres de Statistiques Canada, est trompeur, prévient le sociologue. En réalité, ça pourrait être pire, car « cet indicateur-là surestime parfois les compétences en français », ajoute-t-il.
« Est-ce que maintenir une conversation en français, c’est se commander un cheeseburger au McDonald’s ou c’est avoir une conservation comme on a en ce moment? C’est pour ça que j’ai une crainte qu’on considère francophone tous les individus qui disent avoir une connaissance du français. »
Guère mieux au pays et hors Québec
Au Canada, le nombre brut de personnes disant connaître le français est à son plus bas depuis 2001. Aujourd’hui, 4 087 890 Canadiens disent connaître le français alors que c’était légèrement en bas de quatre millions en 2001. La proportion de 11,2% francophones disant pouvoir parler seulement en français, est la plus petite proportion depuis 1951, le dernier recensement où ces données sont publiques.
À aucun moment, le français n’a connu un regain, au niveau proportionnel, démontrent les chiffres de Statistique Canada. Au niveau de la masse critique, on voit un nombre d’anglophones en hausse, mais le contraire pour les francophones.
« Les deux groupes linguistiques (anglophones et francophones) ont des trajectoires opposées. Si les objectifs de Justin Trudeau en matière d’immigration francophone ne sont pas maintenus, ça risque de s’accentuer », note le sociologue Jacob-Legault-Leclair.
Le fédéral veut augmenter massivement l’immigration, soit jusqu’à 500 000 personnes en 2025. La cible de 4,4% de nouveaux arrivants francophones hors Québec a été atteinte pour la première fois l’an dernier, mais celle-ci est désuète selon les organismes francophones qui estiment que 12% de l’immigration régulière devrait être des francophones hors du Québec dès 2024.
Dans les données qui comparent les différents recensements, on peut remarquer que le portrait au Canada est très similaire à celui hors Québec. La connaissance de l’anglais est à son plus fort depuis 1981 tandis que le taux de bilinguisme est à son plus faible depuis cette même année.
« Les francophones hors Québec sont généralement bilingues, mais le nombre absolu des francophones diminue énormément. Si on a moins de francophones, on va avoir moins de personnes bilingues français-anglais. C’est un peu caché par les données sur les langues officielles, mais c’est un fait marquant, mais on a beaucoup plus de bilingues anglais et autres. Par exemple, anglais, punjabi ou anglais mandarin », observe Jacob-Legault-Leclair.