Denis Constantineau, la communauté francophone de Sudbury dans le sang

Denis Constantineau, DG du Centre de santé communautaire du Grand Sudbury. Gracieusté

[LA RENCONTRE D’ONFR]

SUDBURY – Originaire de Sudbury, Denis Constantineau est allé partout dans le milieu communautaire francophone dans la région. En plus d’avoir travaillé au Collège Boréal et à l’Université Laurentienne, il a été président de l’ACFO du Grand Sudbury pendant plus de dix ans et est actuellement directeur général du Centre de santé communautaire du Grand Sudbury. Plus récemment? C’est le dossier postsecondaire qui occupe l’actualité de l’ancien avocat qui milite pour une université francophone dans la ville du Big Nickel.

« Quel est le rôle de la Coalition nord-ontarienne pour une université de langue française, dont vous êtes le porte-parole?

La Coalition est née suite à l’annonce de la Laurentian University de se placer à l’abri des créanciers. Ce sont des représentants de la communauté qui se sont réunis, car on savait que les programmes de langue française étaient à risque. C’est un dossier qui traîne depuis 50 ans. Ça fait longtemps que la communauté reconnaît le besoin d’une université de langue française pour le Moyen-Nord et on s’est dit que c’est le temps de faire avancer ce dossier-là et c’est probablement notre seule et dernière opportunité de le faire.

Selon vous, pourquoi Sudbury devrait-elle avoir une université à 100% francophone?

Parce que l’université à un rôle essentiel dans le développement d’une communauté et ça fait longtemps que les francophones n’ont pas accès à ça. La Laurentian University se dit bilingue, mais ça fait des années qu’elle coupe dans les programmes pour les francophones. On a arrêté d’investir dans des programmes, on a arrêté de remplacer des professeurs et on a arrêté de faire la promotion des programmes. Ensuite, on dit ‘’ah, il y a juste deux étudiants dans ce programme-là, ce n’est pas rentable, on va le couper ’’. On le voit maintenant avec la fermeture de 28 programmes et le départ d’une centaine de professeurs. Au centre de santé, on a des jeunes qui ont travaillé, qui ont fait de la recherche et ils s’en vont.

Cette opportunité d’université de langue française passe-t-elle par l’Université de Sudbury?

Oui, c’est le projet… Personne ne dit qu’on devrait flusher le projet de l’Université de Sudbury et passer à autre chose. Tout le monde est derrière l’Université de Sudbury. C’est sans équivoque.

Vous avez occupé diverses fonctions dans le milieu francophone à Sudbury, qu’est ce qui vous a amené à travailler en français dans la région?

Je suis un chanceux qui a toujours réussi à travailler en français. Après mes études en droit, j’ai pratiqué pendant cinq ans dans un cabinet composé pratiquement seulement de francophones, donc on pratiquait en français. Ensuite, au Collège Boréal et puis au centre de santé, j’ai toujours eu la chance et l’opportunité de travailler en français.

Pourquoi vous estimez-vous chanceux de travailler en français?

Ce ne sont pas tous les francophones qui ont cette opportunité-là. Les francophones sont souvent dans des milieux de travail où ils doivent travailler principalement en anglais. C’est juste la réalité en Ontario et dans le nord de l’Ontario. Alors moi je me rends compte que je suis chanceux de toujours avoir travaillé en français.

Après Boréal et La Laurentienne, vous vous impliquez dans le projet de l’Université de Sudbury. Pourquoi avez-vous à cœur l’éducation postsecondaire en français?

L’éducation de la langue française a toujours été une partie importante de mon histoire. J’ai été la personne qui a soumis la demande à la province pour les excuses du Règlement 17 parce que ma mère a étudié au lendemain du Règlement 17 à Sudbury et j’ai passé ma vie à écouter des histoires de ma mère qui me disait qu’elle partait le vendredi après-midi de l’école chez des gens du village où elle recevait de l’éducation en français.

Le député Glenn Thibeault et la ministre Madeleine Meilleur entourent l’ex-président de l’ACFO de Sudbury, Denis Constantineau, aux côtés de membres de la communauté franco-ontarienne lors des excuses officielles de Queen’s Park pour le Règlement 17, le 22 février 2016. Archives ONFR+

En quoi est-ce que le combat de votre mère a modelé votre parcours par la suite?

Elle a passé sa vie à s’excuser du fait qu’elle écrivait mal en français et qu’elle avait honte de son français. J’ai un frère aîné qui est allé à l’école à une époque où il n’y avait pas beaucoup d’écoles francophones, sauf l’école Sacré-Coeur pour les gens qui pouvaient se le permettre. Moi, j’ai eu l’avantage d’avoir accès au primaire et au secondaire en français. À cette époque-là. Il n’y avait pas de collège et, pour l’universitaire, c’était des institutions bilingues avec La Laurentienne ou l’Université d’Ottawa.

Pourquoi vous êtes-vous impliqué avec l’ACFO du Grand Sudbury durant une dizaine d’années, en tant que président?

À l’époque, il y avait plusieurs dossiers et l’ACFO était l’organisme qui avait la capacité d’intervenir. Un des dossiers était celui des hôpitaux et des services en français (….) Avant Horizon Santé Nord, il y avait trois hôpitaux à Sudbury : deux hôpitaux à Sudbury de langue anglaise et l’hôpital Laurentien qui était bilingue. L’hôpital fonctionnait vraiment dans les deux langues et il était désigné… C’est devenu du jour au lendemain un hôpital de langue anglaise. Ç’a été une perte pour notre communauté.

Quel est l’état des services en français dans le système de santé actuellement à Sudbury?

Au niveau des soins médicaux et traditionnels, ce n’est pas évident. Je le dis souvent : on arrive à l’hôpital en français, mais on y meurt en anglais. Plus on rentre dans le système, plus c’est une spécialité et plus on va moins avoir accès à des services en français. Ça prend une volonté au sein d’une institution pour avoir de l’offre active pour coordonner les services pour que tout soit en français.

Denis Constantineau (à gauche) avec l’actuelle députée de Nickel Belt France Gélinas (à droite). Crédit : Centre de santé communautaire du Grand Sudbury

Selon vous, à quel point la pandémie a-t-elle affecté les services en français?

On le voit maintenant avec la campagne de vaccination et l’accès en français. On n’a pas besoin de mettre sur pied une clinique pour les francophones. On devrait arriver à la clinique et pouvoir identifier un cheminement en français pour pouvoir avoir un service dans sa langue du début jusqu’à la fin. C’est toujours à refaire! Là, c’est avec la COVID-19. La prochaine fois, ça va être avec une autre crise. Ce n’est pas encore un réflexe dans le système de santé d’avoir une offre de service active en français.

Vous êtes arrivés en 2007 au Centre de santé communautaire du Grand Sudbury, est-ce que vous croyez que la situation des services en français s’est améliorée depuis 14 ans?

À certains niveaux, oui. En 2007, on ne parlait pas d’offre active. Il y a vraiment eu un virement à ce niveau-là. On responsabilisait le client à demander pour des services. Mes deux parents sont décédés dans le système de santé à Sudbury. Est-ce que je revendiquais pour des services? Non. Ça ne devrait pas être au client de taper sur la table pour demander un service en français. Ça devrait être aussi facile de rentrer à l’hôpital en anglais qu’en français.

Sudbury est l’une des villes les plus touchées en Ontario et au pays par la crise des opioïdes. Comment améliorer la situation?

Il y a un manque de service au niveau de la santé mentale et au niveau de la toxicomanie. Donc ça accentue la crise à Sudbury. Dire que c’est une crise n’est vraiment pas exagéré. On a besoin d’un centre d’injection supervisée pour que les clients aient accès à un endroit sécuritaire et des services de traitement.

À Sudbury, les opioïdes ont fait plus de décès que la COVID-19. Avez-vous l’impression que la crise n’est pas assez traitée au sérieux?

Le milieu de la santé, les gens qui travaillent dans la santé publique et ceux qui travaillent avec les sans-abris prennent ça au sérieux. C’est vrai que ça n’a pas reçu l’attention ou le montant de financement de la COVID-19, car ça touche tout le monde et car les gens pensent que la crise des opioïdes ne les touche pas. »


LES DATES-CLÉS DE DENIS CONSTANTINEAU

1963 : Naissance à Sudbury

1996 : Devient professeur au Collège Boréal

2007 : « devient directeur général du Centre de santé communautaire du Grand Sudbury

2016 : Pilote le projet de demandes d’excuses officielles pour le Règlement XVII à la province

2021 : Devient porte-parole de la Coalition nord-ontarienne pour une université de langue française

Chaque fin de semaine, ONFR rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.