Départ du haut-fonctionnaire responsable de la Santé en français
TORONTO – Un autre haut fonctionnaire responsable de francophonie, cette fois en matière de santé, quitte ses fonctions en l’espace de quelques mois. Le sous-ministre adjoint Tim Hadwen hérite d’un nouveau poste ailleurs dans le gouvernement. Alors que l’incertitude règne sur la personne qui le remplacera, plusieurs craignent une perte d’expertise en matière de soins en français au moment même où le système de santé traverse une transformation en profondeur.
« Très déçu de voir M. Hadwen partir. Il était de très haut calibre. C’est le genre de personne qu’on avait besoin. Il a été un allié de tous les instants pour la francophonie et on espère qu’il aura un remplaçant », affirme Carol Jolin, président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO). Depuis 2014, le porte-voix des Franco-Ontariens s’est battu corps et âme pour la création de ce poste de sous-ministre adjoint responsable des dossiers francophones.
Chez les acteurs francophones du milieu de la santé, la nouvelle du départ de Tim Hadwen pour un autre poste au sein du gouvernement est accueillie avec beaucoup de tristesse. Le haut-fonctionnaire a fait preuve d’une réelle écoute et de compassion à l’endroit des difficultés vécues par les francophones qui souhaitent obtenir des soins dans leur langue, s’entendent plusieurs intervenants.
En trois ans, il a posé des gestes qui font dorénavant école. Son bilan est extrêmement positif, selon les informations collectées par ONFR+. Il aurait ainsi contribué à donner plus de pouvoir aux entités de planification de santé en français lors du renouvellement du règlement qui les encadre, mais aussi à clarifier les responsabilités des différents acteurs de la santé en matière de services en français grâce à un nouveau guide.
« On perd une personne exceptionnelle. La prochaine personne à ce poste aura de grands souliers à remplir », lance sans hésiter Jacinthe Desaulniers, PDG du Réseau des services de santé en français de l’Est de l’Ontario, l’une des entités de planification.
M. Hadwen a aussi joué un rôle clé pour que le portail OZi, un outil de collecte de données sur la capacité en français des fournisseurs de services de santé, aille de l’avant.
« Il comprenait les enjeux de la francophonie dans le détail et l’importance d’avoir des services de qualité en français. Il était aussi très intelligent et il a tout de suite compris l’importance d’avoir de bonnes données pour planifier et prendre des décisions. Quand on lui a présenté le projet OZi, il avait les yeux brillants et il comprenait le potentiel de notre projet », ajoute Mme Desaulniers.
Une transition difficile à prévoir
Jacinthe Desaulniers craint les conséquences d’une période de transition dans un moment névralgique où le système de santé est en train d’être transformé par le gouvernement Ford. Des décisions sont prises tous les jours et ce haut-fonctionnaire responsable de la santé en français est absolument nécessaire, affirme Mme Desaulniers. « Si on a personne très rapidement, on va reculer », lâche-t-elle.
Crainte partagée par d’autres intervenants du milieu de la santé francophone. « Disons-le : il y a toujours un risque que cette transition provoque des retards ou qu’il y ait une perte d’expertise », indique un intervenant, qui préfère conserver l’anonymat.
« M. Hadwen était un vrai champion. Il était notre porte d’entrée au ministère. Avant son arrivée, on était perdu, on ne savait pas à qui parler. Là, on pouvait lui demander des comptes et une intervention de sa part dans certains dossiers. Il était redevable et il avait le fait français inscrit dans son mandat », affirme une source au courant du dossier.
Aucun chambardement, dit le gouvernement
Le poste de sous-ministre adjoint responsable de la santé en français va-t-il demeurer sous le gouvernement Ford? Certains indices ont d’abord semé le doute dans la communauté francophone. Aucun remplaçant n’était, par exemple, mentionné dans le mémo aux employés du ministère de la Santé, obtenu par ONFR+. Suite à la publication de notre article, le gouvernement Ford a cependant tenu à être rassurant.
« Un nouveau sous-ministre adjoint responsable des services en français sera nommé au cours des prochaines semaines. De manière intérimaire, un directeur de la Division des services communautaires, des services de santé mentale et de lutte contre les dépendances, et des services en français va prendre le relais », a indiqué une porte-parole du ministère de la Santé. Par téléphone, elle a soutenu que la transition n’allait provoquer aucun chambardement. Même si trois personnes occuperont le poste en l’espace de quelques semaines, il est faux de prétendre que cela aura quelconque impact, a indiqué cette porte-parole gouvernementale.
« Le ministère veut continuer de collaborer avec les francophones afin de s’assurer que le plan de l’Ontario pour transformer le système de santé reconnaisse leurs besoins et améliore les services aux Franco-Ontariens », a indiqué le gouvernement dans cette déclaration.
Carol Jolin affirme que ce serait une grave erreur que de faire disparaître le seul poste de haut-fonctionnaire assigné à la santé en français. « Ce poste-là est essentiel. M. Hadwen l’a prouvé. Le poste doit demeurer et on doit nommer quelqu’un le plus rapidement possible. C’est beaucoup d’expertise qui est parti. J’en profite pour les remercier, il y a d’autres personnes de calibre. Il y a une mémoire corporative qui reste, mais il faut avoir un leader qui a de l’influence », affirme-t-il.
Jacinthe Desaulniers a un point similaire. « Il faut quelqu’un qui comprend bien le rôle de la communauté minoritaire. Pas besoin de quelqu’un parfaitement bilingue ou qui parle français, mais il faut absolument cette sensibilité. C’est nécessaire d’avoir un sous-ministre d’expérience et qui a de l’influence auprès de ses collègues », affirme la PDG du Réseau des services de santé en français de l’Est de l’Ontario.
En début d’année, ONFR+ révélait aussi le départ de la sous-ministre adjointe au ministère des Affaires francophones. Kelly Burke avait, elle aussi, été envoyée ailleurs au gouvernement. « Disons que c’est deux gros départs en quelques mois », affirme Carol Jolin.