Des convergences possibles entre François Legault et Doug Ford
TORONTO – L’année 2018 avait commencé avec deux gouvernements libéraux en place à Queen’s Park et à l’Assemblée nationale du Québec. Elle se terminera avec deux gouvernements de droite à la tête de l’Ontario et du Québec. Mais Doug Ford et le premier ministre désigné de la province voisine, François Legault, parviendront-ils à s’entendre?
SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz
En mai 2015, Philippe Couillard était devenu le premier chef du gouvernement québécois à donner un discours à l’Assemblée législative de l’Ontario depuis 50 ans.
Le contexte était à l’harmonie puisque l’Ontario venait alors de rejoindre le système de plafonnement et d’échange de crédits du carbone, communément appelé « cap and trade ». Un accord dont l’Ontario s’est retiré une fois l’arrivée de Doug Ford au pouvoir en juin dernier.
« Il y a de bonnes chances que M. Legault et M. Ford s’entendent plutôt bien », croit la politologue de l’Université d’Ottawa, Geneviève Tellier. « Ils ont tous les deux un discours basé sur les emplois bien payés tout en améliorant le système de santé. Ils pensent tous les deux qu’il faut moins d’État, et faire mieux avec ce que l’on a. »
Autre point sur lequel les deux premiers ministres accorderaient leur violon : la gestion de l’offre. « Ils sont tous les deux inquiets du nouvel accord de libre-échange signé entre le Canada et États-Unis. On peut même penser que sur ce dossier, François Legault va plus pousser tandis que Doug Ford, qui est pris avec les intérêts des industries automobiles, va être plus prudent. »
Sans parler de bromance, les chefs de la Coalition avenir Québec (CAQ) et du Parti progressiste-conservateur de l’Ontario pourraient bien s’entendre dans le style. « Doug Ford est toujours sensible aux gens qui pensent comme lui », illustre Mme Tellier. « Ce sont deux hommes qui se ressemblent dans le sens où ils ne cherchent pas naturellement la collaboration avec les autres. »
Stewart Kiff, président de Solstice Affaires publiques, une compagnie de lobbying qui travaille à Queen’s Park, a aussi analysé les résultats de lundi soir marqués par un raz-de-marée caquiste un peu partout au Québec. « Il est intéressant de voir que les deux partis ont en commun d’avoir remporté beaucoup de voix en banlieue et dans les zones rurales. »
« Félicitations »
Lundi soir, Doug Ford avait envoyé ses vœux de félicitations au premier ministre désigné via Twitter.
« Je viens de parler au premier ministre désigné du Québec, François Legault, pour le féliciter de sa victoire. J’ai hâte de travailler avec le Québec afin d’améliorer la vie de tous les Canadiens et de continuer à renforcer les relations historiques entre nos provinces. Félicitations! », avait écrit M. Ford. Fait rare chez le premier ministre peu enclin à gazouiller en français, le mot « Félicitations » était écrit dans la langue de Molière.
« Il y a de très bonnes chances pour qu’ils s’entendent », croit Stewart Kiff. « Historiquement, les Ontariens et les Québécois font front commun contre le gouvernement fédéral. On l’avait vu même, par exemple, entre le gouvernement libéral de Dalton McGuinty et celui péquiste de Pauline Marois. »
Divergences sur l’environnement
Reste que des lignes de démarcation existent bel et bien entre les deux hommes. À commencer par l’environnement. « M. Legault ne veut pas abolir le marché du carbone », estime Mme Tellier. « Le premier ministre désigné ne combattra donc pas avec l’Ontario et la Saskatchewan dans sa contestation de la taxe fédérale sur le carbone devant les tribunaux. »
Pour la politologue de l’Université d’Ottawa, cette ouverture aux questions environnementales de M. Legault prend sa source dans un conservatisme plus modéré. « C’est un conservatisme qui est en fait ramené vers le centre que propose M. Legault. Ce n’est pas du tout la même chose, par exemple, que ce qui est présenté par les partis conservateurs dans l’Ouest du Canada. »
Mais l’écart des familles conservatrices entre les deux provinces reste profond, selon M. Kiff. « Le PC de l’Ontario et la CAQ ont de fortes différences. Entre les intérêts des anglophones et allophones de l’Ontario, et les francophones du Québec, c’est très différent culturellement. »