Le centre de jour inclut des services aux adultes francophones aux besoins spéciaux avec le P'tit Bonheur, mais aussi des programmes pour les jeunes et les aînés francophones. Source : Compte Facebook de Patro Ottawa

OTTAWA – Le Centre de jour le P’tit Bonheur de Patro d’Ottawa, seul centre communautaire francophone de loisirs en son genre, pourrait bien fermer ses portes dès le 8 janvier 2024, suite à la décision de la Ville d’Ottawa de couper le financement de ses programmes, dont des centaines de jeunes, adultes et aînés francophones bénéficient. Le porte-parole du Patro d’Ottawa et avocat Stéphane Émard-Chabot explique à ONFR les tenants et aboutissants du dossier et les nouvelles discussions amorcées avec la Ville depuis ce vendredi.

Dans une lettre ouverte envoyée aujourd’hui, Karina Potvin, la présidente du conseil d’administration du Patro d’Ottawa, exprime son désarroi : « Nous savons à quel point ces programmes sont essentiels pour la communauté – particulièrement vulnérable – de la Basse-Ville et à quel point de nombreuses familles en ressentiront les effets. »

« Nous sommes profondément affligés qu’un pilier des services francophones à Ottawa soit possiblement appelé à disparaitre parce que la Ville met en œuvre des mesures qui viennent étouffer l’organisme. »

Son porte-parole, Stéphane Émard-Chabot, nous explique que le partenariat entre la Ville et du Patro d’Ottawa remonte à 1973, soit 50 ans, date de création du centre communautaire. Depuis, la municipalité fournit un financement annuel pour les services récréatifs aux francophones, dont le P’tit Bonheur pour les adultes aux besoins spéciaux.

Selon lui, si la pandémie a affecté les finances du centre, du fait de la suspension de ses activités et sources de revenus, en automne 2022, le Patro d’Ottawa a mis en place un plan de relance de ses services à ses frais, en accord avec Ottawa, et répondant aux exigences de la Ville, avec notamment un partenariat avec Montfort-Renaissance.

« Or, le 21 juillet dernier, nous recevons une communication de la Ville nous accusant à tort de vendre l’immeuble à Montfort-Renaissance – ce qui était absolument faux – et mettant fin au contrat de 1973, impliquant le retrait de la gestion du centre et une perte d’une partie des locaux. La relation avec la ville se détériore sans qu’on en comprenne les raisons », déplore celui-ci.

Autre dénouement inattendu, il raconte la réception début novembre d’un courriel de la Ville d’Ottawa suspendant le financement du troisième trimestre de l’enveloppe annuelle.

Pour le centre communautaire, c’est l’effarement : « La Ville est en train d’étouffer cette institution francophone, la seule dans son genre dans la capitale. S’ils souhaitent préserver les services comme des conseillers municipaux le prétendent, pourquoi nous ont-ils coupé les fonds? », commente Stéphane Émard-Chabot.

Une lueur d’espoir

« Sans aucune source de revenus, le centre ne peut plus fournir ses services et le personnel a été mis à pied. Nos options sont limitées dans ce contexte-là », déclare-t-il, expliquant que les ressources dont le Patro d’Ottawa dispose leur permettent d’assurer les services jusqu’au 8 janvier 2024.

Selon lui, la Ville semble cependant réagir depuis les protestations des familles qui se plaignent de perdre un service essentiel à la communauté francophone.

Ce vendredi matin, une première rencontre a eu lieu avec un chef de projet de la ville, nouveau sur ce dossier. Des engagements à continuer le dialogue ont été pris, sans plus de développement à l’heure actuelle.

Stéphane Émard-Chabot, mettant en perspective le contexte historique de 1966 de la Ville d’Ottawa qui prend alors la décision « d’exproprier et de raser tout l’est de la basse-ville d’Ottawa, à majorité francophone », raconte que du Patro d’Ottawa, dont on a supprimé la piscine, les patinoires et le bâtiment principal, avait alors déjà été sauvé une fois grâce à la mobilisation de la communauté francophone en 1972.

« Les conditions posées par la Ville pour sa survie consistaient en la reconstruction d’un centre communautaire et en sa gestion assurée par l’organisme pour les francophones. Or, c’est ce qui est de nouveau menacé 50 ans plus tard », conclut-il.

« Nous sommes tout simplement dégoûtés des demi-vérités, voire des mensonges éhontés véhiculés par la Ville d’Ottawa, récemment dans les médias, pour justifier ses actions », s’est indignée la présidente Katrina Potvin dans sa lettre ouverte.

« Est-il utopique d’espérer que la Ville reviendra sur ses positions et confirmera son réel intérêt et son engagement tangible envers la francophonie et à l’égard de l’ensemble de la collectivité de la Basse-Ville? », a-t-elle questionné.

Le lundi matin suivant, la Ville d’Ottawa nous a envoyé une réponse, présentant sa version des faits : « La Ville fournit du financement annuel au Patro afin qu’il puisse assurer la prestation de programmes récréatifs, qui comprend P’tit Bonheur, dans le cadre d’une entente contractuelle. Le Patro d’Ottawa a déjà reçu un financement de la Ville de 148 831 $ en 2023. Un versement de 48 321 $ pour le dernier trimestre de 2023 est en attente.

Au cours de la dernière année, le Patro a fait l’objet d’un important examen stratégique et a annulé certains de ses programmes à l’automne. Le paiement du dernier versement est donc en attente de la confirmation des programmes qui ont été offerts cet automne. 

Le Patro d’Ottawa a également fait savoir qu’il avait l’intention d’intégrer ses services à ceux d’un autre organisme communautaire. Le financement municipal pour les programmes de loisirs communautaires de 2024 offerts au 40, rue Cobourg est disponible, mais nécessitera des explications quant au rôle, à l’orientation et à l’offre de programmes du Patro à l’avenir. »