Discours de l’ambassadeur chinois : l’U d’O a « fait une erreur », reproche Trudeau
OTTAWA – La décision de l’Université d’Ottawa (U d’O) de ne pas allouer la prise d’images lors d’une allocution de l’ambassadeur chinois au Canada dans ses locaux lundi est une erreur, a critiqué Justin Trudeau. De son côté, l’Université d’Ottawa qualifie l’incident de regrettable, mais répond qu’elle tâchera « d’être plus claire », à l’avenir avec ses conférenciers.
« Ils ont fait une erreur de bannir les caméras au Canada », a lâché Justin Trudeau quelques minutes avant de faire son entrée à la période des questions.
Lundi, l’ambassadeur de Chine au Canada, Cong Peiwu, a prononcé un discours à l’Université d’Ottawa où il critiquait notamment la nouvelle stratégie indopacifique du Canada qui a été annoncée dimanche par le gouvernement Trudeau. À la demande de M. Peiwu, un responsable de l’établissement a interdit aux caméramans et photographes de divers médias de prendre des images, pourtant acceptées au préalable.
« On ouvre surtout à des gens qui ont un profil public. Les médias doivent avoir accès à ça », a ajouté le premier ministre.
Les rideaux de la salle ont aussi été baissés pour éviter que l’on puisse voir l’ambassadeur alors que se déroulait une manifestation dénonçant le traitement du peuple ouïghour en Chine à l’extérieur de l’édifice.
« C’est quelque chose qui soulève des inquiétudes pour moi (…). Dans une démocratie comme la nôtre, la transparence est quelque chose d’important », s’est exprimé de son côté le chef néo-démocrate Jagmeet Singh.
Le Parti conservateur qualifie la décision de l’université de malheureuse, mais refuse de pointer du doigt l’U d’O. L’opposition officielle demande à Ottawa de convoquer Cong Peiwu.
« Il faudrait l’interpeller et lui dire ‘’écouter, on ne peut pas faire ça chez nous ici, on est au Canada’’(…) On ne peut pas accepter ça. Lorsque le gouvernement dit dans sa plateforme indopacifique qu’il faut avoir un langage plus fort, je m’attends à ce qu’il y ait une réaction forte auprès du gouvernement chinois et de l’ambassadeur », soutient son député et lieutenant québécois Pierre Paul-Hus.
Aucun préavis donné
Cela relance le débat de l’influence de la Chine auprès des institutions canadiennes, notamment au niveau postsecondaire.
« Ça démontre clairement, c’est quoi une forme d’ingérence dans nos institutions », évoque Pierre Paul-Hus.
« On le sait déjà qu’il y a des opérations qui se font auprès des jeunes dans les campus universitaires et là à une conférence publique, on demande à l’université de fermer la porte aux journalistes. C’est une preuve flagrante du problème qu’on a », renchérit-il.
C’est à l’invitation de l’institution bilingue que Cong Peiwu s’est présenté à cette conférence en anglais intitulée La Chine et le monde : développement, commerce et gouvernance au XXIe siècle. Les invités étaient aussi invités à un cocktail de réseautage après l’événement. Dans une déclaration écrite, l’U d’O a refusé d’indiquer si elle avait commis un faux pas, mais avance que « le refus d’un conférencier de permettre les caméras met en péril l’événement sans préavis ».
« L’Université s’est cependant assurée dans les circonstances que les journalistes aient autrement accès à l’événement. Afin d’assurer que cette situation regrettable ne se reproduise plus, l’Université tâchera à l’avenir d’être plus claire avec ses conférenciers avant la tenue des événements sur la présence possible des médias électroniques », indique un porte-parole de l’établissement ottavien.
Cet événement survient après que le réseau Global News ait révélé dans les dernières semaines des ingérences chinoises au sein du système électoral canadien alors que 11 élus provinciaux et fédéraux auraient reçu de l’argent de la part de Pékin.
Le chef du Bloc québécois Yves-François Blanchet n’a pas mâché ses mots concernant l’établissement universitaire qu’il a souvent critiqué par le passé, notamment dans le dossier de la liberté d’expression.
« Si vous cherchez un endroit où aller défier la liberté d’expression, la liberté d’enseignement ou la liberté de la presse, allez à l’Université d’Ottawa… Ça me semble indigne d’une institution censée jouer un rôle fort au sein d’une jeunesse. Si un de mes enfants disait ‘’Ça me tente d’aller à l’Université d’Ottawa’’, je lui dirais : ‘’As-tu un Plan B s’il te plait’’. »