Doug Ford et la guerre contre le coronavirus
[ANALYSE]
TORONTO – En janvier dernier, le monde entier apprenait l’existence du terme « coronavirus ». Il y a quelques jours, le déploiement rapide et insidieux de l’épidémie obligeait à considérer ce coronavirus comme une menace considérable. Une situation que très peu de décideurs avaient vu venir. Le gouvernement ontarien n’échappe pas à la règle.
La situation est grave. Le 15 mars, l’Ontario comptait environ 150 cas de COVID-19 sur son territoire. Une semaine plus tard, 413 personnes font face à la maladie. Ce chiffre, sensiblement le même en Colombie-Britannique, est bien supérieur à celui du Québec (selon les chiffres publiés par le gouvernement canadien dimanche à 18h).
L’Ontario n’est pas sorti de l’auberge, tant le pic épidémique dont parlent les médecins est loin d’être atteint. Une étude récente publiée par des épidémiologistes de Toronto affirme que la province pourrait même manquer de lits de soins intensifs et être en pénurie de ventilateurs d’ici la fin avril.
Évidemment, l’Ontario reste la province la plus populeuse du Canada. Logique donc que le territoire soit numériquement plus exposé, d’autant que le flux des voyageurs internationaux est immense à Toronto. Il n’est pas un hasard que la majorité des ontariens infectés résident dans la Ville reine ou aux alentours.
Deux opinions sur la réaction de Ford
Au vu de cette crise sanitaire sans précédent, les projecteurs se sont braqués naturellement sur le premier ministre, Doug Ford. Deux observations à cet égard. L’une positive voulant que le chef conservateur ait réagi en temps voulu. Le 12 mars, le gouvernement annonçait la fermeture des écoles. Cinq jours plus tard, il décrétait l’état d’urgence. Des décisions en adéquation avec la gravité de la crise.
Souvent comparé au président américain Donald Trump pour son style rugueux et populiste, Doug Ford n’avait cette fois rien à voir avec le locataire de la Maison Blanche.
À aucun moment, le premier ministre n’a eu une phrase de déni quant à l’ampleur de la crise. Le ton des dernières conférences de presse sur la COVID-19 était grave et rassembleur, bien loin des flèches et des diatribes de la campagne électorale de 2018.
Mais une deuxième analyse s’impose, pour beaucoup d’observateurs : depuis le début de la crise, Doug Ford n’est tout de même pas à la hauteur de son homologue québécois, François Legault.
Un fait : dans la forme, l’Ontario a eu du retard à l’allumage. Tandis que le Québec lançait lundi dernier une conférence quotidienne consacrée à la crise, Doug Ford tenait dans le même temps un point presse… sur l’économie.
Le tir a été corrigé le lendemain avec l’annonce de l’état d’urgence, mais s’en dégage depuis l’impression de conférences de presse beaucoup moins ouvertes qu’au Québec, là où le directeur national de la Santé publique, le Dr Horacio Arruda, impressionne.
Le défi de s’adapter à un « nouveau monde »?
Toujours est-il que cette crise sanitaire bouscule les idéologies, et bouleverse la donne politique. Doug Ford, favorable aux baisses d’impôts et assainir les dépenses d’état, changera-t-il son fusil d’épaule devant la parole scientifique inquiète du manque de ressources pour les hôpitaux et les médecins des pays occidentaux?
Dans sa capacité à rassurer les Ontariens, et à s’adapter à la réalité du « nouveau monde » qui émergera de cette crise, le premier ministre joue une grande partie de sa carrière politique. L’histoire a pris rendez-vous avec M. Ford. La santé et la vie de milliers d’Ontariens dépend de la capacité d’action du chef conservateur.
Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 23 mars.