Duel au sommet à la tête de l’AFO
RICHMOND HILL – Pour la première fois depuis 2010, les membres de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) choisiront, ce dimanche, leur président par un vote. Élu par acclamation il y a deux ans, Carol Jolin n’avait pas eu alors à sortir les pancartes. Cette année, Pablo Mhanna-Sandoval se présente contre lui.
SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz
« Pas d’élection à la tête de l’AFO, c’est malsain, et antidémocratique », résume l’opposant de Carol Jolin. À 18 ans, M. Mhanna-Sandoval n’a rien à perdre. Et il ne compte d’ailleurs pas faire de son âge un obstacle. « C’est vrai que j’ai été sur cette Terre moins longtemps que beaucoup. Mais mon but est de démystifier ou de tenter de faire comprendre, cette fin de semaine, les réserves que les électeurs peuvent avoir à propos de mon âge. »
Les électeurs, ce sont avant tout le noyau des militants franco-ontariens présents pour les quatre jours du traditionnel Congrès annuel de l’AFO. Un événement autant de réseautage que propice à l’assemblée générale de l’organisme porte-parole des Franco-Ontariens.
Dans l’hôtel Sheraton Parkway de Richmond Hill dans la banlieue de Toronto, lieu de l’événement, M. Mhanna-Sandoval prépare déjà ses munitions. « On voit, par exemple, que le gouvernement précédent était un bon partenaire pour la majorité des dossiers francophones. L’AFO a selon moi fait preuve de surprudence et de timidité dans ses demandes, au risque de dévaluer nos valeurs. »
C’est d’ailleurs la première fois que l’AFO, née à la fin de 2005, doit collaborer avec le gouvernement progressiste-conservateur. Un changement de couleur à Queen’s Park qui inquiète M. Mhanna-Sandoval. « Surtout avec ce gouvernement, il faut une nouvelle impulsion, être audacieux et ferme. »
Élu président de la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO) l’an passé, M. Mhanna-Sandoval s’était immédiatement distingué par sa capacité à occuper l’avant-scène. Le 31 mai de la même année, il s’était fait connaître un peu plus de la communauté franco-ontarienne par sa présence majeure lors de la marche d’Ottawa bilingue.
Aujourd’hui étudiant en première année à l’Université Carleton, le désormais ex-président de la FESFO se dit prêt à concilier les études et la présidence. « J’ai réussi à être à la fois président d’un organisme, très impliqué dans la vie communautaire, mon engagement familial, tout en maintenant une moyenne de 95 %. »
Le combat ne sera pourtant pas facile. Carol Jolin n’a pas fait de vagues durant ses deux années de mandat. On pourrait même croire que les derniers mois du gouvernement libéral à Queen’s Park, marqués par le feu vert pour l’Université de l’Ontario français (UOF) et la reconnaissance du bilinguisme à la Ville d’Ottawa, donnent un crédit supplémentaire à sa candidature.
« Si je suis réélu, ce sera un mandat de continuité », laisse entendre M. Jolin. « Nous avons sorti quatre Livres blancs, nous nous apprêtons à sortir le cinquième prochainement sur le vieillissement. »
Ancien président de l’Association des enseignantes et enseignants franco-ontariens (AEFO) de 2012 à 2016, M. Jolin, bien que résident d’Orléans, se décrit comme un familier des couloirs de Queen’s Park. « Ça fait une dizaine d’années que je suis impliqué. J’ai des relations développées avec beaucoup d’élus progressistes-conservateurs, que je connaissais déjà quand ils étaient dans l’opposition. »
Représentation et inclusivité
Pour convaincre la centaine d’organismes et la trentaine de membres institutionnels (hôpitaux, caisses populaires, conseils scolaires) de voter en leur faveur, les deux candidats devront rivaliser d’arguments sur le thème de l’inclusivité. Tous les deux ont la même expression pour matérialiser leur approche en la matière. « Il faut aller de bas en haut. »
Comme ses prédécesseurs, Mariette Carrier-Fraser, puis Denis Vaillancourt, Carol Jolin n’a pas réussi à éteindre la grogne des minorités ethnoculturelles francophones à l’encontre de l’AFO. À plusieurs reprises, l’Union Provinciale des Minorités Raciales Ethnoculturelles Francophone de l’Ontario (UP-MREF) a dénoncé l’incapacité de l’organisme à les représenter. « Nous les avons consultés et avons organisé des tables rondes avec eux. L’énergie de les écouter a toujours été là », se défend M. Jolin.
M. Mhanna-Sandoval aimerait aussi voir la jeunesse davantage représentée à l’AFO. « Nous avons une représentation jeunesse sur le conseil d’administration de l’AFO, mais le prix de 700 $ par personne pour participer au Congrès reste tout un défi pour un jeune. Le simple fait d’avoir un jeune à la présidence d’un organisme serait très important. »
Le président sortant affirme avoir toujours travaillé « en étroite collaboration » avec le Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO) et la FESFO. « Ils font partie intégrante de nos membres. »
Université de l’Ontario français et LSF
Le futur président de l’AFO devra en tout cas s’atteler à deux dossiers majeurs. L’Université de l’Ontario français et la refonte de la Loi sur les services en français (LSF).
Dans le premier cas, les deux prétendants accordent leur violon. La promesse des progressistes-conservateurs de bâtir l’institution doit s’accompagner d’actes. « Si on se rend compte qu’il y a un ralentissement, on mettra la pression », insiste M. Jolin. « Il faut rester ferme », croit M. Mhanna-Sandoval.
La méthode diffère quelque peu quant à la LSF. Promise par le gouvernement libéral en novembre 2016, la refonte traîne depuis. « On va continuer à talonner le gouvernement progressiste-conservateur et le questionner », assure M. Jolin. « Il est temps d’utiliser les conclusions du rapport de l’Association des juristes d’expression française de l’Ontario (AJEFO) pour la modernisation la LSF. C’est sûrement sur un bureau quelque part », plaide son opposant.