École Greenwood : la patience des Franco-Torontois à rude épreuve

L'ancien bâtiment de l'école secondaire anglophone Greenwood à l'angle des avenues Mountjoy et Ladysmith. Crédit image: Rudy Chabannes

TORONTO – Les travaux de rénovation de l’établissement de l’Est torontois, future quatrième école secondaire publique de langue française de la ville, n’ont toujours pas débuté. Et pour cause : les formalités de rachat auprès du ministère de l’Éducation progressent au ralenti, hypothéquant sérieusement la rentrée initialement prévue en 2021.

Une enveloppe provinciale de 16 millions de dollars est sur la table depuis deux ans, afin d’ouvrir une école d’une capacité de 500 élèves dans cette partie de la ville. Prioritaire sur ce dossier, le conseil scolaire Viamonde, a jeté son dévolu sur la rénovation de l’austère bloc de béton des années 1970 délaissé par le conseil scolaire anglophone, le Toronto District School Board (TDSB).

Le projet de modernisation des trois niveaux prévoit l’aménagement de salles de classe et de laboratoires modernes, d’une cafétéria convertible en salle de spectacle, d’un gymnase, ainsi que l’ajout d’un terrain de jeu sur le toit de l’édifice. La location du parc municipal Felstead doit par ailleurs palier le manque de place extérieur pour les activités physiques des élèves.

Les plans initiaux du conseil scolaire Viamonde : vue extérieure, gymnase, cafétéria convertible et toit. Source : chaîne YouTube CS Viamonde

Ce projet passe, avant tout, par le rachat du bâtiment au TDSB. Initiées en mars dernier, les formalités de transaction avancent difficilement, a-t-on appris auprès du ministère de l’Éducation qui étudie la demande de Viamonde déposée en mai.

« Le financement alloué est toujours valide, nous examinons la demande », rassure la porte-parole du ministère, indiquant continuer de collaborer avec le conseil scolaire de langue française.

« Nous fournissons un soutien pour établir des étapes clés et veiller à ce que le budget fixé soit respecté », précise-t-elle. 

« Les choses bougent lentement en matière d’immobilisation », relativise sa directrice des communications et du marketing, Claire Francoeur. « On se croise les doigts que 2020 nous amène de bonnes nouvelles ».

Le ministère nous a fait savoir que le dossier était maintenant complet. Le gouvernement ne précise pas quand une décision sera rendue dans ce dossier.

Le conseil espérait des développements à l’automne 2019, mais aucun accord d’achat n’a été scellé à temps. 

Claire Francoeur, directrice des communications au conseil scolaire Viamonde. Crédit image : Rudy Chabannes

Le TDSB a présenté sa proposition de vente il y a tout juste un an, le 7 janvier 2019. Selon le règlement en vigueur, les organismes publics qui reçoivent la proposition doivent soumettre une manifestation d’intérêt à l’égard de la propriété dans un délai de 90 jours et soumettre une offre dans un délai additionnel de 90 jours.

Le conseil scolaire a réalisé sa demande dans les temps. L’achoppement se situerait plutôt dans l’estimation budgétaire du rachat. Le ministère planche plus particulièrement sur deux données fournies par le conseil scolaire : l’analyse justifiant l’achat de l’école et l’évaluation indépendante de la valeur marchande.

Des parents dans l’expectative

Ce ping-pong administratif entre Viamonde et le ministère fait craindre aux parents un report de la rentrée prévue en 2021, dans une partie de la ville – les quartiers des Beaches, Danforth, Leslieville – où l’absence d’offre scolaire secondaire en langue française est vécue comme un accélérateur d’assimilation.

Trois écoles élémentaires – scolarisant au total un millier d’élèves – se situent dans le périmètre du futur établissement secondaire. Les élèves actuellement en cinquième année pourront-ils s’inscrire au secondaire à la rentrée 2021, une fois leur cursus élémentaire achevé? La question se pose.

Le temps est compté, d’autant qu’une fois le rachat finalisé, il restera au conseil scolaire à entreprendre d’importants travaux de rénovation et à nouer un partenariat avec la Ville de Toronto pour l’utilisation du parc Felstead, situé de l’autre côté de l’avenue Mountjoy.

Cette entente n’est pas conclue, selon Mme Francoeur : « Nous ne sommes pas propriétaires du terrain. Nous ne pouvons ratifier d’entente formelle. »

L’Est torontois comprend trois écoles élémentaires francophones mais aucune école secondaire. Source : Coalition PESQ

Mais les parents d’élèves préviennent : ils ne veulent pas n’importe quelle école.

« Nous continuons à revendiquer une école secondaire qui est équivalente à celles des anglophones de notre quartier », maintient Lianne Doucet, représentant la Coalition de parents pour une école secondaire de quartier (PESQ). « La proposition de Viamonde à Greenwood n’est toujours pas équivalente. »

La coalition a présenté quatre projets alternatifs en avril 2018, tous écartés par Viamonde pour qui Greenwood demeure la meilleure option.

« Le pire bâtiment d’école secondaire ou intermédiaire du TDSB dans la collectivité Est », opposent les parents qui réclament l’application de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés.

« La province a l’obligation de nous fournir une école équivalente. »

Une requête constitutionnelle déposée en Cour supérieure à l’encontre de la province, en juin 2017, reste sans suite pour l’heure.

« Si cela peut se régler sans passer par les tribunaux, ce serait notre préférence », convient Me Nicolas Rouleau, l’avocat de la coalition. « Toutefois, à ce stade, les délais commencent à s’éterniser et il faudra sans doute commencer à bouger plus vite. »

Aucun accord n’est encore conclu avec la Ville pour l’utilisation du parc Felstead. Crédit image : Rudy Chabannes

Une décennie d’atermoiements

  • Juin 2011 : le commissaire aux services en français de l’Ontario identifie dans son rapport annuel un besoin pressant d’écoles secondaires dans l’Est de la ville.
  • Mars 2014 : une pétition de 1 500 signatures est déposée à l’Assemblée législative de l’Ontario, en mars, novembre et décembre de la même année.
  • Juin 2016 : dans un nouveau rapport, le commissaire aux services en français réaffirme l’urgence du dossier.
  • Juin 2017 : la coalition PESQ dépose une requête constitutionnelle contre la province pour atteinte aux droits linguistiques.
  • Novembre 2017 : le conseil scolaire dévoile ses plans de réaménagement de l’école Greenwood.
  • Décembre 2017 : la coalition conteste le projet jugé non équivalent aux installations anglophones, et réclame plusieurs ajouts : un auditorium, une cafétéria séparée, un usage exclusif du parc Feldstead et un accès piéton sécurisé le reliant à l’école.
  • Janvier 2018 : la province débloque 16M$ pour l’ouverture d’une école secondaire dans l’Est torontois.
  • Avril 2018 : la coalition présente quatre sites alternatifs à Greenwood au cours d’une réunion publique.
  • Janvier 2019 : le Toronto District School Board (TDSB) met l’école en vente.
  • Février 2019 : le conseil scolaire catholique MonAvenir manifeste son intention d’achat, talonné, le mois suivant, par Viamonde.
  • Mai 2019 : le conseil scolaire dépose une demande d’achat.
  • Janvier 2020 : la transaction n’est toujours pas bouclée à ce jour.
  • Septembre 2021 : première rentrée des classes espérée.