Élections Ontario : bannir les sondages, une solution contre l’abstention?

Élections Ontario
Élections Ontario souhaite enrayer la baisse de la participation électorale en Ontario. Crédit image: Sandra Padovani

TORONTO – Élections Ontario a publié son rapport d’évaluation revenant sur l’élection provinciale de 2022. Avec un taux de participation de 44 %, le plus bas de l’histoire de la province, le directeur général des élections appelle le gouvernement à des modifications législatives, dont l’interdiction des sondages, deux semaines avant une élection, qui impacteraient négativement la participation et l’orientation. Une direction qui pourrait poser problème à un certain type d’électeurs selon le politologue Peter Graefe qui décrypte quelques mesures proposées.

En tant qu’organe apolitique indépendant, Élections Ontario publie des recommandations chaque année. Ce rapport, qui revient également sur les quatre années précédant l’élection provinciale du 2 juin 2022, a été déposé en chambre le 30 mars, pour lecture à Queen’s Park en vue d’un potentiel projet de loi.

Greg Essensa, le directeur général des élections, y qualifie d’« épidémie qui afflige les démocraties du monde entier », « le déclin de la mobilisation et de la participation des électeurs ».

« L’Ontario n’a pas été épargné par cette tendance, 44 % des Ontariens ayant exprimé leur suffrage lors de la dernière élection, soit le taux de participation le plus faible de l’histoire de la province. »

Le rapport soutient, comme mesure phare, l’interdiction de la publication de sondages politiques indiquant la cote de popularité des partis, deux semaines avant le jour du scrutin.

Parmi les arguments principaux avancés par M. Essensa pour soutenir cette recommandation, il y a d’abord la démotivation des électeurs que les sondages peuvent engendrer, soit affecter leur participation et augmenter les taux d’abstention, et également l’influence sur l’orientation politique en modifiant leur choix initial.

D’après les sondages d’opinion menés pour Élections Ontario, « les électeurs qui se sont abstenus ont invoqué cinq raisons, dont trois constituent des « motifs politiques », décrit le rapport, sur la dernière élection provinciale, pour laquelle en moyenne de 2,5 sondages par jour étaient publiés sur les quinze jours précédents le vote.

« Outre le contexte, ce qui a éclairé ces recommandations sont les données compilées via nos sondages, les commentaires du public, les observations des directeurs du scrutin, des consultations internes et externes qui ont été faites par Élections Ontario, avec des partis politiques, des candidats de divers groupes communautaires », explique une porte-parole francophone d’Élections Ontario.

Le sondage : une visée stratégique?

« Si considéré, le projet de loi peut également être modifié ou peut ne concerner qu’une partie de nos recommandations. La composante politique peut entrer en jeu, c’est-à-dire, à quel point ce serait favorable pour le gouvernement actuel », commente la porte-parole d’Élections Ontario.

« Il y a eu une tentative semblable au niveau fédéral il y a une vingtaine d’années, avec interdiction de sondage 72 heures avant le scrutin, mais qui s’est confrontée à beaucoup d’écueils », raconte le politologue Peter Graefe.

Selon lui, une partie de l’électorat y voit une source d’information, surtout du fait du système électoral à un tour, qui pousse parfois les électeurs à devoir se positionner en fonction des tendances : « Cela reste une source d’information importante sur le positionnement des partis pour la façon dont certains décident d’utiliser leur vote en vue de faire des choix stratégiques. »

Seuls 44 % des Ontariens ont exprimé leur suffrage lors de la dernière élection provinciale. Source : Canva

« Dans l’idéal, on pourrait préférer que les gens choisissent le parti le plus proche de leur idéologie, mais dans les faits, certains électeurs font un choix pour empêcher l’élection d’un certain parti », explique-t-il.

Il analyse cependant différents profils de votants, un certain nombre d’électeurs pouvant décider de ne pas voter par découragement face aux résultats, pensant que leur voix n’aura pas d’effet, ou bien, dans un cas inverse, motiver une certaine compétitivité pour appuyer un autre parti que celui en tête des sondages.

Ce n’est selon lui ni une bonne ni une mauvaise solution, mais requiert une analyse et une compréhension approfondies pour identifier les comportements et réactions des votants face aux sondages.

Améliorer la sensibilisation civique et l’accès à l’information

Selon un sondage d’opinion, les cartes d’information de l’électeur sont le quatrième outil d’information le plus utilisé et constituent donc une source précieuse de renseignements.

Élections Ontario suggère d’ailleurs dans son rapport de créer un système d’adresse unique normalisé entre les 444 municipalités ontariennes, utilisant des systèmes et conventions différents, pour que les électeurs reçoivent plus facilement la documentation, évitant le grand nombre d’adresses difficiles à localiser.

Peter Graefe note que la baisse de la participation électorale se manifeste aussi dans les élections fédérales canadiennes. Une baisse observable dans les pays ayant une longue expérience de démocratie depuis 40 à 50 ans.

« Cela pourrait être une explication générationnelle, les nouvelles générations n’ayant pas connu la guerre par exemple », observe-t-il. « Leur expérience des élections les laissant à penser qu’élire un parti ou un autre ne changera pas grand-chose au niveau politique et économique. »

De ce constat, le professeur agrégé au département de sciences politiques de l’Université McMaster souligne alors la recommandation du rapport d’Élections Ontario d’améliorer l’éducation civique dans les écoles secondaires pour solidifier ce sentiment de citoyenneté et de devoir civique.

D’ajouter toutefois que ce sont les partis politiques qui amènent les gens à voter en les contactant, en les mobilisant et que la faiblesse d’un parti peut alors en ressortir.

Selon le directeur des élections, accroître la mobilisation des électeurs est une responsabilité collective qui incombe « à l’ensemble des acteurs de l’écosystème démocratique, à savoir les partis politiques, leurs chefs et leurs candidats, ainsi que les médias, les groupes de sensibilisation et les électeurs eux-mêmes ».

Article mis à jour le 11 avril à 13h02.