Engouement pour les Raptors : « Le basket démontre beaucoup plus la diversité canadienne »
TORONTO – En finale de NBA, la seule équipe de basket professionnel au pays a déjà remporté une victoire : celle de l’unité nationale. Une histoire de sport, de bilinguisme et de diversité.
Étape par étape, match après match, les basketteurs torontois ont lutté pour rester dans la compétition. Ils ont pris des risques ensemble dans l’adversité. Ils ont fait de leurs talents individuels et de leurs différences une force collective pour se hisser en finale de NBA. Un fait d’armes historique que personne n’a vraiment vu venir.
La performance sportive est d’autant plus singulière qu’elle entraîne dans son sillage une foule de valeurs et de représentations socio-culturelles qui bousculent (accélèrent?) la transformation du Canada, ce pays façonné par la diversité et l’immigration, en bute aux barrières quotidiennes des préjugés de toute nature.
L’ascension des Raptors a progressivement drainé un public de moins en moins connaisseur, de plus en plus dense, qui s’est retrouvé comme un seul homme dans les rues, non plus seulement de Toronto, mais de partout au pays. Le cercle restreint des adeptes du ballon orange torontois est devenu celui de la nation.
Plusieurs facteurs expliquent ce pouvoir du sport selon Christine Dallaire, professeur et vice-doyenne aux études, à la Faculté des sciences de la santé de l’Université d’Ottawa. « Sur le plan identitaire, ce sont les athlètes masculins qui créent un engouement », explique-t-elle. « Au Canada, le soccer est le sport numéro un chez les jeunes mais les équipes masculines étant plutôt en retrait par rapport aux féminines, le basket a pris la place laissée vacante ».
Selon cette spécialiste du sport dans sa dimension socio-culturelle, le phénomène Raptors en dit long sur le changement au Canada.
« Le succès de cette équipe devient celui d’une nation, un peu comme les Blues Jays, victorieux des séries dans les années 1990. Contrairement au hockey, le basket démontre beaucoup plus la diversité canadienne quand on regarde la composition des équipes. Il véhicule une image beaucoup plus inclusive. Les jeunes de toutes origines qui ne se voient pas dans le hockey se retrouvent dans le basket. On ne les met plus de côté mais on confirme leur place dans la nation canadienne. Si le basket a sa place, ils ont aussi la leur. »
Représentations des francophones issus de l’immigration
C’est un exemple concret de multiculturalisme. C’est ce que le Canada a toujours prôné, complète Amikley Fontaine. Le président de la Fondation Sylvenie Lindor œuvre dans le domaine de l’inclusion de la jeunesse noire francophone dans la région de Toronto.
Il développe des programmes en leadership et cohésion sociale par le sport auprès des jeunes immigrants. « Les francophones issus de l’immigration qui ne sont pas assez représentés dans la société, le sont soudainement sur les écrans du monde entiers. Tout le monde est la table. »
Faisant référence aux conférences de presse en partie bilingues de Pascal Siakam, il insiste sur la langue française, également vecteur de cohésion : « C’est un appel à prendre notre place. Siakam est devenu un ambassadeur de la francophonie ontarienne, inclusive, rassembleuse, qui range au placard la francophonie partisane ou sectorielle. C’est un message lourd de sens. »
Identification au trio Siakam-Ibaka-Boucher
Le triumvirat francophone Siakam-Ibaka-Boucher suscite autour de lui un intérêt de la part de la presse francophone mais aussi des populations camerounaises, congolaises et caribéennes. Ces communautés très présentes en Ontario se sont, pour une part, identifiées à leur compatriote respectif, dans un élan de fierté de leur racine, de leur histoire commune tout autant que de leur appartenance canadienne.
Sans oublier que « le sport est un des derniers endroits où l’on peut affirmer son identité sans arrière-pensée, de façon ludique, rappelle
Christine Dallaire. On sent qu’on partage un lien et des émotions extraordinaires amplifiées par l’effet de foule. Les gens recherchent le plaisir qu’ils ne trouvent pas ailleurs. »
Les Raptors semblent aimer faire durer le plaisir. Tant mieux pour l’intégration canadienne.