Face au coronavirus, les artistes innovent

Émilie Landry, crédit photo: Fefe photography -

Confrontés à des annulations de spectacles en cascade, trois artistes francophones se tournent vers les réseaux sociaux pour exprimer leur art. Un premier concert en direct sur Facebook ce soir pourrait donner des idées à bien d’autres alors que l’épidémie de COVID-19 n’a pas dit son dernier mot.

La nouvelle s’est répandue dans la journée sur les réseaux sociaux. Les Franco-Ontariens Louis Venne, Mehdi Cayenne et l’Acadienne Émilie Landry donneront tout à tour un concert de 30 minutes aujourd’hui en direct sur le réseau social Facebook.

Programmée de 18h à 19h30, cette initiative originale se veut une réponse à la crise qui traverse la scène musicale francophone. L’épidémie de COVID-19 a entraîné une vague d’annulations de concerts, des rassemblements publics susceptibles d’accélérer la propagation du virus.

« On a décidé ça en 48 heures », glisse Mehdi Cayenne. Comme beaucoup d’artistes, il a vu ses spectacles décommandés les uns après les autres et devait trouver rapidement une alternative alors que la saison des festivals s’annonce chaotique. L’idée de produire un concert virtuel a aussi traversé la tête d’Émilie Landry et Louis Venne.

Mais il fallait un chef d’orchestre pour assurer la partie technique. William Burton était la personne toute trouvée. Ce jeune Franco-Ontarien est le fondateur de la compagnie Le Réveil qui aide les artistes à diffuser leur spectacle en direct et faire leur promotion en ligne.

« Une bonne manière de continuer à faire plaisir aux gens tout en tirant notre épingle du jeu » – Louis Venne

Il s’apprêtait justement à lancer une application de diffusion en direct, à l’occasion de la Nuit émergente à Sudbury, les 27 et 28 mars.

« Le Festival a été annulé et Mehdi avait sondé son public sur les réseaux sociaux sur l’idée de faire un concert virtuel », explique-t-il. « Alors j’ai contacté d’autres artistes. »

« Ça s’est déballé comme ça, hier, au cours de la journée », confie Émilie Landry. Elle a saisi la balle au bond après plusieurs dates supprimées. Programmée en première partie de David Miles à Dieppe (Nouveau-Brunswick) en mars, l’Acadienne avait appris l’annulation du concert peu de temps avant. Plus de 220 spectateurs ont dû être remboursés au dernier moment.

« On s’est dit que c’était une bonne manière de continuer à faire plaisir aux gens tout en tirant notre épingle du jeu », explique Louis Venne qui a vu son concert en Outaouais fin mars annulé et craint que sa tournée de plusieurs semaines en France en mai ne soit elle aussi rangée au placard.

Une profession précaire fragilisée par la vague d’annulations

« On compte sur un public pour vivre », dit Louis Venne. « La vie ne s’arrête pas. Autour de moi, mes amis dans le milieu capotent un peu : tout le monde a des shows annulés. Il va falloir trouver des manières alternatives de poursuivre nos activités, de rester en contact avec notre public et entre nous. C’est la première fois qu’on fait face à une situation comme ça et on ne sait pas combien de temps ça va durer. »

« Les artistes n’ont pas le monopole du bad trip », relativise Mehdi Cayenne. « La précarité affecte les gens les plus vulnérables de la société, mais c’est sûr que pour nous c’est compliqué. Ça ne va pas être un vrai substitut pour gagner notre vie, mais c’est une façon de faire la limonade quand la vie te donne des citrons », poursuit-il avec l’optimisme qui le caractérise.

« C’est hors de notre contrôle, on espère qu’on sera aidé » – Émilie Landry

Dans ce climat d’inquiétude généralisée, les trois auteurs-compositeurs-interprètes veulent aussi apporter du bonheur à leur public, dédramatiser la situation sans la sous-estimer.

« On comprend que des mesures sont prises pour limiter l’avancer du virus », confie Émilie Landry. « C’est hors de notre contrôle. On espère qu’on sera aidé quand même. Et si on peut apporter quelque chose de plus léger et plus positif sur les réseaux sociaux, tant mieux. »

« L’anxiété est palpable », ressent depuis plusieurs semaines Mehdi Cayenne. « C’est vraiment intense, à la limite du psychotrope ». À quelques heures de l’événement, il s’avoue impatient.

 « Ça va être une interaction bizarre », ne cache pas Louis Venne. « Ça va être comme jouer dans son salon avec en face de moi un ordinateur. »

D’autres concerts en direct de ce type pourraient suivre dans les prochains jours avance William Burton, citant des groupes intéressés comme la formation ottavienne de trad-country Sugar Crush ou encore des artistes de Saskatchewan et d’Acadie. « Ils veulent tous faire des live », assure-t-il, prédisant une belle semaine de concerts à venir.

Les artistes seront rémunérés sur la base des dons du public en ligne.