Faites vos « je », rien ne va plus

Chaque samedi, ONFR propose une chronique sur l’actualité et la culture franco-ontarienne. Cette semaine, c’est Rym Ben Berrah qui évoque des enjeux de société et d’éducation qui rejoignent le quotidien.
[CHRONIQUE]
Que se passe-t-il dernièrement? Tous les matins au réveil (quand je ne suis pas réveillée par mes petits monstres avec leurs petites mains qui me tapotent le visage avec violence pour ensuite m’offrir le plus doux des sourires égayés dès qu’ils s’aperçoivent que j’ai finalement ouvert les yeux), mon premier réflexe est de boire un verre d’eau et démarrer la machine à café.
Le besoin devient de plus en plus criant dépendamment à quel point ma nuit a été chamboulée par mon dernier bébé, mais surtout par le fait de suivre ce qui se passe dans l’actualité ces derniers temps.
Je regarde les nouvelles sur mon téléphone. Parfois, je ne les regarde même pas et déjà elles me bombardent et font leur chemin vers moi. Parfois, c’est la nouvelle en question qui apparaît mais, la plupart du temps, ce sont plutôt les réactions aux nouvelles qui surplombent les réseaux sociaux.
Vous connaissez cette sensation de torpeur, au sortir du sommeil, lorsque vous n’êtes pas encore dans la réalité, mais que vous commencez à vous en remémorer les prémisses? Les critères de la réalité vous reviennent un à un à l’esprit… C’est cette sensation que je ressens lorsque je regarde les nouvelles dernièrement. Je me dis, « mais non, ce n’est qu’un rêve, va chercher ton cup de support émotionnel et ça va bien aller ».
Pourtant, il est vrai que les choses s’enchainent et que ce début d’année rocambolesque nous rappelle que nous ne sommes plus dans les années 2000, où ça prenait plus longtemps de produire des nouvelles, diffuser des faits, déclencher des élections, faire le tour du monde du bout de son smartphone.
L’incident de l’avion Delta à l’aéroport de Toronto
Je regardais avec horreur la gravité de l’incident grâce aux vidéos qui circulaient sur internet. Je ne pouvais m’empêcher d’esquisser un demi-sourire en pensant aux personnes qui, dans la précipitation et l’exaltation d’avoir échappé au rendez-vous de la mort, se pressaient de sortir leurs téléphones afin de filmer la scène. Je me suis demandé, si j’avais été à leur place, ce que j’aurais fait? Là, étant maman de jeunes enfants, bien sûr je me dis que j’aurais pris mon enfant dans mes bras et l’aurais serré fort jusqu’à quasiment l’étouffer dans mon étreinte.
La nouvelle que chaque passager du vol recevra 30 000 $ américains a fait le tour des médias par la suite, provoquant des réactions telles que « À ce prix, j’aurais voulu y être ». Comme si la conscience humaine collective ne pensait qu’au gain, les gens non blessés sont contents, mais ceux qui vont subir des séquelles physiques ou psychologiques, que représente ce montant comparé au vrai prix à payer? C’est quand même un méchant coup marketing pour contrer les éventuels désistements, Delta Airlines.
Ce qui se passe chez nous et ce qui se passe à côté de chez nous
Les élections vont bon train et tous les jours nous voyons les partis se mettre sous leur meilleur jour en envoyant leurs soldats sur tous les fronts. Je regardais le débat électoral francophone qui a duré une heure. Je salue chaque parti qui tous ont donné la parole à une femme, bonne oratrice, s’exprimant bien en français, connaissant son programme comme sa poche et qui a pu en défendre les priorités.
Comme à chaque élection, les mêmes questions reviennent : l’éducation de la petite enfance à l’université, le respect des deux langues officielles, le travail, les infrastructures, les services de santé, le logement, les services communautaires, le pouvoir d’achat et la précarité financière, l’argent, l’argent, l’argent…
Notons que le débat a commencé par le sujet de l’heure : la relation avec nos voisins « d’en bas ». Sur la scène politique internationale, le Canada s’est toujours affiché comme un allié des États-Unis et le changement de dynamique est notoire pour le Canada. Dès qu’on touche à ce qui se passe chez nous, nous devons, pour la première fois, nous mettre dans un mode défensif et trouver des solutions en interne. Nous voyons déferler des campagnes qui incitent à consommer local, consommer canadien, redonner notre argent à nos marques et entreprises d’ici. Ne devrait-ce pas être déjà le cas au jour le jour?
Finalement, c’est lorsque nous sommes ébranlés que nous envisageons un retour aux sources. Il y a de cela quelques jours, j’étais en voiture lors d’une tempête hivernale intense. Il y avait plusieurs véhicules arrêtés, pris au piège par des bancs de neige. Nous avons agi en aidant des personnes dans le blizzard.
J’ai vu aussi un monsieur en voiture s’arrêter pour aider ces chauffeurs en détresse, en proposant une grosse pelle et un engin pour faire avancer les roues. Il se promenait avec ses gadgets en pleine tempête, certain de pouvoir aider, décidé dans sa mission. J’ai trouvé ça beau et touchant que, lorsque nous sommes touchés d’aussi proche, que ce soit dans notre climat ou notre portefeuille, nous sommes soudés, humains, et nos priorités changent.
Derrière le coffre d’une grosse auto qu’on essaye de pousser, nous sommes tous égaux.
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leurs auteur(e)s et ne sauraient refléter la position d’ONFR et de TFO.