Culture

Festival du film Black d’Ottawa : « On est plus que ce que l’on pense dans cette industrie » selon Nerline Labissière

L'audience lors de la soirée d'ouverture du Festival du film Black d'Ottawa, en 2023. Photo: Gracieuseté du FFBO

Nerline Labissière est Coordonnatrice de la logistique et des relations avec la communauté pour le Festival du film Black d’Ottawa (FFBO)

La cinquième édition du FFBO se déroule du 28 mars au 2 avril à l’édifice de Bibliothèque et archives nationales du Canada.

Ce jeune festival veut faire prendre conscience des nombreux talents afrodescendants dans l’industrie du cinéma. Il veut également soutenir les jeunes personnes noires qui rêvent de faire carrière dans ce domaine.

« Qu’est-ce qu’on devrait savoir sur le FFBO?

C’est un jeune événement, par rapport aux autres festivals du film Black organisés par la Fondation Fabienne Colas. Celui de Montréal a 20 ans. Celui de Toronto, 13 ans. Les autres ont poussé durant la pandémie. Les premières années, on était en ligne, pour satisfaire la population qui ne pouvait pas sortir, changer le réflexe Netflix pour faire découvrir des films indépendants.

Avec sa fondation, Fabienne Colas organise plusieurs événements et festivals culturels pour la communauté noire au Canada, dont les festivals du film Black dans différentes villes. Photo : Fabienne Colas au FFBO en 2023. Gracieuseté du FFBO

On a commencé à le faire en personne en 2023. Notre but est de mettre en lumière les talents de la communauté noire, qui travaillent d’arrache-pied tout en étant sous-représentés dans l’industrie.

Même dans notre communauté, on ne sait pas tout le temps qu’il y a autant de talents.

Quelles sont les particularités des festivals du film Black selon les villes?

Chaque ville a son histoire. Par exemple, Halifax a toute une histoire au niveau de l’esclavage et une population assez dense, mais qui rencontre beaucoup de difficultés.

À Montréal, il y a une plus grande industrie. Il y a des prix qui sont remis, ce qu’on n’a pas dans les plus petites villes.

À Toronto, il y a beaucoup de musiciens, donc ils ont aussi des performances.

Nerline Labissière est Coordonnatrice de la logistique et des relations avec la communauté pour le Festival du film Black d’Ottawa. Photo : Gracieuseté du FFBO

Ici, on a beaucoup d’ambassadeurs et de députés, puisque c’est la capitale.

C’est sensiblement le même programme, mais avec une touche spéciale selon les villes.

Qu’est-ce que le programme Être noir.e au Canada?

C’est un programme de la Fondation Fabienne Colas pour des jeunes entre 18 et 30 ans, qui vont faire un court-métrage pour la première fois. Ils sont soutenus et encadrés. Ils vont le présenter en tournée dans nos festivals.

L’an dernier, il y a même un participant franco-ontarien qui a pu présenter son court-métrage dans un festival à Los Angeles!

À Ottawa, on a monté un projet avec le Conseil des écoles catholiques du Centre-Est (CECCE) pour que les participants de l’an dernier présentent leurs œuvres dans les écoles.

Quelle est la part du français au FFBO?

La majorité des films sont en anglais, ou sous-titrés en anglais, mais parlés dans la langue du pays. On a quelques films francophones.

À Montréal, tout le festival est bilingue. Ici, on est en train de travailler pour améliorer nos présentations, notre site web et notre programmation.

Un panel de discussion lors de l’édition 2023. Photo : Gracieuseté du FFBO

On a des panels de discussion en français aussi. On travaille pour mettre de l’avant la communauté francophone d’Ottawa davantage.

Quels sont les autres éléments de la programmation que vous voudriez mettre de l’avant?

On a une petite vente collective de produits d’entrepreneurs afrodescendants. Ça fait quatre ans qu’on le fait à Montréal, et j’ai décidé de l’inclure à Ottawa. Je trouve que c’est important de mettre de l’avant les produits faits de chez nous.

Ces produits peuvent aussi être présentés dans les écrans. Par exemple, un personnage de femme noire ne va pas se laver les cheveux avec n’importe quel shampoing. On veut que ça se voit au cinéma.

Il y a aussi le gala d’ouverture, où l’on rencontre des dignitaires et des acteurs. Le film d’ouverture est Samia, de Yasemin Şamdereli. C’est l’histoire vraie d’une jeune femme qui fait de la course, ce qui n’est pas encouragé pour une femme dans son pays (la Somalie). Elle a travaillé très fort et s’est rendue aux Jeux olympiques. C’est une histoire inspirante, une belle façon de commencer le festival.

Le film d’ouverture 2025 est Samia, de Yasemin Şamdereli. Photo : Gracieuseté du FFBO

Dans les panels de discussion, il y a un acteur qui va présenter comment faire une audition par vidéo en se filmant soi-même. On a souvent des panels qui présentent des outils pour ceux qui voudraient avancer dans l’industrie.

Dimanche, il y a un panel en ligne en français qui parle de la garde-robe des personnes noires au cinéma.

Les films sont aussi disponibles en ligne. Pourquoi avoir gardé une programmation hybride?

Ce n’est pas tout le monde qui a la possibilité de se déplacer. On voulait permettre à ces gens de regarder les films dans le confort de chez eux, de ne pas se sentir exclus.

Le documentaire Johanne, tout simplement de la Franco-Ontarienne Nadine Valcin fait partie de la sélection du FFBO 2025. Photo : Gracieuseté du FFBO

On veut aussi que ce soit un événement international, donc il y a une passe en ligne qui donne accès à une trentaine de films, peu importe où les gens sont. Ça augmente notre visibilité.

Qu’est-ce que des événements du genre apportent concrètement à la communauté noire?

Ça nous permet de se retrouver et de se rendre compte qu’on est plus que ce que l’on pense dans cette industrie.

On veut aussi montrer à ceux qui sont intéressés à avoir une carrière que c’est possible.

Voyez-vous une évolution générale par rapport à l’inclusion des personnes noires dans l’industrie du cinéma, ou s’il reste encore beaucoup de chemin à faire?

Les deux. Par exemple, les gens du Festival international du film d’Ottawa (IFFO) et du Bureau du cinéma d’Ottawa s’impliquent et sont intéressés. Ils savent qu’on a besoin de leur soutien, car il y a souvent une question de ressources et de contacts que notre communauté n’a pas eu l’opportunité d’avoir dans le passé.

Le fait d’être là avec le FFBO depuis cinq ans fait déjà une grosse différence. Mais effectivement, il y a encore beaucoup de travail à faire. L’industrie du cinéma est assez restreinte, donc il y a encore certaines mentalités et stéréotypes qu’on doit essayer de contourner. C’est beaucoup de travail, mais on voit que le verre est en train de se briser.