Financement politique : la fin des soupers spaghetti?
TORONTO – Le gouvernement Wynne a décidé de présenter une nouvelle série de propositions pour modifier les règles entourant le financement politique, même si un projet de loi en ce sens est déjà à l’étude à Queen’s Park. Un geste improvisé d’un gouvernement qui sent la soupe chaude, selon l’opposition.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
efgauthier@tfo.org | @etiennefg
Est-ce la fin des fameux soupers spaghetti utilisés depuis des décennies par de nombreux politiciens pour financer leur campagne électorale?
La question se pose à la suite d’une nouvelle proposition faite par le gouvernement de Kathleen Wynne, qui tente de calmer le jeu après plusieurs semaines de controverses sur sa manière de récolter des fonds à des fins politiques.
Un peu avant midi, le mercredi 26 octobre, le gouvernement a publié un communiqué expliquant les amendements qu’il compte présenter au Comité permanent des affaires gouvernementales. Des changements de dernière minute, alors que le projet de loi a déjà été accepté en deuxième lecture par l’Assemblée législative.
Amendement 1 : « Interdire aux députés provinciaux, candidats, chefs de parti, candidats à l’investiture et candidats à la direction d’un parti de participer à des activités de financement à des fins politiques »
En clair, cela signifie qu’un député ne pourra plus exiger d’argent par l’entremise de différents types d’événements communautaires ou privés pour financer sa campagne.
Le leader parlementaire du gouvernement, Yasir Naqvi, affirme que ça ne signifie pas nécessairement que tous les événements tenus par un député dans sa communauté vont disparaître : « Ils peuvent les faire, mais ils devront les faire à coût nul et ne pas les utiliser pour amasser des fonds ». Reste à voir si les élus trouveront d’autres motivations que financières pour mener de telles activités, notamment les soupers spaghetti.
L’interdiction proposée ne s’appliquera pas aux « fonds levés par d’autres moyens, par exemple par téléphone ou courriel », ce qui peut poser d’autres problématiques. Certains seront-ils tentés de contourner la loi en organisant un événement pour ramasser les noms de donateurs potentiels… qu’ils contacteront ensuite par téléphone ou courriel?
« Ce sera au Directeur des élections de l’Ontario à déterminer l’objectif de l’initiative. On est en train de changer la manière dont on récolte de l’argent en Ontario », a souligné M. Naqvi. Il a défendu son gouvernement critiqué de toute part à la suite de plusieurs événements de financement.
« Vous dites qu’il y a un conflit et que des gens prennent de l’argent pour prendre une décision. Il n’y a pas de preuves à ce sujet. Mais il y a une perception de conflit d’intérêts et c’est cette perception que nous voulons éliminer. Nous voulons encadrer le financement politique et nous assurer d’avoir une démocratie plus forte », a-t-il répondu sèchement à la suite d’une question d’un journaliste.
Pour compenser la perte occasionnée par ces changements au financement des partis politiques, le gouvernement annonce également qu’une compensation financière sera offerte.
Amendement 2 : « Une allocation aux associations de circonscription pour compenser les revenus des activités de financement qu’ils ne recevront plus à la suite des réformes proposées par le projet de loi. Les associations de circonscription inscrites dans chaque circonscription se partageront 25 000 $ par année (indexés annuellement), selon la proportion de votes que chaque candidat inscrit a reçu lors de l’élection la plus récente »
La mauvaise cible, selon l’opposition
L’opposition officielle affirme que l’entourage des élus pourra continuer à récolter de l’argent. « J’ai eu des soupers spaghetti et ça permet de ramasser des sommes d’argent toutes petites de citoyens de la communauté. Les libéraux font des événements de financement qui coûtent très cher à ceux qui y participent. Pour faire oublier les scandales, ils tentent de mettre l’attention sur le financement politique mené de manière légitime », a affirmé Vic Fideli, critique aux finances du Parti progressiste-conservateur de l’Ontario. « Les libéraux font toujours les choses pour eux et non pour le bien des citoyens », a-t-il ajouté.
La chef du Nouveau Parti démocratique, Andrea Horwath, était aussi en colère face aux propositions du gouvernement. « Chaque jour, les libéraux semblent sortir une nouvelle idée écrite à l’arrière d’une napkin pour tenter de calmer les scandales. Si j’étais au pouvoir, je miserais sur une consultation citoyenne transparente en matière de financement des partis », a-t-elle indiqué.