Société

Financement provincial retiré : le Réseau mieux-être francophone du Nord craint pour sa mission

ENTREVUE EXPRESS

QUI

Diane Quintas est directrice générale de l’actuel Réseau mieux-être francophone du Nord, organisme qui œuvre à un meilleur accès en français de la population du Nord à des services de santé.

LE CONTEXTE

Depuis 2010, le Réseau du mieux-être francophone du Nord de l’Ontario agit à la fois comme entité de planification mandatée par le ministère de la Santé de l’Ontario, et comme réseau régional soutenu par la Société Santé en français, relevant de Santé Canada. La création du nouveau Centre de planification des services de santé en français, annoncée par la province, bouleverse le fonctionnement du Réseau.

L’ENJEU

Le Réseau du mieux-être francophone du Nord de l’Ontario redoute une perte massive de ressources humaines et une rupture dans la continuité de son travail sur le terrain.

« Comment avez-vous appris la création du nouveau Centre de planification des services de santé en français?

Nous l’avons appris à peine une heure ou une heure et demie avant que l’annonce ne sorte au grand public. Ça a été une réelle surprise. On savait qu’un changement se préparait dans le système. On avait même soumis des recommandations au ministère dès 2020. Mais on ne s’attendait pas du tout à être écartés de la conception de ce nouveau modèle. Et encore moins à un résultat comme celui-là.

Qu’est-ce que cette annonce implique pour votre organisation?

Pour nous, en tant que Réseau, les enjeux sont particuliers. Contrairement aux entités du Sud qui n’ont qu’un seul mandat, nous en avons deux. 

Et tous nos employés (11 personnes) travaillent sur les deux fronts : le mandat de Réseau et celui d’Entité. Il n’y a pas de séparation des tâches. C’est la même équipe. Alors apprendre qu’il y aurait une division du travail a été un véritable choc. C’est l’incertitude, la peur, la frustration…

Évidemment, depuis cette annonce, j’ai commencé à travailler le dossier, à évaluer l’impact et à regarder quelles seraient les possibilités pour que ce changement ait le moindre impact possible sur le progrès et le travail déjà en marche.

Pouvez-vous nous rappeler la mission exacte du Réseau?

Notre mandat est d’améliorer l’accès aux services de santé en français pour la population du Nord de l’Ontario. On le faisait déjà bien avant 2010, mais cette année-là, le ministère nous a donné un mandat officiel, accompagné d’un financement provincial, pour que l’on continue à travailler avec les fournisseurs du système de santé. On les avisait, on les accompagnait. En parallèle, on a aussi un financement fédéral à travers la Société santé en français. C’est un modèle unique, avec deux sources de financement pour un travail interrelié. Ce qu’on fait pour le fédéral bénéficie aussi à la province, et vice-versa.

Justement, que se passe-t-il avec ce double mandat?

C’est là que ça devient complexe. Avec le nouveau centre, la province retire son financement. Mais on ne peut pas simplement couper un organisme en deux et espérer que tout continue comme avant. Aucun employé n’est à 100 % réseau ou à 100 % entité. Ce sont les mêmes personnes. Séparer l’équipe, c’est risquer de ralentir ou interrompre le travail déjà en cours, notamment avec les fournisseurs sur le terrain.

Avez-vous des craintes concrètes?

Par exemple, j’ai présenté des plans de travail sur cinq ans, basés sur les financements provincial et fédéral, ainsi qu’une équipe complète. Si je perds 60 % de mon personnel, comment puis-je livrer les résultats attendus? Et ce n’est pas qu’un enjeu pour nous : même le nouveau centre sera affaibli s’il n’a pas les ressources nécessaires. Avant, il y avait une synergie. Aujourd’hui, on risque d’affaiblir tout le système.

Y a-t-il eu des garanties concernant les employés?

Les rencontres après l’annonce ont laissé entendre qu’il n’y aurait pas de perte d’emploi et que les conditions demeureraient semblables. On nous dit que ce n’est pas une réforme faite pour nuire, mais pour évoluer. Et je le crois. Mais je pense aussi que certains n’avaient pas toute l’information nécessaire au moment de prendre les décisions. La composante Réseau n’a pas été bien comprise ni intégrée au nouveau modèle.

Que souhaitez-vous pour la suite?

Maintenant que l’annonce a été faite, on veut s’asseoir avec tous les partenaires pour planifier la suite correctement. Il y a des solutions possibles pour les Réseaux du Nord et de l’Est, qui vivent cette réalité à double mandat. Il faut juste se donner le temps de faire les choses intelligemment. Ce qu’on demande, c’est du temps et de la collaboration pour éviter des pertes, des doublons ou des bris dans la continuité des services. Il faut s’assurer que personne ne soit laissé pour compte dans cette transition, ni les réseaux, ni les communautés. »