Les Franco-Canadiens pleurent la disparition de la plus grande voix de l’Acadie

MONTRÉAL – La disparition de la romancière d’origine acadienne Antonine Maillet a suscité un torrent d’émotion partout dans la francophonie canadienne ce lundi. Monument de la culture, celle qui est largement connue du grand public s’est éteinte paisiblement à l’âge de 95 ans à son domicile de Montréal.
Pierre Filion, directeur de la maison d’édition Leméac, laquelle a lancé l’un de ses ouvrages les plus emblématiques, La Sagouine, a d’abord fait part de la nouvelle dans une publication Facebook.
« Antonine Maillet a contribué à fixer par son talent et sa faconde la réalité acadienne dans la géographie littéraire francophone, notamment avec la création des archétypes de La Sagouine et de Pélagie-la-Charrette », déclare-t-il.
Et de continuer : « Porte-parole de l’Acadie depuis plus de soixante ans, elle a largement participé, autant par ses écrits que par son engagement indéfectible, à l’affirmation de l’identité acadienne en terre d’Amérique. Les lettres françaises du XXe siècle lui doivent beaucoup. »

« C’était un monument littéraire comme il s’en fait peu. C’est quelqu’un qui a apporté une visibilité à l’Acadie à travers ses écrits; nous sommes des légions d’auteurices qui lui devons beaucoup », confie de son côté la traductrice, éditrice et autrice, Sonya Malaborza à ONFR.
Celle qui est aussi co-directrice générale et directrice de l’édition chez Prise de Parole n’a pas connu personnellement la dramaturge, mais a été marquée par une autre facette, moins connue, de cette dernière.
« Antonine Maillet, c’est quelqu’un qu’on connaît davantage pour ses talents de conteuse, de romancière et de dramaturge, et peut-être un peu moins pour ce qu’elle a fait en traduction. Elle a traduit David French, Shakespeare et d’autres encore, avec brio; je m’étais penchée là-dessus avec beaucoup d’intérêt pendant mes études à l’Université York. », finit-elle.

Au-delà de la culture
Celle qui a signé plus d’une douzaine de pièces de théâtre et une cinquantaine de livres a laissé une empreinte durable dans le monde de la culture et au-delà.
Côté politique, on note un hommage du premier ministre canadien, Justin Trudeau et de celle du Nouveau-Brunswick, Susan Holt.
« Elle était un symbole de la fierté et de la résilience acadiennes, et je sais que sa voix incitera les prochaines générations à célébrer les histoires qui font toute la richesse et la diversité de la mosaïque culturelle canadienne », indique Justin Trudeau.
« L’héritage d’Antonine Maillet perdurera par le biais des histoires qu’elle a racontées, la fierté qu’elle a suscitée et ses contributions au tissu culturel de notre province. Elle aura profondément marqué l’Acadie, le Nouveau-Brunswick et le monde, et nous ne l’oublierons jamais », a salué de son côté, Susan Holt.

« Aujourd’hui, c’est toute la francophonie qui est en deuil, mais aussi toute la francophonie qui est reconnaissante pour ce que cette grande romancière a fait pour raconter son Acadie et la faire rayonner », a déclaré la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA)
De son côté, le Centre de la francophonie des Amériques déclare : « Toujours généreuse et sensible à notre mission, nous avons eu la chance de collaborer avec Mme Maillet à plusieurs reprises pour des conférences et plus récemment pour un épisode de notre balado ‘On est 33 millions’ »
L’université de Moncton a également tenu à rendre hommage à Mme Maillet, en soulignant que « son engagement » qui restera « une source d’inspiration ». L’institution mettra ses drapeaux en berne pour les dix prochains jours sur l’ensemble de ses trois campus.

Nombreux prix et distinctions
Celle qui est surnommée la plus grande voix de l’Acadie a accumulé les prix et distinctions comme celle du Prix du Gouverneur général en 1972 pour Don l’Original. Le succès de sa célèbre pièce La Sagouine, publiée en 1971, la convaincra à mettre fin à sa carrière en enseignement en 1975.
En 1979 elle remporte le prestigieux prix Goncourt pour son autre grand succès, le roman Pélagie-la-Charrette la même année que le 375e anniversaire de l’Acadie. Elle fut la première femme non européenne et la seule Canadienne à ce jour à avoir remporté cette distinction.
Elle a également été faite Compagnon de l’Ordre du Canada (1981), officière de l’Ordre national du Québec (1990) et membre de l’Ordre du Nouveau-Brunswick (2005).
Antonine Maillet a par ailleurs été nommée en 2020 citoyenne d’honneur de la Ville de Montréal par la mairesse Valérie Plante, elle résidait d’ailleurs sur la rue qui porte son nom.
En novembre dernier, elle avait aussi assisté au dévoilement d’un timbre à son effigie au Salon du livre de Montréal.