En Ontario français, les francophones de 65 ans et plus peuvent faire face à une double discrimination, soit celle de leur identité de genre et celle d’être francophone en situation minoritaire. Photo : Canva

TORONTO – Les aînés francophones LGBTQ+ vivant en milieu minoritaire peuvent ressentir un fardeau supplémentaire en raison de leur orientation sexuelle et de leur langue maternelle lorsqu’ils tentent d’accéder aux services essentiels, tels que la santé, l’hébergement et divers autres services, selon des consultations réalisées auprès d’aînés francophones en Ontario. La Fédération des aînés et retraités francophones de l’Ontario (FARFO) et FrancoQueer souhaitent donc offrir un espace inclusif et accueillant pour les personnes aînées et retraitées francophones 2SLGBTQI+, qui subissent encore de nombreuses stigmatisations dans leur quotidien, grâce à la mise en place d’un tout premier Réseau fierté aîné francophone dans la Ville Reine.

Michel Tremblay, le directeur général de la FARFO, explique que l’objectif de ce réseau est de rejoindre les aînés francophones LGBTQ+.

Un des plus grands défis demeure dans la difficulté de repérer les personnes de cette communauté, explique le directeur.

« Nous en connaissons bien évidemment, mais les aînés de la communauté 2ELGBTQI+* ne se rassemblent pas nécessairement, alors, l’idée du réseau, c’est d’aller les chercher puis de se donner une force ensemble comme aînés francophones. »

M. Tremblay souhaite que ce réseau participe à la défense de leurs droits, mais en même temps qu’il s’inscrive dans un espace récréatif et social.

« On veut sortir les gens de leur isolement, espère-t-il. C’est aussi pourquoi on se rapproche des Centres D’accueil Héritage à Toronto. »

Le Réseau compte planifier des activités comme des rencontres sociales pour favoriser l’engagement et l’inclusion. Il sera aussi question d’événements culturels pour célébrer l’héritage et la diversité de ce groupe. Les deux organismes à la tête de ce projet veulent promouvoir des activités récréatives et des événements spécifiques pour offrir des opportunités de réseautage et de célébration.

Des défis qui persistent pour ces aînés

« Le mot d’ordre, c’est le respect », estime Paul-André Gauthier, consultant en soins infirmiers et soins de santé.

« Ce qu’on remarque, c’est qu’il y a encore des préjugés, des biais et des stéréotypes qui conduisent à de la discrimination. Le message qui revient souvent : c’est le respect. »

En amont de créer le Réseau fierté aîné francophone, la FARFO avait mandaté Paul-André Gauthier et le Centre de leadership et d’évaluation (CLÉ) pour la rédaction d’un guide de bientraitance en 2023.

Le docteur Paul-André Gauthier, originaire de Sudbury. Il est consultant en soins infirmiers et en soins palliatifs. Gracieuseté de Paul-André Gauthier

Paul-André Gauthier, qui fait partie d’un consortium en Ontario avec la communauté LGBTQ+, au niveau des soins infirmiers, a très vite réalisé dans ses recherches que les expériences d’homophobie, de biphobie et de transphobie vécues tout au long de la vie de ces personnes façonnent les besoins et les défis des personnes âgées dans la communauté lorsqu’elles vieillissent. « Les personnes aujourd’hui âgées de 65 ans et plus ne vont pas divulguer leur orientation sexuelle ou leur identité de genre aisément. »

Pour le directeur de la FARFO, il faut se rappeler que les gens, lorsqu’ils entrent dans une maison de retraite ou dans un foyer de soins de longue durée, intègrent de nombreux établissements à caractère religieux et d’autres ancrés dans des communautés très traditionnelles.

« C’est évident que ces gens-là ne sont pas nécessairement confortables à s’afficher avec leur conjoint ou conjointe dans ces lieux. C’est la réalité et ça change très lentement », affirme M. Tremblay.

D’ailleurs, on retrouve aussi du personnel dans ces établissements issus de l’immigration, certains venant de pays où être homosexuel n’est pas légal, rappelle-t-il.

Comme le Guide de bientraitance le rappelle : « Il importe aussi de reconnaître que l’accumulation d’expériences de stress, de discrimination, de stigmatisation et de violence contribue à des résultats négatifs sur la santé des personnes. Au fil du temps, ces expériences sont internalisées et créent un stress aigu et chronique, appelé stress des minorités. »

Le fardeau historique

D’après Paul-André Gauthier, il est aussi question de problèmes de santé disproportionnés, notamment à propos de la santé mentale, entre autre dû à l’isolement, mais aussi à cause des années de stigmatisations vécues par la communauté, influençant au passage plusieurs retours au placard.

Dans ses recherches, la FARFO estime que « 39 % des personnes âgées de la communauté ont déjà sérieusement pensé à s’enlever la vie. »

De plus, « la dépendance aux substances psychoactives (drogues, alcool et tabac) est plus fréquente que dans la population générale. »

Sachant qu’environ 50 % des personnes atteintes du VIH au Canada sont âgées de plus de 50 ans, « Il y a beaucoup de personnes qui craignent le VIH, et les personnes atteintes se demandent comment elles vont être reçues dans un foyer de longue durée. »

Michel Tremblay, directeur général de la Fédération des aînés et des retraités francophones de l’Ontario. Photo : Archives ONFR

Michel Tremblay affirme également que les aînés francophones de la communauté se heurtent à un autre fardeau : celui du manque de services en français dans les soins de santé mentale.

Les aînés LGBTQ+ francophones en milieu minoritaire font face à de nombreux défis dans le domaine de la santé. C’est pourquoi Paul-André Gauthier, en tant que consultant en soins infirmiers, pousse le personnel soignant à réellement faire preuve d’empathie.

« Il faut faire attention à ne pas briser la relation thérapeutique et ne pas accentuer la vulnérabilité. Pour y arriver, le mot d’ordre : c’est le respect. »

*2ELGBTQI+ désigne les personnes deux-esprits, lesbiennes, gais, bisexuels, transgenres, queer, intersexe, le + se référant notamment aux personnes agenres, genderqueer, pansexuelles, non-binaires, demi-sexuelles, demi-romantiques et en questionnement. Certains organismes ajoutent un A pour asexuel. Lorsqu’ONFR utilise l’acronyme LGBTQ+, le + englobe l’ensemble de ces personnes aux réalités diverses.