Francophonie économique : une subvention mais pas de réponse systémique
TORONTO – Reconduit pour 2020-2021, le Programme d’appui à la francophonie ontarienne (PAFO) ne verra pas son enveloppe globale augmenter, une décision pourtant espérée au sein de plusieurs organisations, compte tenu de la crise sanitaire qui les a fragilisées. Des réponses systémiques à des enjeux systémiques se font attendre, particulièrement au niveau économique. La ministre des Affaires francophones, Caroline Mulroney, explique ses arbitrages au micro d’ONFR+.
Un million de dollars. C’est la somme que devront se partager les organisations franco-ontariennes pour financer leurs projets. L’an dernier, 48 organismes ont bénéficié d’un des deux volets : développement économique (élargi pour inclure les organismes à but non lucratif) et communauté-culture (dont le revenu annuel minimum requis a été réduit à 50 000 $).
Le total des demandes était bien supérieur : 132. Les besoins sont donc importants, d’autant que la pandémie de COVID-19 a cette fois paralysé l’économie et plombé les rentrées d’argent.
« Le PAFO est encore plus important cette année », reconnaît Mme Mulroney, en écho à la crise sanitaire. « On le renouvelle pour continuer à soutenir les entreprises et les organismes francophones. »
Pas question pourtant d’augmenter le financement total : « On est en train d’étudier les politiques nécessaires au sein du gouvernement pour appuyer davantage. On sait qu’il va falloir faire encore plus », assure-t-elle.
En faire plus, c’est ce que souhaiterait Hosni Zaouali, le président du Conseil de la coopération de l’Ontario. Il salue les efforts du ministère des Affaires francophones qui consacre près du quart de son budget à cette problématique, mais regrette un déséquilibre profond entre les entreprises anglophones et francophones, alors même que le potentiel de ces dernières pourrait significativement rejaillir sur l’ensemble de l’économie ontarienne.
Entreprises francophones : un déséquilibre persistant
« Quand on regarde ce qui est dépensé du côté anglophone dans le développement économique, un million de dollars c’est pas grand-chose », tranche-t-il. « Il existe une francophonie qui désire se prendre en main économiquement et qui aidera les francophones, mais aussi les anglophones, car nos entreprises représentent un accès aux marchés européens et africains pour tous les Canadiens. »
Selon lui, le ministère du Développement économique tirerait énormément d’avantages à aider les entreprises franco-ontariennes à se développer.
« Malheureusement, on n’a pas vu grand-chose du côté de ce ministère. On fait nos preuves au quotidien : de plus en plus d’entreprises sont mises sur pieds par des francophones. Mais elles vont chercher du soutien chez les anglophones, car il n’existe pas de composantes francophones à tous les organismes de soutien… qui reçoivent des centaines de millions de dollars cumulés et l’appui du secteur privé. »
Selon lui, il faut aller au-delà d’une subvention en créant le contexte favorable aux investissements privés et à un accès à la clientèle francophone internationale. « Il faut créer une structure, un système. C’est très important car le système, il est là pour rester. »
Les concertations lancées dès 2018 pour rattraper le retard de la province dans le soutien aux entrepreneurs franco-ontariens avaient suscité beaucoup d’espoir, sans déboucher sur des avancées tangibles dans ce domaine.
« On était prêt pour en parler pour le budget qui n’a pas eu lieu, mais la pandémie a mis sur pause nos plans et on a dû se concentrer sur la crise sanitaire », justifie Mme Mulroney qui siège aussi à la table du Comité de la relance économique.
À travers ce comité qui étudie les impacts de la pandémie et émet des recommandations pour la contrer, elle certifie que le gouvernement ira « de l’avant avec certaines de ces recommandations, mais c’est encore trop tôt pour en parler ».
Déceptions dans la sphère sociale et culturelle
Le secteur social et culturel bénéficiera-t-il de telles recommandations? C’est le souhait de nombreux intervenants qui eux aussi réservent un accueil très mitigé au PAFO.
L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, par la voix de son président Carol Jolin, se félicite que le programme soit renouvelé : « Nos sondages ont révélé que les besoins étaient importants mais toute aide est la bienvenue. »
D’autres organisations sont plus sévères. Amikley Fontaine, le président de la Fondation Sylvénie Lindor juge la subvention insuffisante. La crise raciale qui a frappé l’Ontario semble avoir donné raison à l’importance de son action contre le racisme.
« Je m’attendais à trois ou quatre millions de dollars. C’est un grain de sable dans l’océan. C’est rien pour répondre aux enjeux économiques et sociaux en français de la province », lance-t-il, attendant une réponse systémique aux combats francophones.
Soukaina Boutiyeb, la présidente de présidente de l’Association des communautés francophones d’Ottawa (ACFO Ottawa), souligne « un pas en avant » mais « on ne peut pas parler de relance économique sans investir au niveau social. On risque de manquer le bateau », affirme-t-elle à propos des organisations qui ont mis beaucoup d’énergie durant la pandémie.
Les personnes intéressées ont jusqu’au 5 août pour déposer une demande de subvention pouvant aller jusqu’à 50 000 $. Les projets devront être mis en œuvre entre le 15 octobre 2020 et le 31 mars 2021.