Le tiers des organismes franco-ontariens ne tiendra pas six mois
Des organismes névralgiques à l’émancipation des Franco-Ontariens sont menacés par la crise provoquée par le coronavirus. Plusieurs qui participent à la vie sociale et communautaire francophone craignent de devoir fermer leurs portes d’ici… six mois.
Le porte-voix des Franco-Ontariens, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), a effectué un coup de sonde auprès des organisations francophones de la province. Au total, 210 ont pris part à l’exercice. Près de la moitié sont des organismes à but non lucratif, une autre part importante des répondants provient du secteur privé. La majorité des répondants est basée dans l’Est ontarien.
Les conclusions sont sombres : « Dans les conditions actuelles, près d’une organisation sur trois ne pourra plus fonctionner d’ici six mois, et cette statistique passe à près d’une organisation sur deux sur un horizon d’un an », peut-on lire dans le rapport. En tout, c’est 99 organismes sur 210 répondants qui disent être en danger de fermeture d’ici six mois ou un an.
« Nous souhaitons que notre sondage alimente les gouvernements en vue de la relance et leur permette d’aborder celle-ci avec une lentille francophone. Les résultats démontrent que plusieurs de nos organisations, tant des milieux communautaires, privés qu’institutionnels, ont besoin d’appui de leurs gouvernements », affirme le président de l’AFO, Carol Jolin.
Le sondage a été partagé avec le Conseil ministériel consultatif sur la relance économique francophone de la ministre des Affaires francophones, Caroline Mulroney. Les répondants affirment que les gouvernements doivent fournir de l’aide financière et promouvoir l’achat local, notamment.
Seulement 20 % des répondants disent que les « gouvernements devraient mobiliser les ressources, réseaux et entreprises francophones lors de la relance et miser sur le bilinguisme ». Pour ceux qui sont de cet avis, ils croient que les gouvernements devraient mobiliser les ressources, réseaux et entreprises francophones, favoriser les emplois bilingues et miser sur une équité dans la distribution des fonds, notamment.
Une nécessaire transformation?
« Devant l’avancée de la pandémie et suite à la déclaration de l’État d’urgence, tous nos services resteront fermés pour une durée indéterminée ».
Le message de l’Association des francophones de la région de York (AFRY) ne peut pas être plus clair. L’organisme francophone, a jusqu’à maintenant été presque complètement paralysé par le coronavirus.
L’organisme engrange une bonne partie de ses revenus grâce à ses services de garde, actuellement fermés. Et lorsqu’ils rouvriront, les ratios d’enfants seront plus petits et les mesures de prévention coûteuses à implanter.
« Nous n’aurons plus de rentabilité dans les services. Soit les gouvernements aident les opérateurs financièrement, soit ils aident les parents qui payeront plus chers pour faire garder leurs enfants », tranche la directrice de l’AFRY, Nadia Martins.
À la mi-avril, le gouvernement fédéral annonçait une aide de 350 millions de dollars pour permettre aux organismes comme le sien de se réinventer afin d’offrir des services d’aide liés à la pandémie.
Mme Martin étudie la chose, mais de se lancer dans la confection de repas d’urgence, par exemple, demande l’obtention de permis et des sommes plus importantes que celles offertes, observe-t-elle.
« Mais on est en plein remue-méninge. On veut voir comment on peut quand même se réinventer, sachant que nous n’aurons pas les revenus passés avec nos activités futures de garde d’enfants », dit-elle.
Sylvia Bernard, directrice de l’organisme La Clé d’la baie, basé à Penetanguishene, est aussi en pleine réflexion.
« Nous avons une perte de revenus mensuels de 90 000 $. Nos entreprises sociales qui nous amenaient des revenus pour financer différents postes et activités sont inactives pour la plupart », confie-t-elle.
Pourquoi ne pas miser sur les fonds fédéraux disponibles pour se réinventer?
« On peut obtenir 40 000 $ pour relancer notre service de traiteur. J’ai de l’équipement, un véhicule de livraison et des employés disponibles. Mais 40 000 $, ce n’est pas énorme pour payer les frais de livraison, l’achat de nourriture. On ne veut pas non plus opérer à perte », insiste Mme Bernard.
La subvention salariale fédérale qui permet de couvrir 75 % des salaires de certains employés est utile. Mais combien de temps durera-t-elle?
« Si elle s’arrête, d’autres postes de soutien pourraient être mis à pied temporairement dans un futur rapproché. Des postes qui s’ajouteraient aux 35 mises à pied déjà effectuées au cours des dernières semaines. En tout, nous avons en temps normal 70 employés », rappelle-t-elle.