Identité de genre : manifestants et contre-manifestants face à face à Ottawa
OTTAWA – La foule était dense mercredi midi devant le Parlement d’Ottawa, où se tenait l’un des 77 rassemblements de la 1 Million March 4 Children (1MM4C). Cette manifestation était organisée par différents groupes, dont certains ouvertement hostiles à la communauté LGBTQ+. Leur faisant face, physiquement et moralement, des contre-manifestants affichaient clairement les drapeaux arc-en-ciel, trans et inclusifs.
La revendication principale de la 1MM4C, ardemment soutenue par le slogan Leave our kids alone (laissez nos enfants tranquilles) était de protéger les enfants contre une « idéologie de genre » et une éducation sexuelle précoce. Les manifestants demandaient à décider eux-mêmes des valeurs qui seraient enseignées à leurs enfants. Ces derniers étaient nombreux à avoir manqué l’école pour scander les mêmes slogans que leurs parents.
« Fais ce que tu veux quand tu es majeur. Mais c’est à nous de décider pour nos enfants, et non au gouvernement », revendiquait un militant au micro d’ONFR.
« C’est une question de société, de famille. On envoie nos enfants à l’école pour apprendre le français et les mathématiques, pas pour les sexualiser. En les sexualisant, on les prépare pour les pédophiles, » affirmait un autre.
Les amalgames étaient nombreux parmi la foule. « Je suis bouleversée de ce que les écoles imposent sur les enfants. J’ai une petite-fille de 16 ans qui a été endoctrinée dans ce culte », nous racontait une militante.
Des pancartes antigouvernementales, pro-convoi de la liberté, des messages religieux et des références à la pandémie côtoyaient celles qui demandaient la protection des enfants. Certains manifestants affichaient des drapeaux et chandails orange avec la mention Every Child Matters, slogan de la journée nationale de la vérité et de la réconciliation.
Un peu plus loin, dans un coin de la Colline du Parlement, se tenait d’ailleurs une autre manifestation n’ayant aucun lien avec la 1MM4C. Des membres des Premières Nations protestaient contre le projet de loi 53. Alors qu’elles se rendaient à cet autre rassemblement, certaines personnes en ont profité pour scander « Trans rights are human rights » (Les droits trans sont des droits humains) en traversant la foule.
C’est ce slogan qui était majoritairement lancé par les contre-manifestants. Des membres de la communauté LGBTQ+ et des alliés s’étaient réunis plus tôt devant la Cour suprême, à quelques pas du Parlement, pour éventuellement se rendre devant les manifestants 1MM4C. Moins nombreux et restés moins longtemps sur les lieux, ils étaient quand même plusieurs centaines à défendre leurs points.
« On est ici pour protéger les personnes trans, les droits des enfants trans, et protéger toute la communauté LGBTQ+ contre la haine et contre l’extrême droite, » affirmait un contre-manifestant au micro d’ONFR.
« Je suis ici avec fierté pour défendre les droits des personnes trans. Parce que les droits des personnes trans sont les droits humains. C’est quelque chose qu’il ne faut jamais remettre en question, » confirmait une autre participante.
Réactions officielles
Les manifestations 1MM4C avaient lieu partout au pays et plusieurs élus y ont réagi. Le premier ministre canadien Justin Trudeau a écrit sur X que « nous condamnons fermement cette haine et ses manifestations ».
Questionnés par les journalistes avant la période des questions, les députés conservateurs ont évité de se prononcer sur le sujet. Lors de leur congrès au début du mois, leurs militants ont adopté, à la hauteur de 69 %, une proposition visant à encadrer les transitions de genre des mineurs de moins de 18 ans. Celle-ci interdirait certains types d’opérations médicales « qui changent la vie des mineurs de moins de 18 ans pour traiter la confusion ou la dysphorie de genre ».
Concernant les interventions médicales, le chef du NPD Jagmeet Singh estime qu’il faut laisser le champ libre aux experts en santé de « donner le meilleur avis » et « non aux politiciens ». Des députés néo-démocrates ont aussi affiché leur soutien aux manifestants pro-LGBTQ+. Leur chef a notamment marché en leur compagnie dans les rues d’Ottawa.
« On respecte énormément les droits des parents (…) En même temps, c’est important de reconnaître que la maison n’est pas toujours l’endroit le plus sécuritaire pour certains enfants », a commenté M. Singh, se disant contre certaines décisions de politiciens provinciaux comme au Nouveau-Brunswick et en Saskatchewan, qui imposent aux écoles d’informer les parents si leur enfant souhaite afficher une identité de genre différente à l’école.
En Ontario, le premier ministre Doug Ford a récemment évoqué l’idée d’une telle loi lors d’un discours, pour ensuite affirmer que son gouvernement n’envisageait pas de modification législative en ce sens.
Aux médias qui demandaient une réaction du ministre de l’Éducation Steven Lecce aux manifestations de mercredi, sa porte-parole Isha Chaudhuri transmettait une déclaration dans laquelle il est inscrit que « peu importe vos croyances, héritage, orientation sexuelle ou couleur de peau, notre gouvernement est fermement engagé à veiller à la sécurité et au bien-être de tous les enfants dans les écoles de l’Ontario. (…) Notre engagement ferme est de continuer de soutenir les voix des parents à travers le système d’éducation de l’Ontario, pour que leurs enfants puissent obtenir leur diplôme avec les compétences réellement utiles dans la vie et sur le marché du travail dont ils ont besoin pour réussir. »
Pour sa part, Mark Sutcliffe a écrit sur X : « En tant que maire d’Ottawa, je condamne toute forme de discrimination ou de haine. Les membres de la communauté 2SLGBTQIA+ ont le droit de vivre sans harcèlement ni bigoterie. Je respecte le droit de manifester, cependant le ciblage spécifique des jeunes de la communauté 2SLGBTQIA+ en raison de qui ils sont n’a pas sa place dans notre ville. »
La police d’Ottawa a affirmé avoir arrêté trois personnes en lien avec les manifestations, dont deux pour incitation à la haine en affichant du matériel haineux et une dernière pour avoir causé une perturbation.